La victoire d’Hillary dans le caucus du Nevada, trop juste pour être significative, porte en elle, comme dans l’Iowa, les prémices d’une défaite prévisible.
L’ancienne première dame des États-Unis finira, peut-être, par être désignée par le Parti démocrate comme son champion pour la présidentielle de novembre. Parce que c’est une battante en politique, comme on en fait peu. Pourtant, à ce stade rien n’est acquis, alors que tout le monde pensait qu’elle avait un boulevard devant elle. Car, même si elle l’emporte à la convention, sa nomination a toutes les chances de porter en elle les germes de sa défaite dans la confrontation finale face au candidat républicain. En cause ? Le processus des primaires tel que le pratique le Parti démocrate.
Au Parti républicain, dans la plupart des primaires, on applique un système majoritaire. Ce qu’on appelle la règle du « winner take all », autrement dit le candidat arrivé en tête empoche tous les délégués de l’État. Ainsi Trump, arrivé en tête en Caroline du Sud, samedi, a-t-il gagné 44 délégués et ses rivaux, aucun. Cela a l’avantage de dégager, normalement assez vite, un gagnant que la convention du parti se contentera de confirmer.
Système proportionnel chez les démocrates
Chez les démocrates, on applique au contraire un système complètement proportionnel dans chaque district électoral de l’État où a lieu l’élection. Comme chacun de ceux-ci désigne la plupart du temps de quatre à six délégués, quand le vote est serré (5 à 10 points d’écart), les candidats engrangent pratiquement le même nombre de délégués. L’avantage se fait pour le gagnant grâce à des super-délégués dont le nombre varie selon les États.
Quand un candidat prend rapidement l’avantage dans les faveurs de son parti, comme Bill Clinton, John Kerry ou Al Gore – même si ces derniers ont été battus à l’élection présidentielle par leur adversaire républicain –, la convention et la désignation du candidat se déroulent sans problème. Mais cette année, Hillary Clinton a du mal à creuser l’écart. Ainsi sa victoire dans le Nevada, 52,7 % contre 47,2 % pour Bernie Sanders, lui permet d’empocher 19 délégués. Pas beaucoup plus que Bernie Sanders, qui en gagne 15. Si bien qu’au terme des trois premières primaires, et avant un nouveau scrutin samedi 27 février, Clinton et Sanders font jeu égal avec chacun 51 délégués.
Gauchir son programme
Tad Devine, le conseiller politique de Bernie Sanders, doit avoir l’impression de revivre, près de trente ans plus tard, ce qu’il a connu en 1988, alors qu’il était un jeune conseiller du candidat démocrate Michael Dukakis. Son adversaire de l’époque, Jesse Jackson, un pasteur très progressiste qui défendait des idées dont certaines sont aujourd’hui celles de Sanders, avait gagné 10 États et 1 075 délégués.
Moins que les 1 790 de Dukakis, certes. Mais cela lui avait permis, à la convention démocrate, de présenter un «minority report », un rapport minoritaire prônant une forte augmentation des impôts et un gel des dépenses militaires. Et même la reconnaissance de la Palestine par les États-Unis ! Ces propositions, même rejetées, ont pesé sur le programme de Dukakis quand il a fait campagne. Les républicains l’avaient taxé de gauchiste et leur champion, George H. W. Bush (le père), l’a largement emporté.
C’est ce qui menace aujourd’hui Hillary Clinton : gagner la nomination, mais devoir gauchir son programme plutôt centriste, si Bernie Sanders continue à lui mordre les mollets. Et surtout, devoir passer son été à batailler contre son challenger, plutôt que d’attaquer celui des républicains qui sera désigné.
À moins que lors des votes de la première quinzaine de mars, pendant lesquels 22 États vont exprimer leur préférence et plus de 2 000 délégués choisis sur un total de 2 382, l’ancienne secrétaire d’État creuse enfin l’écart. Elle peut compter pour cela sur le fait que les minorités y sont plus largement représentées que dans l’Iowa ou le New Hampshire.
Déjà dans le Nevada, 76 % des Noirs qui ont voté ont choisi Hillary. Mais revers de la médaille : Sanders a fait bien mieux qu’elle dans l’électorat latino. Et chez les électeurs de moins de 45 ans, ce qui est paradoxal pour un candidat de 74 ans.