Au chef-lieu de la wilaya en particulier, mais également au niveau du moindre centre urbain, quotidiennement, en ce mois de jeûne, des flopées d’énergumènes, des deux sexes et de tout âge, sillonnent souks, artères commerçantes et grands boulevards, en quête d’âmes crédules et charitables.
Bureaux de poste, sorties des banques ou des pharmacies, souks des fruits et légumes, gare routière, rues à grande circulation piétonne, tous les endroits où il y a foule, et où l’action caritative est susceptible d’être titillée, sont littéralement squattés. Relativement ‘’soulagée’’, quelque temps durant, la ville a de nouveau été réinvestie par les mendiants, au sein desquels prédominent les professionnels de la manche. A la faveur du mois de Ramadhan et du tout-permis, le retour en force est, partout, remarquable. Nationaux et étrangers, arabes ou noirs-africains. S’il y a bien un phénomène qui s’est caractérisé par une remarquable explosion en ce mois sacré, à travers la wilaya de Mostaganem, c’est, à ne point en douter, celui de la profession de la main tendue. Le véritable fléau bat son plein partout, là où il y a foule. Le vendredi, à tous les accès des mosquées, difficile d’échapper au harcèlement inévitable. Idem aux alentours des hôpitaux, des commerces d’alimentation générale, et des organismes financiers. Parfois, la pratique s’exerce au porte-à-porte. Aussi bizarre qu’incompréhensible, certains hommes sont assez correctement habillés et apparemment valides et en bonne santé. Il semble qu’ils y trouvent leurs bénéfices, beaucoup plus que dans toute autre activité manuelle. Aux nationaux se sont joints des Syriens et des noirs-africains ayant fui leur pays, en quête de sécurité. La corporation semble bien organisée; chacun ayant délimité son propre territoire d’intervention. Les subsahariens, qui viennent chaque matin d’Oran, opèrent à la cité Zaghloul, en allant vers celle du 5-Juillet, et ciblent les voitures s’arrêtant aux feux rouges régulant la circulation. Les Syriens, majoritairement des femmes, sont plus présents près des mosquées et des hôpitaux. Accompagnées parfois d’enfants pour susciter davantage la générosité des passants peu émotifs, des dizaines de femmes ont repris leur droit de cité, à travers les grandes artères, les rues commerçantes, au sein des marchés et souks populeux, sur les places publiques et aux abords des agences bancaires et autres organismes financiers de la ville. Concentrant toutes sortes de fléaux, le chef-lieu de la wilaya fourmille d’individus, bien famés et mal famés, dont la place n’est certainement pas dans la rue : des clochards, des vagabonds, des aliénés mentaux, parfois les trois en un, mais également des mendiants. Des mendiants, qui “n’habitent” pas la rue mais qui en font seulement leur lieu de travail. Apparemment plus aisé que tout autre, le métier de mendiant ne requiert aucune référence d’âge, de sexe ou de formation. Certains en feront une véritable profession, avec ponctualité et dextérité. Dans la corporation, on compte des enfants, des femmes, des hommes, des jeunes et moins jeunes, parfois des couples, parfois des mères avec enfants, venus d’horizons divers pour fondre dans l’anonymat que procure la grande ville. A l’instar des autres professions libérales, le ‘’métier de la main tendue” a également été clochardisée, à tel point qu’il n’est plus possible de discerner celui qui y recourt par besoin et indigence réelle de celui qui en fait un apport financier d’appoint ou tout simplement une occupation rentière sans mobilisation préalable du moindre capital ! Un métier “libéral”, sans impôts ni horaires fixes, particulièrement lucratif, peut-il y avoir meilleur emploi pour celui qui, manquant de pudeur, occulte superbement l’opinion des autres à son égard ? Tandis que certains se contentent d’avancer le bras timidement au passage des passants, sans même oser prononcer la moindre prière, d’autres n’hésitent point à hurler leur “souffrance”, réclamant la charité jusqu’à ‘’l’arracher’’ de force, si ce n’est injurier le passant qui, par malheur, ne daigne pas mettre la main à la poche. Le silence de l’État quant à l’application de la loi réprimant le délit de la mendicité n’a pas tardé à promouvoir le recours à la ruse, aux subterfuges et à l’abus de la confiance du passant crédule. “L’enrôlement” des enfants, innocents, en est le comble et qu’on aura, à coup sûr, grande peine à enrayer. La DAS qui s’est mise à la délicate tâche, semble préoccupée par d’autres actions de solidarité nationale qu’impose le Ramadhan. Pas étonnant donc que la mendicité ait pris des proportions plus que jamais démesurées.
M. Ould Tata