C’est bien connu, Hollywood adore décliner ses succès en suites. Mais peu de films récents ont dû composer avec un passif aussi lourd – à l’écran, comme hors caméra – que la nouvelle aventure des super-héroïnes, « The Marvels ». Premier opus de l’univers Marvel avec des têtes d’affiche entièrement féminines, ce long-métrage sorti mercredi dernier s’inscrit non seulement dans la lignée des événements survenus lors des 32 autres films de la franchise, mais emprunte aussi à l’intrigue de deux séries télévisées. Carol Danvers, alias « Captain Marvel » (toujours interprétée par Brie Larson), se voit ainsi attribuer deux partenaires issues des séries Disney+ « WandaVision » et « Miss Marvel »: Monica Rambeau, incarnée par Teyonah Parris, et Kamala Khan, jouée par Iman Vellani. Les trois femmes sont forcées de faire équipe pour sauver l’univers car elles échangent involontairement leurs corps lorsqu’elles utilisent leurs super pouvoirs à cause d’une anomalie. Une pirouette scénaristique dont les films Marvel sont coutumiers mais qui alimente les craintes d’aggraver la lassitude témoignée par le public à l’égard des aventures de super-héros. Selon le magazine Variety, suivre la franchise de nos jours s’apparente plus à des « devoirs scolaires » qu’à un divertissement. Pour sa réalisatrice Nia DaCosta, le défi du film consistait à alterner entre exploration des antécédents de ses héroïnes et poursuite de leurs nouvelles aventures loufoques dans l’espace. « Nous avons essayé de rendre honneur à leurs histoires », a-t-elle expliqué, en résumant ses questionnements. « Qu’avons-nous besoin de voir dans cette prochaine phase pour tous les personnages, et comment pouvons-nous l’équilibrer ? »
Difficultés
Des défis, le film en a également affronté hors caméra: pour boucler le film, le tournage a dû reprendre pour quatre semaines supplémentaires et sa sortie a été retardée à plusieurs reprises. Des rumeurs concernant une reprise en main du film par le patron du studio Marvel, Kevin Feige, ont circulé. Selon Variety, Mme DaCosta aurait même quitté le projet pendant la post-production. L’intéressée a démenti ces informations auprès de l’AFP. « Au cœur de l’histoire, il s’agit de trois personnages qui se rencontrent et se découvrent pour la première fois », a estimé la productrice Mary Livanos, certaine que le public pourra « suivre et apprécier l’histoire » sans être incollable sur l’univers Marvel. Autre difficulté, la grève des acteurs à Hollywood, qui vient de se terminer mercredi soir, a empêché le casting de faire la promotion du film avant sa sortie. Et comme pour « Captain Marvel », sorti en 2019, « The Marvels » a également dû affronter une campagne de trolling sexiste en ligne, envers ses trois premiers rôles féminins.
Sororité
Les analystes ne lui prédisent pas un destin foudroyant: ils s’attendent à 60 millions de dollars de recettes au box-office américain lors de son premier week-end d’exploitation, ce qui serait exceptionnellement bas pour un film Marvel. Mais Mme Livanos se veut confiante.
La productrice rappelle que plusieurs projets dirigés par des femmes font actuellement un carton aux Etats-Unis. « C’est vraiment excitant et c’est un heureux hasard que le film sorte après cet été incroyable avec Barbie et Taylor Swift cet automne dans les salles de cinéma », insiste-t-elle, en espérant que le film puisse profiter de cet élan.
Pour Mme DaCosta, plus jeune réalisatrice de Marvel, engagée à 30 ans avec un seul film indépendant acclamé à son actif, la sororité est d’ailleurs un thème récurrent. Son premier film, « Little Woods », raconte l’histoire de deux sœurs qui luttent pour échapper à la pauvreté, à un passé criminel et à une grossesse non désirée, et qui doivent se retrouver pour se soutenir l’une l’autre. « C’est un peu comme ça que j’ai vu ces trois personnages, (…) trois sœurs qui doivent se trouver elles-mêmes – et se trouver l’une l’autre », raconte-t-elle. « Dans l’univers Marvel, cela signifie devenir une grande équipe de super-héros. »