La générale de la pièce de théâtre «Memory Kelthoum», une comédie noire sur la grande comédienne Kelthoum et son choix de se retirer de la scène artistique, a été présentée, dimanche à Alger, devant un public restreint.
Présenté au théâtre national Mahieddine-Bachtarzi (TNA) dans le cadre de la Journée du théâtre arabe célébrée le 10 janvier de chaque année, le spectacle «Memory Kelthoum» a été mis en scène par Tounes Ait Ali, sur un texte de Djamila Moustapha Zeggaï, inspiré de la vie de la grande actrice Sarah Bernhardt (1844-1923). D’une durée de 60 mn, le spectacle restitue des moments difficiles dans la vie de Kelthoum et sa décision de se retirer de la scène artistique après une longue et brillante carrière, choisissant de s’isoler et de ne plus communiquer avec le monde extérieur. Refusant de répondre au courrier qui lui était quotidiennement adressée par des professionnels du Cinéma et du Théâtre porteurs de projets, des amis ou des fans, Kelthoum, brillamment rendu par la jeune Yousra Daïkha, se retrouve contrainte d’affronter les démons d’un passé qui n’aura pas été clément envers elle. Marqué par le conservatisme ambiant d’une époque où la femme n’avait de place qu’à la maison, Kelthoum, résiste à l’adversité et se résout à suivre sa voie d’artiste qui lui vaudra d’être renvoyée de la maison, car elle a «enfreint les règles de bonne conduite». Pour la ramener à la vie, «Nounou», son fidèle serviteur, incarné par le jeune Chabane Mohamed Aziz, prétexte de tenir un journal dans lequel il consigne tous les beaux souvenirs de la grande comédienne et actrice juste pour l’inciter à les revivre et les raconter. Kelthoum, elle, vivant dans ses tourments, sait qu’elle se fait violence en décidant de se retirer du monde artistique et familial, sans doute une manière pour elle de sanctionner ses détracteurs.
Ce choix de vie loin des projecteurs de la célébrité, n’aura pas été sans effet sur elle, car au fil du temps, elle deviendra arrogante et agressive, demandant chaque fois à son domestique de lui ramener son parapluie pour s’abriter des lueurs du soleil du jour et de la lune le soir. Pourtant les souvenirs sont bien là et Kelthoum évoquera avec regret son passé glorieux de comedienne et d’actrice avec des artistes de renom, à l’instar, entre autre de Abderrahmane Rais, Allal El Mohib, Mahieddine Bachtarzi, Mustapha Kateb, Alloula, Azeddine Medjoubi et Lakhdar Hamina avec qui elle est montée sur les marches du Festival de Cannes en 1975. Le duo de comédien a bien porté la densité du texte, occupant tous les espaces de la scène dans des échanges ascendants et soutenus, de même pour la scénographie faite d’un décor minimaliste mais concluant, avec de longs pantalons sur lesquels l’image d’une comédienne en plein gloire est affichée. Des extraits musicaux d’œuvres du patrimoine, interprétés par Lili Boniche, Matoub Lounès, ainsi que d’autres issus du terroir chaoui, ont agrémenté les atmosphères lugubres de «Memory Kelthoum», un spectacle qui restitue une partie du vécu de la grande Kelthoum, Aicha Adjouri de son vrai nom, décédée en 2016 à l’âge de 94 ans. Auparavant, la comédienne et metteure en scène Nabila Ibrahim a donné lecture à la Lettre de la Journée du Théâtre arabe, écrite cette année par le dramaturge émirati, Ismail Abdellah.
Le spectacle «Memory Keltoum» est produit par la Coopérative artistique pour le Théâtre,»Port-Saïd», en collaboration avec le TNA et le ministère de la Culture et des Arts.
Fondée depuis une dizaine d’années par le comédien Mohamed Laouadi, la Coopérative a produit depuis 18 spectacles dont, outre «Memory Keltoum», «Amar Bouzouar», «Wazir Ourabbi K`Bir», «Montserrat», écrite par Emmanuel Roblès, «El Mekhlouâe» ou encore «Appel masqué».