Éclipsé de la scène politique depuis qu’il a perdu la tête du MSP (Mouvement de la société pour la paix) en mai 2013, l’ex-leader du parti islamiste, Aboudjarra Soltani, veut se refaire une virginité. Il compte, en effet, croiser le fer avec son successeur, Abderrazak Makri, actuel chef en poste.
Le différend entre les deux hommes n’est pas des moindres, puisqu’il pose une problématique d’orientation politique, voire même touchant à la démarche idéologique primaire. De par sa réapparition inopinée, il convient de supposer que Soltani était peut-être conscient que son départ des commandes du parti n’est qu’un épisode circonstanciel et de repositionnement politique, comme ce que l’on connaît aux appareils partisans, souvent, en effet, la proie à des turbulences et de luttes acharnées pour le leadership. Dans l’une de ses sorties médiatiques qui remonte à la mi-juillet dernière, Soltani est revenu longuement sur la situation prévalant au MSP, en accusant Makri d’avoir, en quelque sorte, «détourné» des principes directeurs du parti, et de s’être «éloigné» de ses idéaux, autour desquels était créé, en 1991, la formation chère au défunt-guide, Mahfoudh Nahnah. Il n’exclut pas à cet égard de faire son grand retour, pas uniquement en acteur figurant sur les devants de la scène, entendre, mais surtout pour jouer un rôle plus actif, à même de pouvoir réorienter la position politique du parti. Il s’agit de «remettre sur rails le parti pour qu’il retrouve son courant naturel», tel est l’objectif de l’ex-président du MSP. Pour cela, réintégrer les commandes de la première force politique du courant islamiste s’avère l’option la mieux indiquée pour une telle mission. Ceci, pour peu encore qu’il s’adjuge de la confiance du Madjliss echoura (Conseil consultatif national), laquelle instance dispose du pouvoir statutaire lui permettant de plébisciter, ou de mettre à l’écart, si besoin est, le Chef. Devant ce rebondissement qui relance un débat de fond au sein de ce parti, Soltani a réagi une deuxième fois, hier, dans un message publié sur son compte Facebook, pour jeter la lumière sur son initiative. En plus d’avoir confirmé qu’il avait effectivement soumis sa démarche à l’instance du bureau exécutif du parti, le 15 novembre 2015, l’ex-partisan de la Coalition présidentielle a fait part des raisons qui l’ont motivé à aller dans cette direction. Cette sortie s’apparente tout aussi à une réponse aux déclarations de Makri, lequel responsable a affirmé, samedi dernier, s’«opposer» à une bonne partie de l’exposé reçu des mains de son rival. Ajoutant par là même que le document de Soltani n’a formulé aucune proposition concrète suivant le constat établi sur la situation du parti. Si toute initiative est recevable au MSP, son adoption ou son rejet, en revanche, est une question qui relève des institutions du parti, a assuré Makri, dans une sorte de «rappel à l’ordre». S’agissant des reproches dont il fait l’objet de la part de son émule, et selon lesquels, il aurait changé son fusil d’épaule, Makri a tenu à justifier ce qui s’apparente à un retournement. Ainsi, il a rappelé que le MSP s’est retiré du gouvernement suite à la fraude électorale qui a entaché les législatives de 2012, -avant qu’il ne soit donc à la tête du parti-, en affirmant que cette nouvelle orientation dans la position a été maintes fois réaffirmée, aussi bien lors du 5e congrès de 2013 que par l’instance du Conseil consultatif. Quant à la décision de rejoindre le camp de l’opposition, suivant une démarche prônant la rupture avec le système en place, que celle notamment qui a pris cours au sein de la CNLTD et l’ISCO, l’opposant islamiste part avec le même argumentaire, faisant valoir que la question fait l’unanimité parmi les cadres de l’exécutif du parti. «Une vision et une position politiques consensuelles», a répondu Makri à son vis-à-vis. Sur le plan idéologique, il faut dire que celui qualifié de l’«islamiste le plus modéré» a marqué une rupture avec son prédécesseur, même s’il s’en défend que cette vision ne sort pas de l’esprit doctrinal et de la démarche idéologique du défunt-ténor «Cheikh Nahnah». Dans son dernier plaidoyer rendu public, hier, Soltani contre-attaque et estime à son tour que le débat contradictoire et le dialogue responsable «sont des droits», conférés notamment à tout militant et cadre jaloux de leur parti. Il s’agit, pour lui, de principes consacrés depuis la naissance du MSP, seuls à même de «faire avancer» le parti et préserver sa position sur l’échiquier politique national, a-t-il indiqué. Et d’ajouter, qu’aujourd’hui, «il est temps de mûrir et d’enrichir cette démarche pour la soumettre aux instances et aux cadres du parti», même si Soltani n’a pas révélé la teneur d’une telle initiative. D’ores et déjà, l’ex-patron du MSP compte sur les militants et les cadres qui ne sont pas forcément «en bons termes» avec son successeur, pour faire front autour de lui. D’ailleurs, en évoquant le contexte régional, il a fait appel à «tous les militants jaloux de leur pays» à oser pour apporter un avis différent, comme le leur permettent les principes de la démocratie. Il est bon de rappeler qu’en 2008 le MSP a traversé une grave crise qui a miné ses rangs, lorsqu’un bon nombre de ses cadres se sont retirés du parti au lendemain de la reconduction d’Aboudjerra Soltani face à son rival, l’autre candidat au poste, Abdelmadjid Menasra. L’ex-ministre d’État est alors accablé pour avoir soutenu la candidature et le programme du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, ainsi que sa participation à l’Alliance présidentielle (FLN-RND-MSP), constituée autour du locataire d’El-Mouradia. Dès lors, Menasra et ses partisans n’ont pas tardé à créer un nouveau parti, actuel FC (Front du changement). Les déchirements et les dissensions au sein du parti n’ont pas cessé outre mesure, puisque Soltani a été poussé à la porte de sortie lors du 5e congrès du MSP, qui a vu propulser à sa tête l’actuel Abderrazak Makri.
Il fallu donc prendre son mal en patience, long de plus de trois ans après, pour refaire surface et rompre le silence, dans la prétention première, visiblement, vise à retrouver le trône du parti créé par le défunt invétéré, Mahfoudh Nahnah, décédé en 2003. Pour le «revenant», Makri a pris un virage complètement à gauche depuis qu’il préside le parti. Ce que le mis en cause récuse complètement, en rejetant la balle est aux instances du parti, qui, selon ses déclarations, avaient cautionné toutes les décisions importantes. Or, pour l’ex-memmbre du gouvernement qui a brigué plusieurs portefeuilles ministériels, depuis 1995 jusqu’à 2009, le MSP d’aujourd’hui a connu une «dérive grave» entre 2014 et 2016. En tout cas, à se référer aux déclarations des uns et des autres parmi les deux belligérants, force est de constater qu’il y a une sorte de relents qui en disent long sur le malaise qui prévaut au sein du Hamas.
Farid Guellil