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Quand l’art et l’écriture libres étaient au service de la Révolution

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L’art algérien, dans sa diversité et son authenticité, aura contribué de manière effective au triomphe de la lutte armée de Libération nationale contre le colonialisme. Par les mots et la plume, la gouache et le chant, le peuple a pu mener au succès son combat libérateur, et la voix de l’Algérie en lutte pour son indépendance a pu retentir dans toutes les parties du monde.
En héritage à un élan contestataire qui existait déjà depuis au moins un siècle, la littérature, la poésie, les arts plastiques, le théâtre ou encore la chanson auront été autant de supports par lesquels les intellectuels et artistes algériens ont répercuté la douleur de leur peuple et contribuer concrètement à l’éveil des consciences. Par un contenu reposant sur la sensibilisation et la subversion et présenté, par précaution, dans une forme souvent métaphorique et allusive, la contiguïté des artistes algériens avec leur peuple était entière et réussie: dans toutes les représentations artistiques, le message entretenait le patriotisme, renseignait des conditions de vie et incitait au changement. Ainsi atteint, l’objectif de prise de conscience devait conduire à la consolidation de l’esprit unificateur puis au passage à l’action libératrice. Mohamed Dib, Jean El Mouhoub Amrouche, Taos Marguerite Amrouche, Mahieddine Bachtarzi, Mustapha Kateb, Ahmed Wahbi, Farid Ali, Slimane Azem, Mohamed Khedda, Choukri Mesli, M’Hamed Issiakhem, Kateb Yacine, Mouloud Feraoun, Malek Haddad, et bien d’autres encore ont, simplement, dénoncé l’enfer du colonialisme pour mieux mener le peuple et ses avant-gardes au combat final. D’abord par la peinture: des portraits à l’effigie des grandes figures héroïques qui se sont insurgées contre la présence coloniale en Algérie furent réalisés, aux côtés d’autres toiles représentant de grandes batailles livrées contre l’ennemi. Les portraits de «L’Emir Abdelkader», «El Mokrani», «Ouled Sid Ech’Cheikh», «Bouamama», «Cheikh El Haddad» ou encore de «La bataille de Zaâtcha» et autres ont sans doute représenté autant d’appels ou de rappels permanents servant à l’entretien de l’esprit patriotique et révolutionnaire. Dans une toile intitulée «L’Algérie en flammes», Choukri Mesli symbolise parfaitement l’embrasement du pays en guerre et illustre bien ses conséquences.L’immense M’Hamed Issiakhem, de son côté, peint «La veuve», un hommage rendu aux mères et aux veuves meurtries, mais toujours debout. À travers la femme qui ne capitule jamais, Issiakhem voulait assurément exprimer le symbole d’une nation en formation. Et puis il y a la musique et la littérature pour galvaniser: En 1936, Aïssa El Djermouni donnait un récital à l’Olympia. Très apprécié du public, il n’hésitait pas à lancer –entre deux strophes poétiques célébrant l’amour et chantées en langue arabe vernaculaire– des allusions pour appeler à la résistance au colonisateur, chantées, elles, en chaoui. Bien avant 1945, le chant patriotique «Min Djibalina» est lancé. Dans la même période, Moufdy Zakaria écrit «Fidae El Djazaïr» (Sacrifice pour l’Algérie), un appel au sursaut populaire pour défendre la nation, ce qui lui vaudra d’être arrêté une première fois en 1937. Alternant militantisme et emprisonnements, Moufdy Zakaria sera par la suite membre fondateur, à deux moments différents, des journaux «Ech’Chàab» puis «El Moudjahid» et portera le combat émancipateur dans ses poésies, écrites dans une rhétorique mobilisatrice, jusqu’à la création en 1955 du texte officiel de l’hymne national algérien.

La littérature à la pointe du combat
Le génocide du 8 mai 1945 sera déterminant dans le processus de prise de conscience. Les écrits littéraires de constat deviendront alors «récit-discours» pour aider les Algériens à passer de la phase du constat à celle de l’action. Mohamed Dib, de son côté, éclairait les siens dans une littérature de constat. Dans «L’incendie», un des trois ouvrages qui constituent sa trilogie, aux côtés de «La grande maison» et «Le métier à tisser», il est surtout question d’une projection de soi, de manière à s’extraire de «sa» réalité et voir défiler sa vie, opérant la distanciation et le recul nécessaires à une meilleure compréhension de sa condition Pour leur part, Jean El Mouhoub Amrouche et Taos Margueritte Amrouche vont réussir à rassembler toute la poésie déclamée par les vieilles des villages, racontant le mal-être des Algériens au quotidien, dans un ouvrage intitulé: «Traditions orales». Quelque temps après, Taos Amrouche récidivera avec «Jacinthe noire» (1945), roman autobiographique, écrit dans un genre littéraire qui dit les souffrances de ses concitoyens à travers la propre histoire de son auteur.Artiste accomplie et déterminée, Taos Amrouche écrira, composera et interprétera aussi des situations de vie dans un élan lyrique et des chants incitant au soulèvement et à la révolte sur un ton ferme et décidé. En 1947, sont apparus simultanément deux ouvrages : «Jugurtha» de Jean Amrouche et «Message de Joughourta» de Mohamed Chérif Sahli. Ces deux livres dressaient d’autres portraits de figures fondatrices de la nation algérienne.»Le fils du pauvre», «La terre et le sang» et «Les chemins qui montent», formant la trilogie de Mouloud Feraoun consolideront davantage la spécificité que revêt le roman autobiographique dans le combat des intellectuels pour l’indépendance, de par la narration d’un vécu personnel qui se projette jusqu’à la constitution d’une fresque dense de la vie commune. Mouloud Mammeri, pour sa part, fera parler le peuple algérien dans ses œuvres. Dans sa trilogie «La colline oubliée», «L’opium et le bâton» et «Le sommeil du juste», il ouvre une tribune à tous les orateurs véhéments, porteurs de discours mobilisateurs contre le désarroi et la précarité. Kateb Yacine dira: «Mon nationalisme s’est cimenté en mai 1945», et consacrera, dans «Nedjma», «Le cadavre encerclé», «Le polygone étoilé» , «Les ancêtres redoublent de férocité» et autres écrits, le génie de sa réflexion «fragmentée» à cultiver la «différence», mettant en avant la détermination et le refus de capituler. Outre l’élan de solidarité dans le combat qu’ils ont favorisé sur le front interne, l’art et la littérature algériens auront incontestablement suscité un mouvement d’adhésion et de sympathie international de grande ampleur pour la cause algérienne, mobilisant beaucoup d’intellectuels et d’artistes de par le monde entre écrivains, philosophes, poètes, musiciens, chanteurs, plasticiens et cinéastes.

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