L’année 2022 a révélé à la fois le rôle de fournisseur énergétique historique, sûr et fiable, que remplit l’Algérie particulièrement dans le bassin méditerranéen, et la volonté clairement exprimée par ses dirigeants de maintenir ce statut sur la scène internationale.
Le président Abdelmadjid Tebboune a clairement traduit cette volonté dans le cap, qu’il a fixé lors de sa visite au pavillon des industries pétrolières du Groupe Sonatrach, à la Foire de la production algérienne (FPA-2022, 13 au 24 décembre) : une production de 100 milliards de m3 de gaz destinée exclusivement à l’exportation, c’est-à-dire doubler la quantité de gaz algérien exportée. Le président Tebboune a eu à insister sur le fait que l’Algérie était un partenaire énergétique « très fiable » pour l’Europe, saluant notamment le partenariat entre l’Algérie et l’Italie. Ce fait est reconnu par les partenaires européens de l’Algérie. En octobre dernier, le président du Conseil européen, Charles Michel, à l’issue de l’audience que lui a accordée le président Tebboune, déclarait à la presse : « Nous voyons dans l’Algérie un partenaire fiable, loyal et engagé ». Ce sont les circonstances internationales qui ont rendu la coopération énergétique «évidemment essentielle», a-t-il expliqué. La visite de Charles Michel à Alger a eu lieu dans le contexte d’une Europe en proie au manque de gaz et dans l’idée que l’Algérie était une issue de secours dans cette situation difficile. Dans les pays européens confrontés au risque de pénurie de cette source d’énergie indispensable au fonctionnement de leurs économies et au confort de leurs populations, les premières rigueurs de l’hiver ont vite montré les limites de leur capacité à répondre à leurs besoins énergétiques en se passant du gaz russe. Dès le début de l’opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine, des ministres de l’Énergie de pays producteurs et exportateurs de gaz, le Qatar en particulier, et des experts dans ce domaine ont donné leur avis sur la question de la faisabilité du remplacement de la Russie par d’autres pays fournisseurs dans la consommation énergétique européenne: cela n’est pas possible, surtout dans l’immédiat. La crise de l’énergie risque de s’aggraver dans les prochains mois. Dernièrement, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol, a fait savoir que l’Union européenne (UE) pourrait faire face à une pénurie de près de 30 milliards de mètres cubes de gaz naturel en 2023. « Le potentiel écart entre l’offre et la demande de l’UE pourrait atteindre 27 milliards de mètres cubes en 2023 », selon le rapport intitulé « Comment éviter les pénuries de gaz dans l’Union européenne en 2023 » qu’il a présenté. Ce gaz manquant représenterait 7,6% de la demande de base totale de l’UE en gaz naturel, qui est estimée à 395 milliards de mètres cubes pour l’année prochaine, d’après l’AIE. Il a averti que l’approvisionnement russe pourrait encore se réduire et l’approvisionnement mondial de gaz naturel liquéfié (GNL) devrait être difficile du fait d’un rebond de l’économie chinoise, augmentant la concurrence avec l’Europe pour acheter le GNL disponible dans le monde.
Gaz : l’Algérie remplit ses engagements
On sait que l’Algérie continue d’assurer les engagements pris avec l’Espagne tout en maintenant une position ferme à l’égard de ce pays à cause de ses revirements sur la question du Sahara occidental. Mais c’est surtout l’Italie qui, grâce à son anticipation, non seulement assure ses approvisionnements mais a maintenant l’opportunité d’être un hub gazier pour l’Europe. Le président Tebboune a indiqué que l’Algérie n’était pas opposée au fait que l’Italie devienne un hub pour la distribution du gaz (algérien) vers d’autres pays, dont l’Allemagne. Selon le Président-directeur général de Sonatrach, Toufik Hakkar, les exportations de gaz algérien vers l’Italie ont atteint un niveau record: près de 27 milliards de m3 de gaz/an en 2022. En plus de l’Italie, l’Allemagne aussi pourrait recevoir du gaz algérien. Pour maintenir sa fiabilité sur le marché gazier, le Groupe Sonatrach déploie d’intenses efforts, notamment la mise en production de deux champs gaziers dans le bassin de Berkine (wilaya de Ouargla), dans le cadre d’un contrat avec l’entreprise italienne « Eni ». Selon Sonatrach, les quantités supplémentaires fournies par ces champs, additionnées aux quantités produites par les deux champs de Berkine-Nord, entrés en production en juillet 2022, augmentent les volumes de gaz produits par l’association Sonatrach-Eni et participent à l’accroissement des exportations de gaz algérien destinées au marché européen. Par ailleurs, il existe encore de nombreux gisements de gaz conventionnel inutilisés dans l’ouest algérien et deux grands gisements inexploités en offshore. Dans sa récente entrevue périodique avec des représentants de médias nationaux, le président Tebboune a rappelé que l’Algérie s’était engagée avec le partenaire italien à hisser le volume des exportations de gaz naturel à 30/35 milliards de m3, et a fait part d’un projet de réalisation d’un deuxième gazoduc, étant donné que le gazoduc reliant les deux pays « a quasiment atteint sa capacité maximale ». Il y a également le gazoduc transsaharien (Trans-Saharan Gas-Pipeline, TSGP), long de 4128 km, reliant le Nigeria à l’Algérie, qui est appelé à connecter le champ gazier de Hassi R’mel, en Algérie, à celui du Nigéria en passant par le Niger, pour relier le marché européen. En même temps, la politique du gouvernement visant à mettre en œuvre le programme des énergies renouvelables en un temps record, devrait permettre la fourniture d’énormes quantités de gaz naturel qui seront destinées à l’exportation, en plus de l’économie d’énergie. Du côté de la Russie, il y a une compréhension de la démarche de l’Algérie qui compense une partie du gaz russe consommé en Europe, sachant que les exportations de gaz russe vers l’UE ont été en baisse constante depuis le début des sanctions décidées par les pays de l’OTAN contre la Russie.
Exportation d’électricité
Notre pays est devenu un grand producteur d’électricité avec une capacité de production de plus de 25 000 mégawatts, dont 17 000 mégawatts consommés au moment des pics. Dans son entrevue périodique avec des représentants de médias nationaux, le président Tebboune a fait savoir que l’Algérie avait proposé d’exporter l’excédent de sa production d’électricité vers l’Europe, rappelant la proposition faite à certains pays amis pour la réalisation d’un câble électrique reliant l’Algérie à l’Europe au point le plus proche de l’Italie, à 270 km, soit une distance « courte ».
En mai dernier, à partir de Rome, où il se trouvait pour une visite d’Etat de trois jours en Italie, à l’invitation de son homologue italien, le président Tebboune a fait état de la proposition de l’Algérie de réaliser un câble sous-marin entre l’Algérie et l’Italie en vue d’approvisionner ce pays et une partie de l’Europe en énergie électrique. Dans le même temps, il a été question de la réactivation du projet d’interconnexion électrique par câble sous-marin entre l’Algérie (Cheffia) et l’Italie (Sardaigne) pour une capacité de 1.000 à 2.000 MW.
« Nous sommes en train d’offrir toutes les solutions énergétiques aux partenaires de l’Algérie, en particulier en Europe, afin de fournir de l’énergie de toutes sortes sur le marché européen », a récemment déclaré le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab.
Hydrogène vert
L’Algérie peut devenir un acteur clé dans le domaine de l’hydrogène vert. L’Algérie produit déjà de l’hydrogène gris à travers les procédés existants au niveau de Sonatrach et de l’hydrogène dit bleu, à partir du gaz naturel. L’hydrogène est utilisé dans plusieurs domaines, le plus connu en Algérie étant la production d’engrais azotés. Pour Sonatrach, l’hydrogène est présenté comme axe majeur de la transition énergétique et pourra se substituer dans l’avenir, en partie, aux hydrocarbures dans de nombreux domaines d’activité économique, dont la pétrochimie, la cimenterie, la sidérurgie. Maintenant, l’hydrogène est mis au service du stockage des énergies renouvelables et de la mobilité. L’enjeu est de réussir la mutation vers l’hydrogène vert. Dernièrement, en marge de la 4ème édition de la Journée algéro-allemande de l’énergie, Mohamed Arkab, a fait savoir que l’accord signé entre le groupe Sonatrach et la société gazière allemande « VNG AG » (VNG) devrait permettre de lancer « le premier projet pilote », financé par les deux parties, de production de l’hydrogène vert en Algérie d’une capacité de 50 MW, avec comme objectif principal de maîtriser les technologies relatives à ce domaine. « Nous avons fixé un délai jusqu’à 2030 pour avoir toute la maîtrise technologique dans ce domaine, avant de passer à l’étape d’exportation. Les pays européens sont en train de diversifier leurs sources d’énergies et nous espérons être dans leur bouquet énergétique », a déclaré Mohamed Arkab. Sonatrach a déjà annoncé deux projets pilotes au sud du pays en 2023 et 2024. « L’objectif principal est le développement d’une expertise et la maîtrise technologique sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’hydrogène vert depuis la production, le stockage, le transport, jusqu’aux applications», a expliqué un responsable de Sonatrach. Un accord stratégique a été passé, en décembre 2021, entre Sonatrach et son partenaire italien Eni sur un projet de développement de l’hydrogène, en tant que vecteur énergétique propre, notamment l’hydrogène vert.
Le gouvernement prépare une stratégie de développement de la filière hydrogène, pour donner aux acteurs nationaux et internationaux la visibilité nécessaire quant aux politiques, réglementations et mesures d’incitation et d’encouragement qui seront adoptées par les pouvoirs publics. C’est l’eau dessalée qui sera utilisée pour les processus d’électrolyse nécessaires à la production d’hydrogène, ce qui permettra d’économiser les ressources en eau conventionnelles (superficielles et souterraines) du pays. Lors de la réunion du Conseil des ministres qu’il a présidée ce dimanche, le président Tebboune a donné des instructions dans ce sens.
M’hamed Rebah