Avec l’entrée en scène de la diplomatie algérienne menée par le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf qui effectue depuis mercredi une tournée dans la région qu’il a déjà conduite au Nigéria avant de se rendre au Bénin et au Ghana, tous membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), pour tenter d’éviter la guerre au Niger, appuyé par le secrétaire général du MAE, Lounes Makramane, dépêché lui, à Niamey, s’éloigne-t-on peu à peu du spectre d’une guerre élargie dans la sous-région ?
En tout cas c’est le souhait de l’Algérie qui a proposé une feuille de route de sortie de crise. En effet, le chef de la diplomatie algérienne qui s’est entretenu, mercredi à Abuja, avec son homologue nigérian, Yusuf Tuggar, était porteur d’une solution à vision claire élaborée par le président Tebboune pour résoudre cette crise, tout en plaidant son contenu, ses principes et ses mécanismes.
L’approche algérienne trouve un « large consensus » au Nigéria
Cette approche a trouvé, selon le diplomate algérien, « un large consensus » auprès des dirigeants du Nigéria qui président la CEDEAO qui envisage une opération militaire au Niger pour réinstaller le président Mohamed Bazoum au pouvoir, après le coup d’état du 26 juillet.
Le Parlement de ce pays a voté contre, rappelle-t-on, toute implication de son armée dans une agression militaire contre le Niger voisin. Dans une déclaration à la presse, Ahmed Attaf, a affirmé, à l’occasion, que la solution préconisée par le chef de l’État qui croit fermement que la voie est toujours ouverte pour une résolution pacifique de la crise nigérienne, garantit « le plein respect du cadre juridique africain qui interdit et rejette les changements non constitutionnels de gouvernements, et assure le retour à l’ordre constitutionnel au Niger ». Elle préserve également, ajoute le ministre Attaf, les acquis réalisés par le Niger au cours de la dernière décennie dans le cadre du renforcement des fondements du système démocratique comme elle évite à ce pays voisin et à la région entière « les risques imprévisibles d’une intervention militaire dont les conséquences et les répercussions sont difficiles à circonscrire ». Ces quatre critères, souligne le chef de la diplomatie algérienne, « font l’objet d’un large consensus » avec la partie nigériane « à même de faciliter la mise en œuvre du principe des solutions africaines aux problèmes de l’Afrique dans le traitement de la crise au Niger ».
« Pour ce faire, nous avons affirmé que l’Algérie et le Nigéria (…) n’ont d’autres choix que d’œuvrer ensemble afin d’éviter l’aggravation de la situation au Niger, dans la région et dans l’ensemble du continent africain », a-t-il soutenu, exprimant le « rejet catégorique de toute violation de la démocratie et de l’ordre constitutionnel au Niger ». « La préservation de la sécurité, de la stabilité et de la prospérité des Nigériens, exige de consentir davantage d’efforts et de sacrifices de manière individuelle et collective », a souligné M. Attaf, assurant que « tous les efforts nécessaires seront déployés pour faire prévaloir la solution pacifique et politique à la crise au Niger ».
Le SG du MAE à pied d’œuvre au Niger
L’Algérie qui ne ménage aucun effort pour trouver une issue « salvatrice » au Niger, loin des bruits de canons, a envoyé également le SG du MAE, Lounas Magramane, au Niger ou il a eu des entretiens avec des responsables à Niamey, réitérant la position de l’Algérie « basée sur la négociation, le dialogue politique et le calme pour parvenir au consensus et sortir de la crise sans recours à la violence ». Le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, mandaté par le président Abdelmadjid Tebboune a été reçu jeudi par le Premier ministre, Lamine Zeine Ali Mahaman, a rapporté l’Agence nigérienne de presse (ANP). L’Agence nigérienne de presse rappelle que l’audience s’est déroulée en présence du ministre nigérien des Affaires étrangères, de la Coopération et des Nigériens à l’Extérieur, Bakary Yaou Sangaré, du ministre d’État de la Défense nationale, Salifou Mody, et du ministre de la Justice et des Droits de l’Homme garde des Sceaux, Alio Daouda. À l’occasion le diplomate algérien a exprimé en outre, ses regrets face aux appels à une intervention militaire étrangère au Niger, mettant en garde contre ses conséquences, qu’il a qualifiées de « désastreuses » pour la région. Dans le cadre de sa médiation, il faut noter que l’Algérie entretient de bonnes relations avec toutes les parties au Niger eu égard à ses relations historiques avec ce pays de la sous-région avec qui elle partage prés de 1000 km de frontières. La plupart des militaires au Niger sont formés en Algérie et nombreux parmi ses diplomates qui ont fréquenté la prestigieuse Ecole nationale de l’Administration ENA. Des atouts qui pourraient servir l’approche algérienne et son héritage diplomatique qui joue également en sa faveur comme l’atteste les interventions des Experts nigériens qui saluent la position algérienne et sa capacité à contribuer à un règlement pacifique de la crise dans ce pays considéré comme l’un des plus pauvres de la planète. Il convient de rappeler que l’Algérie a refusé fermement et sans équivoque la demande française de survoler son espace aérien pour attaquer le Niger.
Un partenaire et un voisin au fait de la situation
Dans un entretien accordé à la chaîne de télévision « Ennahar », l’ambassadrice américaine en Algérie, Elizabeth Aubin, a réaffirmé que les États-Unis sont en convergence totale avec la position de l’Algérie sur la situation au Niger qui privilégie la voie du dialogue pour trouver une issue à la crise à Niamey, assurant que l’Algérie est un partenaire important de ce pays de la sous-région et comprend bien la situation au Niger.
Outre l’Algérie et les États-Unis plusieurs autres pays se sont prononcés contre une intervention militaire au Niger priorisant la voie diplomatique pour résoudre le conflit, à l’instar de l’Italie et l’Allemagne pour ce qui est de l’Union européenne, la Turquie, 2ème force militaire au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) et l’Égypte également entre autres. Le Caire, par le biais de son porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ahmed Abou Zaïd, a souligné, dans un communiqué « l’importance d’adhérer au dialogue pour faire avancer les voies d’un règlement pacifique de la crise, de manière à garantir la préservation de la sécurité et de la paix au Niger, tout en exprimant son soutien à toute initiative visant la résolution de la crise de façon à préserver la voie démocratique, la souveraineté et la stabilité au Niger. Cette position a été réaffirmée lors d’un échange entre le secrétaire d’État américain Antony Blinken, et le chef de la diplomatie égyptienne, Sameh Choukri ou les deux parties ont passé en revue les efforts déployés pour résoudre la crise au Soudan et ont réitéré la nécessité de trouver une issue diplomatique à la crise au Niger.
Chauffée à blanc par la France qui tente de sauvegarder ses intérêts dans la région, la CEDEAO prévoit une intervention militaire au Niger. Le Burkina Faso et le Mali, alliés des nouveaux maîtres de Niamey ont averti que toute agression contre ce pays sera considérée comme une déclaration de guerre contre eux aussi à laquelle ils répondront de façon commune et coordonnée d’où le risque d’un embrasement total de toute la région avec des conséquences incalculables.
Brahim O.