L’accusation et la défense au procès en destitution de Donald Trump ont ferraillé une dernière fois lundi, au Sénat à deux jours de son probable acquittement, dans l’espoir de convaincre un ou deux élus de sortir des rangs de leur parti.
«Quand un président essaie de forcer un allié à l’aider à tricher dans nos élections, puis cherche à étouffer l’affaire, nous devons dire ‘‘ça suffit’’», a lancé l’élu démocrate et procureur en chef Adam Schiff en conclusion de son réquisitoire. «Nous avons prouvé que Donald Trump est coupable. Maintenant, rendez la justice de manière impartiale et condamnez-le», a-t-il lancé aux cent élus de la chambre haute du Congrès, qui rendront leur verdict mercredi. L’issue du procès fait peu de doutes: la Constitution impose une majorité des deux tiers (67 voix sur 100) pour destituer un président et les 53 élus républicains font pour l’instant bloc derrière Donald Trump.
C’est à eux qu’Adam Schiff a adressé ses appels les plus vibrants: «La vérité vous importe, le bien vous importe, vous êtes des personnes honorables: vous n’êtes pas comme lui!», leur a-t-il lancé avant d’implorer: «Si seulement l’un de vous, pouvait dire «ça suffit» !» «Le président n’a rien fait de mal», a rétorqué l’avocat de la Maison Blanche Pat Cipollone, en demandant aux élus de «rejeter les chefs d’accusation» retenus contre Donald Trump, abus de pouvoir et entrave au travail du Congrès. «Je vous demande de le faire d’une manière qui transcende les partis», a-t-il ajouté, dans un appel voilé aux sénateurs démocrates centristes comme Joe Manchin ou Doug Jones qui pourraient être tentés de faire défection.
«Mascarade»
Une fois ces discours terminés, le Sénat a poursuivi les débats en formation ordinaire pour permettre aux parlementaires de prendre la parole – ce qui leur est interdit pendant le procès «sous peine d’emprisonnement». À cette occasion, le démocrate Joe Manchin s’est dit «indécis». Suggérant à ses pairs d’opter pour une sanction moins radicale, il a introduit une motion de «censure» contre le président. Ces interventions se poursuivront mardi et, dans un télescopage de l’actualité, précéderont le traditionnel discours sur l’état de l’Union, que Donald Trump prononcera devant tous les parlementaires. La soirée s’annonce tumultueuse: le président pourrait en profiter pour se poser à nouveau en victime, attaquer ses rivaux et vanter son bilan. «J’espère que les républicains et les Américains réalisent que cette mascarade totalement partisane est exactement cela: une mascarade», a tweeté l’impétueux président, en avant-goût de son discours. Dénonçant les «démocrates de gauche radicale qui ne font rien», il s’est à nouveau emporté contre le «lanceur d’alerte», à l’origine de son procès. L’été dernier, un membre de la communauté du renseignement avait officiellement fait part de ses inquiétudes après avoir eu vent d’un appel téléphonique entre Donald Trump et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky. Lors de cet échange, Donald Trump avait demandé à Kiev d’enquêter sur le démocrate Joe Biden, bien placé pour l’affronter à l’élection présidentielle du 3 novembre. Or, au même moment, la Maison Blanche avait gelé une aide militaire cruciale pour ce pays en lutte contre des séparatistes pro-russes.
«Faire confiance au peuple»
Ce signalement a déclenché l’ouverture d’une enquête à la Chambre des représentants, contrôlée depuis janvier 2019 par les démocrates. Pour eux, les investigations ont prouvé que le Président avait abusé des pouvoirs de l’État pour «salir» son rival. Les preuves sont «accablantes», a redit lundi Adam Schiff, en estimant à «100%» la probabilité que le président essaie de «tricher» à nouveau pour remporter un second mandat. Mais les sénateurs républicains ne l’entendent pas de cette oreille. Certains ont bien reconnu ces derniers jours que le président avait peut-être commis ce qui lui est reproché, mais pour eux, cela ne justifie pas de le destituer à neuf mois du scrutin. «Ce n’est pas bien d’être ici au début de la saison électorale», avec le premier vote de la primaire démocrate lundi soir dans l’Etat de l’Iowa, a déclaré en écho Pat Cipollone. Selon lui, les sénateurs doivent «faire confiance au peuple américain»: «laissons-le choisir le président mais aussi demander des comptes aux élus de la Chambre» qui se sont lancés dans cette procédure «purement partisane», a-t-il estimé. Les sénateurs républicains ont déjà donné raison à Donald Trump vendredi en refusant -avec deux défections seulement– de convoquer des témoins à ce procès. Pour cette raison, les démocrates avancent que le verdict ne «voudra rien dire».