Les forces antijihadistes ont annoncé vendredi le début de l’assaut final contre le groupe Etat islamique (EI) en Syrie, après l’évacuation de plusieurs milliers de personnes de l’enclave jihadiste. Après une montée en puissance fulgurante en 2014, et la proclamation d’un « califat » sur des pans entiers de la Syrie et de l’Irak, l’EI a vu son territoire se réduire comme peau de chagrin.
Le coup d’envoi de cette ultime bataille marque le début de la fin territoriale du groupe jihadiste. Les Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par une coalition conduite par les Etats-Unis et engagées depuis septembre dans une offensive contre l’ultime réduit de l’EI, dans la province orientale de Deir Ezzor, avaient dû suspendre leurs opérations il y a plus de deux semaines pour épargner les civils. Plusieurs milliers de personnes -femmes et enfants surtout- ont quitté depuis une semaine cette poche dans la périphérie Est du village de Baghouz. « Après l’évacuation de milliers de civils et de nos camarades détenus à Baghouz, l’opération de nettoyage de la dernière poche de l’EI a commencé à 18H00 ce soir (16H00 GMT) », a annoncé vendredi le porte-parole des FDS, Mustafa Bali, sur Twittter. Les FDS ont repris les tirs d’artillerie contre l’enclave jihadiste mais les combats au sol n’ont toujours pas commencé, a-t-il expliqué à l’AFP. Plus tôt dans la journée, des dizaines de personnes ont été parquées à bord de six camions en partance du réduit jihadiste, la septième opération d’évacuation depuis le 20 février, a constaté une équipe de l’AFP sur place. Parmi les derniers évacués, seule une poignée d’hommes se trouvaient parmi de nombreuses femmes, notamment des Irakiennes et des Syriennes, accompagnées de leurs enfants. « Les personnes que nous avons évacuées aujourd’hui nous ont dit qu’il n’y avait plus de civils et que ceux qui se trouvaient encore à l’intérieur ne voulaient pas partir », a indiqué M. Bali à l’AFP. « Si, au cours de notre avancée, nous découvrons qu’il y a encore des civils, nous les isolerons des combats, mais nous sommes obligés d’aller de l’avant », a-t-il ajouté. Un commandant sur le terrain a indiqué à l’AFP que les FDS avaient mis en place une « unité spéciale pour évacuer les civils » le cas échéant. Une jeune femme égyptienne fraichement sortie de l’enclave jihadiste a souligné que « l’EI ne laissait pas sortir les hommes de moins de quarante ans », y compris son mari âgé de 27 ans. Jeudi, les FDS ont annoncé, par ailleurs, la libération de 24 de leurs combattants qui étaient détenus par l’EI dans cette dernière enclave.
100 %
Les derniers jihadistes sont retranchés dans la périphérie Est du village de Baghouz, situé sur la rive orientale du fleuve Euphrate, non loin de la frontière irakienne. Ce bout de territoire se résume à quelques pâtés de maisons accolées à un camp informel. Les « irréductibles » refusent de déposer les armes, contrairement à d’autres jihadistes qui se sont rendus ces dernières semaines dans le sillage des évacuations ou ont été démasqués alors qu’ils tentaient de se dissimuler parmi la foule passée au peigne fin par des membres des FDS. « Certains combattants de l’EI disent nous voulons mourir ici », avait indiqué cette semaine à l’AFP une femme fraichement évacuée de la poche jihadiste. Le président américain Donald Trump a déjà évoqué jeudi une défaite totale de l’EI en Syrie. « Nous venons juste de prendre le contrôle du califat en Syrie. Vous avez entendu dire qu’il s’agissait de 90 %, 92 %, maintenant, c’est 100 % », a-t-il déclaré.
Pas de calendrier
Le porte-parole des FDS a refusé d’avancer un calendrier précis pour la fin de l’ultime opération, désormais en cours. « Ça prendra fin quand tout sera fini ». Jeudi, le commandant en chef des FDS, Mazloum Kobani, a affirmé que la victoire serait annoncée « dans environ une semaine ». Depuis début décembre, plus de 50.000 personnes ont quitté l’ultime réduit jihadiste, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). La grande majorité des personnes évacuées sont transférées vers le camp de déplacés d’Al-Hol dans la province de Hassaké (nord-est), où elles s’entassent dans des conditions décriées comme « rudes » par des ONG. L’ONU a appelé jeudi à une levée de fonds urgente pour assurer les interventions d’urgence. « Davantage de tentes, de vivres, d’eau, d’équipements sanitaires et médicaux (…), sont nécessaires de toute urgence », a insisté l’organisation. Déclenchée le 15 mars 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, la guerre en Syrie qui s’est complexifiée au fil des ans avec l’implication de plusieurs acteurs, a fait plus de 360.000 morts et poussé à la fuite des millions de personnes. « Le conflit est loin d’être terminé », a estimé jeudi devant le Conseil de sécurité le nouvel émissaire de l’ONU pour la Syrie, Geir Pedersen. « Des pans entiers du territoire continuent d’échapper au gouvernement » et l’EI « peut renaître de ses cendres ».