Malgré les crises politiques et humanitaires que connait la région Mena (Middle East and North Africa), la santé reste une priorité. L’Algérie se distingue comme l’un des pays de la région qui présente les mesures les plus poussées en matière de santé, particulièrement sur l’épidémie de sida.
À l’occasion de sa visite en Algérie en janvier dernier, le Directeur exécutif de l’Onusida, Michel Sidibé a félicité les gouvernements de la région pour l’adoption récente de la Déclaration d’Alger, un acte important pour mettre fin à l’épidémie de sida dans la région Mena. L’un des principaux points de la déclaration encourage à un élargissement des services de dépistage et de traitement anti-VIH dans la région, en particulier au sein des populations vulnérables comme les consommateurs de drogues injectables. L’Algérie a récemment mis en place le dépistage du VIH dans tous les établissements de santé et a adopté une loi réprimant toutes les formes de violence envers les femmes. De plus, le pays a largement étendu sa couverture de traitement antirétroviral en s’appuyant majoritairement sur des fonds nationaux. « L’accès universel à la santé est inscrit dans la Constitution algérienne », avait déclaré le Ministre de la Santé, Abdelmalek Boudiaf. De plus, selon Michel Sédibé, l’Algérie est considérée dans la zone Mena comme «un pays-phare de l’Afrique en matière de production de médicaments et de recherche scientifique» dans le cadre de la lutte contre le sida. L’institut Pasteur qui est, selon ses dires, « dans la capacité d’être un centre modèle pour toute l’Afrique en termes de production de médicaments» est même plébiscité par le continent africain. Ce dernier vient de se doter d’un nouveau laboratoire d’analyses médicales de biochimie et d’hémobiologie pour développer le programme de coopération scientifique en ce qui concerne la protection de la santé publique, notamment la surveillance et le contrôle épidémiologique des maladies infectieuses et parasitaires dont le sida. L’Algérie pourrait, avec la volonté politique qu’elle prône, aider l’Afrique à aller directement vers l’accès universel aux soins. Pour Sédibé, «l’Afrique doit produire des solutions et l’Algérie est considérée à ce titre comme étant un pays-phare pour le reste du continent en matière de production et de recherche ». Le traitement contre le VIH/sida en Algérie et dans la région Mena se limitera «bientôt», selon Onusida, à une seule injection tous les quatre mois au lieu d’un comprimé quotidien. Par ailleurs, les résultats obtenus par l’Algérie en matière de lutte contre le VIH sont « particulièrement encourageants » dans une région où le taux de couverture est « le plus bas », selon un rapport de l’Onusida publié le 6 mai dernier. Il faut spécifier que le taux d’atteinte de sida est de 26% dans la région Mena selon les dernières estimations de l’ONU, avec une multiplication par trois du taux de décès. Le nombre de nouvelles affections en Algérie est estimé à 1000. Le même organisme note également que ce sont « les deux seules régions du monde à avoir vu le nombre de nouvelles infections à VIH augmenter depuis 2000″. Même si des efforts sont consentis par les pouvoirs publics, ils restent encore insuffisants. En effet, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, « seuls 14% des adultes – et 15 % des enfants (ndlr) – ont reçu un traitement, soit le taux de couverture le plus bas. Cependant, l’Algérie et Oman ont démontré que des taux élevés de couverture sont possibles dans la région », précise l’Onusida qui a également salué les « objectifs ambitieux de la stratégie arabe de lutte contre le sida 2014-2020 ».
Malgré toutes ces avancées médicales, le sida reste en Algérie une maladie encore taboue. Les personnes atteintes par le virus, qui pour la plupart ne révèlent pas leur maladie à leur entourage, vivent dans la stigmatisation, la solitude et souffrent d’une grande fragilité psychologique. Force est de constater que le chemin est encore long pour changer les mentalités face au virus du sida, pour le faire accepter comme une maladie et non comme un opprobre. Car et c’est un fait, le sida est encore considéré dans une société algérienne conservatrice et empreinte de valeurs musulmanes comme un anathème, une humiliation. Le sida, maladie sexuellement transmissible (MST) est considéré comme une maladie honteuse, surtout dans un pays où prévaut en théorie la chasteté prénuptiale. Les femmes sont les plus touchées par ce rejet. En 2014, l’Algérie comptait 410 femmes atteintes du sida ayant d’autant plus de mal à accéder aux soins qu’elles sont déshonorées par la maladie. Comble de l’injustice, la quasi-majorité d’entre elles ont été contaminées par leur conjoint, selon Onusida. Les hommes exigent le «dépistage prénuptial» de leurs fiancées sans s’y soumettre eux-mêmes. Toujours selon l’Onusida, les personnes qui s’injectent de la drogue sont considérées comme des criminels. C’est aussi à cause de l’absence d’éducation sexuelle ouverte dans les pays du Maghreb ou dans les pays du Golfe que l’on voit une augmentation du nombre de nouvelles infections. De plus, les infections sont aussi accidentelles surtout en milieu hospitalier. De plus, la plupart des malades regrettent que l’état ne s’implique pas assez dans l’information et la prévention. Quelques associations sont actives comme El-Hayet ou l’association Solidarité Aids qui lancent des campagnes de sensibilisation. Selon la présidente de l’association, Nawel Lahoual, le virus affecte profondément la vie quotidienne des personnes atteintes, surtout sur le plan sociétal. « Le HIV est devenu une maladie sociale plus que pathologique » précise-t-elle. « C’est avant tout le regard que l’on porte sur les séropositifs et les discriminations dont ils font l’objet qui les pénalisent aujourd’hui » souligne Lahoual. D’où la nécessité de mettre fin à cette stigmatisation par la mise en place d’un véritable programme d’information et de sensibilisation pour donner une nouvelle perception de la maladie au citoyen, mais surtout d’aide et de soutien psychologique aux malades qui sont pour la plupart délaissés par leurs proches.
B. A.