Dans un monde saturé de communiqués diplomatiques et de publications en ligne, une vérité crue et insoutenable s’impose : à Ghaza, les mots ne suffisent plus. Alors que la population civile palestinienne succombe à la famine, à la déshydratation et aux bombardements, l’organisation humanitaire Oxfam Canada lance un cri d’alarme. Elle exhorte le gouvernement canadien à dépasser les déclarations symboliques et à adopter, sans délai, des mesures concrètes contre ce qu’elle qualifie de « campagne d’extermination » menée par l’entité sioniste. « Les tweets ne nourrissent personne, et les déclarations n’ouvriront pas les points d’accès à Ghaza », résume, avec amertume, Bushra Khalidi, responsable des politiques d’Oxfam dans les territoires palestiniens occupés. Ses mots trahissent l’impuissance croissante du secteur humanitaire face à une catastrophe entièrement provoquée par l’homme, et qui aurait pu et dû être empêchée.
Le Canada accusé d’inaction face à la famine
Alors que s’est ouverte la conférence des Nations unies sur « le règlement pacifique de la question palestinienne », Oxfam Canada n’a pas mâché ses mots. L’organisation fustige l’attentisme d’Ottawa, notamment du Premier ministre Mark Carney, qu’elle accuse de complicité par inertie. « Réaffirmer la position du Canada, même en termes plus fermes, comme l’a fait cette semaine le Premier ministre, ne change rien à la réalité d’une population qui se meurt à Ghaza parce que la nourriture, l’eau et les soins lui sont sciemment refusés », déplore Khalidi. Selon Oxfam, l’urgence humanitaire sur le terrain nécessite des gestes politiques forts : arrêt immédiat des exportations d’armes, composants ou munitions à destination de l’entité sioniste — directement ou via les États-Unis —, révision des accords commerciaux et appui diplomatique fort pour une levée immédiate du blocus. L’organisation rappelle que « s’abstenir d’agir donne le feu vert pour que se poursuive la campagne d’extermination », et constitue une trahison de l’engagement humanitaire du Canada.
La famine comme arme de guerre
Ce que les organisations humanitaires dénoncent depuis des mois est désormais confirmé par des données officielles : Ghaza a atteint le seuil de la famine. Un rapport publié récemment par un consortium d’agences onusiennes, dont le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Unicef, la FAO et l’OMS, indique que 100 % des habitants de Ghaza font face à une insécurité alimentaire aiguë, et qu’un million d’entre eux vivent dans des conditions de famine extrême.
Il s’agit du plus haut taux jamais enregistré dans l’histoire du système IPC (Integrated Food Security Phase Classification). Le PAM alerte sur une « urgence absolue » : « Le temps presse. Il faut une augmentation massive de l’aide alimentaire pour atteindre les personnes affamées avant qu’il ne soit trop tard ». Pourtant, malgré la disponibilité de stocks alimentaires pour couvrir les besoins de la population pendant trois mois, les points de passage restent hermétiquement fermés ou fonctionnent à une capacité infime, à cause du blocus imposé par l’armée d’occupation.
Hôpitaux à l’agonie, enfants à l’agonie
Les témoignages médicaux depuis l’intérieur de l’enclave assiégée dressent un tableau apocalyptique. Rana Zâaïter, cheffe du service de nutrition thérapeutique à l’hôpital Al-Awda de Nusseïrat, affirme que « les enfants de Ghaza meurent de faim et de maladies liées à la malnutrition sans qu’aucune aide médicale n’atteigne l’hôpital ». Elle qualifie les annonces d’entrée d’aide humanitaire de « grande imposture ». Le lait pour nourrissons atteint des prix prohibitifs — jusqu’à 100 dollars la boîte —, ce qui le rend inaccessible pour la grande majorité des familles. Les équipes médicales travaillent sans équipement de base, parfois avec « des moyens zéro », et sont confrontées à des cas de plus en plus graves de dénutrition infantile, sans traitement possible. Mardi, la fillette Nour Abou Sal’a, 10 ans, est morte de malnutrition et de manque de soins. Elle devient le visage d’un drame généralisé. Selon l’Unicef, environ un million d’enfants sont menacés par la faim dans la bande de Ghaza.
La mort guette jusque dans les files d’attente
Attendre un sac de farine ou quelques dattes à Ghaza n’est pas sans danger. Mardi encore, le Croissant Rouge palestinien a rapporté des tirs de l’armée d’occupation contre des civils rassemblés près du point de distribution de Wadi Ghaza, sur la route Salah Eddine. L’hôpital Al-Awda a enregistré, ce jour-là, 13 nouveaux morts et 105 blessés. La majorité sont des civils désespérés, venus chercher une maigre ration, et repartis en sang ou dans des sacs mortuaires. Dans un autre massacre à Nusseïrat, 30 corps ont été acheminés à l’hôpital, la plupart réduits en morceaux, après le bombardement de maisons civiles. Trois familles entières ont été rayées du registre de la population.
60 000 morts : bilan provisoire du génocide
Depuis le 7 octobre 2023, plus de 60 034 Palestiniens ont été tués à Ghaza, selon les dernières données des autorités médicales locales. La majorité sont des enfants et des femmes. Le nombre des blessés s’élève à 145 870, sans compter les milliers de corps encore piégés sous les décombres.
À ces morts de la guerre directe s’ajoutent celles, silencieuses et lentes, de la famine. Depuis le 18 mars dernier, date de la violation de l’accord de cessez-le-feu, 1179 personnes sont mortes en cherchant à se nourrir. Plus de 7957 autres ont été blessées dans les files d’attente humanitaires.
Les Nations unies dénoncent une situation intenable
La porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) a qualifié la situation de « catastrophe accélérée ». Elle appelle à « l’ouverture immédiate de tous les points d’accès, à la levée de toutes les restrictions et à la protection totale du personnel humanitaire ». L’ONU Femmes, de son côté, tire la sonnette d’alarme : un million de femmes et de jeunes filles vivent dans des abris insalubres, exposées à la faim, aux violences et aux violations. Elles font face à ce que l’agence appelle un « choix impossible : mourir de faim ou affronter les risques extrêmes de la rue ».
Le silence des médias internationaux : un crime de plus
Dans une tentative délibérée d’étouffer la vérité, l’entité sioniste interdit toujours aux journalistes étrangers l’accès à la bande de Ghaza. Le bureau gouvernemental de presse à Ghaza dénonce une « tentative criminelle de dissimulation du génocide en cours », et invite les médias internationaux à faire pression pour briser le siège médiatique. « Si l’armée d’occupation a confiance en sa version, pourquoi interdit-elle la présence de la presse ? », s’interroge un communiqué. Il appelle à « dévoiler au monde l’ampleur de l’horreur que vit le peuple palestinien ».
La violence s’étend à la Cisjordanie occupée
En parallèle, la Cisjordanie occupée est elle aussi la cible d’une campagne de répression. Plus de 18 000 Palestiniens y ont été arrêtés depuis octobre 2023. Des milliers d’ex-prisonniers libérés dans le cadre d’accords précédents ont été de nouveau interpellés, en violation flagrante du droit international. Dernier exemple en date : la mort du jeune enseignant Aouda Al-Hathalin, tué d’une balle dans la tête à bout portant par un colon dans le village d’Oum Al-Kheïr, au sud d’Hébron. Ce militant non-violent des droits humains est devenu le symbole du combat contre la colonisation rampante en zone C.
Vers un réveil international ?
Face à ce que de nombreuses ONG, juristes et experts en droits humains qualifient de génocide, le temps des euphémismes semble révolu. Oxfam Canada, comme d’autres acteurs humanitaires, en appelle à la responsabilité politique et morale des gouvernements. La communauté internationale est désormais confrontée à une alternative claire : se taire et devenir complice, ou agir et tenter d’arrêter la machine de mort. Pour Bushra Khalidi et Oxfam, l’histoire jugera sévèrement l’inaction. En attendant, à Ghaza, les enfants continuent de mourir, non pas de catastrophes naturelles, mais d’un blocus criminel et d’une volonté politique de les laisser mourir. Le pain, l’eau et les soins sont là, à portée de camion. Il ne manque qu’une chose : le courage de les laisser passer.
M. S.