Profitant de la vulnérabilité de certains sites archéologiques, les pilleurs et trafiquants d’œuvres d’art profitent de la crise sanitaire. Un marché noir numérique s’est ainsi développé sur le réseau social.
Avec le confinement, les trafiquants d’œuvres d’art semblent avoir trouvé le bon filon. Et les réseaux sociaux constituent un terrain idéal pour leur commerce illicite. Un constat établi par le projet Athar (Antiquities Trafficking and Heritage Anthropology Research), qui observe depuis quelque temps un regain d’activité de la vente d’objets volés sur Facebook. Les antiquités en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont particulièrement concernées par ce marché noir. Cette équipe de scientifiques spécialisée dans les réseaux numériques du trafic d’art a notamment remarqué une hausse des publications sur certains groupes privés du réseau social, où se réunissent les trafiquants. Fin avril, des photos du pillage d’une mosquée marocaine ont été partagées sur plusieurs de ces groupes. Une manière de prouver l’authenticité du butin, mais aussi de prodiguer conseils et astuces pour les futures fouilles sauvages.
Ces groupes Facebook «sont souvent conçus spécifiquement dans le but de faire des trafics ou de se livrer à des fouilles illégales», a déclaré la co-directrice du projet Athar, Katie Paul, à Artnet News . «Dans de nombreux cas, lorsque les gens publient des photos de pillages, ils floutent ou masquent leur visage avec un émoji afin de ne pas être identifiés.» Privés de source de revenus en raison du confinement, certains travailleurs se sont tournés vers la vente illégale d’antiquités. Une météo favorable ainsi que l’allongement des journées facilitent les pillages. Sans oublier que les sites archéologiques, les musées et les monuments deviennent plus vulnérables en cette période de quarantaine. Un phénomène qui s’est déjà observé par le passé, tout particulièrement en temps de crise. «Le printemps arabe a engendré une nouvelle vague de pillages à travers le Moyen-Orient, le musée grec d’Olympie a été pillé alors que le pays faisait face à de nombreuses manifestations anti-austérité, le musée d’histoire de Kiev a été pillé au cours d’affrontements entre la police et les manifestants», rappelle Katie Paul.
Les scientifiques d’Athar surveillent particulièrement les régions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, où il n’existe aucun commerce légal d’œuvres d’art. De nombreuses fouilles illicites sont liées à des organisations criminelles ou à des groupes terroristes en zones de conflit. Et les autorités ont souvent du mal à mettre fin à ce commerce. Il est en effet difficile d’empêcher la vente de marchandises car les transactions se déroulent rapidement et sans accord d’achat ou diligence raisonnable (les données qui permettent de vérifier la fiabilité d’un vendeur). En mai 2019, Facebook a décidé d’agir en supprimant 49 groupes de trafiquants. Insuffisant pour les membres d’Athar, qui estiment que 90 groupes poursuivent encore leur activité sur le réseau social. Le projet de recherche réclame l’inscription et l’application de l’interdiction de ce commerce dans les normes communautaires et les politiques commerciales de Facebook. Tout en s’assurant de conserver les données liées aux trafiquants, qui constituent des preuves de crimes de guerre dans les cas de la Syrie, de l’Irak, du Yémen et de la Libye, précise Katie Paul. Un financement d’urgence devrait être alloué aux sites patrimoniaux menacés, a annoncé l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH).