Seule « une douzaine de personnes » aurait profité de ces corridors mis en place par le régime syrien et par la Russie, rapporte l’OSDH.
L’ONU a proposé de gérer les corridors « humanitaires » ouverts par le régime syrien entre les secteurs loyaliste et rebelle d’Alep, décrits par l’opposition comme des « couloirs de la mort » et vus avec « scepticisme » par Washington. Au moins 18 civils ont par ailleurs été tués dans des bombardements sur des secteurs rebelles d’Alep et sur une ville proche tenue par les insurgés, selon une ONG, l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
Et dans une autre région du nord de la Syrie contrôlée par les rebelles, une maternité soutenue par l’ONG Save the children a été bombardée dans un raid qui a fait deux morts, d’après cette organisation. Après des semaines de bombardements et de siège d’Alep, le régime a ouvert des corridors pour encourager civils et combattants souhaitant déposer les armes à sortir des quartiers rebelles, avec l’objectif de s’emparer de la totalité de cette ville divisée depuis 2012.
Des rues désertes
Annoncée par la Russie, l’ouverture des couloirs a été présentée comme ayant un but « humanitaire », ce dont doutent l’opposition, des analystes et des rebelles. Le régime a d’ailleurs repris ses bombardements contre les quartiers rebelles d’Alep, où se trouvent assiégés depuis près de deux semaines quelque 250 000 habitants qui manquent de nombreux produits de base. Au moins huit civils ont péri vendredi dans ces bombardements, selon l’OSDH.
D’après l’OSDH, seulement « une douzaine de personnes sont sorties depuis jeudi via l’un des corridors ». « Les rebelles ont ensuite empêché les habitants de s’en approcher », selon cette source. Vendredi, les rues de plusieurs quartiers rebelles étaient désertes, les habitants ne se risquant pas à sortir, selon un correspondant de l’Agence France-Presse. Même les bruits des moteurs électrogènes ont cessé, faute de carburant.
Possible « ruse »
L’ONU s’est dite « en principe et en pratique » favorable à ces corridors « humanitaires » et a proposé d’en prendre le contrôle. « L’ONU et ses partenaires humanitaires savent ce qu’il faut faire. Ils ont l’expérience », a souligné l’envoyé spécial onusien pour la Syrie, Staffan de Mistura. Dans un communiqué, le ministère russe de la Défense a jugé « bienvenue » cette proposition des Nations unies et a dit que la Russie allait « attentivement l’étudier ».
Les États-Unis ont exprimé leur « scepticisme ». Le secrétaire d’État John Kerry s’est dit « profondément inquiet de la définition » de ces corridors. « Il y a un risque, si c’est une ruse, de briser complètement le niveau de coopération » entre les États-Unis et la Russie, a averti le chef de la diplomatie américaine. « D’un autre côté, si nous sommes en mesure (…) de comprendre totalement ce qui se passe (…), cela pourrait en fait ouvrir des possibilités », a déclaré John Kerry.
Pour Karim Bitar, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), « les habitants (des secteurs rebelles) d’Alep font face à un terrible dilemme, ils ont le choix entre risquer de mourir de faim ou risquer de mourir dans leur fuite ».
« Stratagème cynique »
« La tragédie syrienne a souvent montré que l’humanitaire a été utilisé comme stratagème cynique servant des intérêts géopolitiques », a-t-il dit. Le régime a en effet eu recours à la tactique du siège pour soumettre la rébellion dans d’autres régions du pays. Selon des analystes, la perte d’Alep par les insurgés représenterait un tournant dans une guerre qui a fait plus de 280 000 morts depuis 2011 et poussé des millions de personnes à la fuite.
Non loin de la deuxième ville de Syrie, au moins 10 civils, dont une majorité de femmes et d’enfants, ont été tués dans des raids sur la localité rebelle d’Atareb, selon l’OSDH, qui ne pouvait pas dire s’ils avaient été menés par l’aviation syrienne ou celle de son allié russe. Dans le nord-ouest du pays, l’ONG Save the children a indiqué qu’une maternité qu’elle soutient dans la province d’Idleb et qui soigne plus d’un millier de femmes avait été bombardée vendredi, faisant deux morts. Plusieurs bébés ont été blessés et une femme enceinte de six mois a eu une jambe arrachée. Selon Amnesty International, il s’agit d’un « possible crime de guerre » qui semble s’inscrire dans une « abjecte logique d’attaques illégales visant délibérément des établissements médicaux ».