Il y a quelque chose qui ne colle pas dans les récents propos de l’ancien leader du Mouvement pour la société de la paix (MSP), Aboudjerra Soltani, avec les positions politiques de la direction actuelle du parti, en ce qui concerne, notamment le prochain référendum sur la nouvelle Constitution prévu à la date symbolique du 1er novembre et le pouvoir en place dans son ensemble. Certes, cette politique propre aux partis islamistes n’est pas tout à fait nouvelle, étant toujours en embuscade épousant une stratégie plutôt floue-mi-figue-mi-raisin-. Mais là c’est un peu différent. En effet, alors que son parti dirigé depuis 2013 par Abderrezak Makri a appelé ses militants et sympathisants à voter contre le projet constitutionnel pour plusieurs raisons énumérées lors la conférence de presse animée au lendemain de l’adoption de la position du parti, notamment la non prise en compte de ses propositions dans le cadre de l’enrichissement de la première mouture du projet, l’ancien chef de file de cette formation d’obédience islamiste, aboudjerra Soltani, alors invité sur les plateaux des chaînes de télévision ne fait pas l’apologie du « NON », la consigne de son parti. Il préfère plutôt nager dans le vague avec cette touche qui ne trahit pas, pour ainsi dire, de caresser un rêve d’antan, à savoir le retour au bercail du « pouvoir ». Il y a, visiblement, des loups dans la bergerie de Makri. Des loups plus expérimentés qui pourraient donner des sueurs froides, dans un proche avenir, à ceux qui croient que l’élève a dépassé son maître. Éjecté de la tête du parti en 2013 au profit de Abderrezak Makri, Soltani s’est fait à l’époque beaucoup d’ennemis que d’amis en raison de ses choix politiques pro-pouvoir. Conséquence : l’homme fort du MSP a perdu la confiance de ceux qui l’ont fait roi au parti, et celle des militants du parti, quelque peu las par son mariage de raison avec le pouvoir sans que cela ne se traduise par un surcroît de poids du parti au sein de la représentation nationale. Mais le successeur du fondateur du parti le défunt Mahfoud Nahnah ne désespère pas pour autant de revenir aux commandes du parti, ou du moins l’arracher des mains de son frère ennemi Makri pour échouer entre les bras de l’un de ses partisans. Son déboulonnement de la tête du parti semble lui est resté en travers de la gorge. Plusieurs signes qui ne trompent pas sont à déceler dans la démarche d’Aboudjerra Soltani qui vont dans le sens inverse souhaité par la direction actuelle du parti.
Une forte participation le jour « J »
Intervenant sur la chaîne El Hayat TV, Soltani n’a à aucun moment tout au long de son intervention, appelé à voter « contre » le projet constitutionnel comme annoncé par sa formation. Pourtant il est du devoir de tout militant véritablement épris des idées de son parti de défendre le choix de ce dernier. Il n’en est rien pour Soltani. Il s’est juste contenté de pronostiquer sur le taux de participation qui sera, selon lui, très élevé, évoquant un consensus presque total des Algériens d’aller voter ce 1er novembre. Une position qui caresse le pouvoir dans les sens du poil et qui traduit clairement son désir d’amadouer les puissants du moment. Rien d’étonnant d’ailleurs quand ça vient d’un certain Soltani qui a toujours évolué dans le giron du pouvoir. Le « vieux » ne veut pas en dire davantage sur le « Non » de son parti, affirmant que ce qui compte c’est une forte participation le jour « J ». « Les électeurs algériens on atteint un certain niveau de conscience, où ils ne laissent personne décider à leur place », a-t-il dit par contre en réponse à ceux qui prônent le boycott du prochain rendez-vous électoral. Si jusque-là rien ne fâche dans la vision de Soltani qui tente de se mettre dans la peau d’un démocrate version islamiste, en respectant le choix des uns et des autres, il n’en demeure pas moins, que sa récente déclaration sur son implication dans le campagne référendaire en tant que personnalité nationale afin d’inviter les Algériens à se diriger aux urnes, sans pour autant « prendre position », donne à réfléchir sur les intentions réelles du leader islamiste qui cache mal sa désapprobation de la position de son parti face au prochain référendum. En effet, alors que ce dernier a décidé à la majorité de voter « Non », Soltani qui est pourtant membre du Majlis echoura (Conseil consultatif) ne prend pas position. Une démarcation qui en dit long sur le malaise au sein du MSP, en dépit de la position adoptée.
L’autre indice qui marque le différend avec la direction du parti, l’ancien président du MSP et plusieurs fois ministre dans les gouvernements du président déchu Abdelaziz Bouteflika, s’est empressé de féliciter Hachemi Djaâboub, membre du majliss echoura du MSP après sa désignation comme ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale au sein du gouvernement de Abdelaziz Djerad. Là encore Aboudjerra Soltani qui a engagé le parti dans « l’alliance présidentielle » avec le FLN et le RND a été constamment en opposition aux positions « radicales » d’Abderrezak Makri et le voilà qu’il récidive en nageant à contrecourant de la direction du parti. Le message de « félicitation » d’Aboudjerra Soltani est clairement une réponse à la décision de la direction du MSP de suspendre Hachemi Djaâboub après son entrée surprise au gouvernement. En effet, ce dernier a été suspendu par le parti en attendant sa traduction devant un conseil de discipline pour avoir accepté l’offre du pouvoir sans consulter son parti.
Pour Aboudjerra Soltani, le MSP est tel un poisson qui ne peut survivre en dehors des eaux, alors que Abderezak Makri veut faire de lui un amphibien capable de vivre, à la fois dans les eaux comme sur terre. Un pied dans l’opposition et l’autre au pouvoir ! C’est selon.
Brahim Oubellil