Encore deux projets de loi soumis à débat, hier, à l’APN, qui ont fait l’objet d’une vive polémique au sein des députés. Il s’agit des lois organiques relatives au régime électoral et à la Haute instance indépendante de surveillance des élections.
Le caractère urgent imposé par le gouvernement pour faire passer une dizaine de textes de loi, avant la fermeture de la session parlementaire, n’a pas été du goût de l’opposition.
Ces textes se veulent comme une réponse du pouvoir à l’opposition politique qui n’a cessé de dénoncer les malversations découlant des opérations électorales, tels que la fraude, le parti pris de l’administration, le marchandage des voix électorales et des sièges, la corruption etc. Néanmoins, entre le gouvernement qui peut compter sur ses deux bras, le FLN et le RND notamment, pour défendre ses initiatives et l’opposition parlementaire, qui estime avoir été mise devant une sorte de fait accompli en raison de la célérité avec laquelle le débat autour des projets de loi a été mené, la discorde s’installe. Pour l’opposition, les nouvelles dispositions sur le régime électoral représentent une menace sur la démocratie et le multipartisme. Elle accuse le gouvernement de vouloir faire le ménage au sein des formations politiques. Cette interprétation du texte renvoie à l’article stipulant qu’un parti politique qui n’obtient pas plus de 4% des suffrages, lors des élections législatives et locales, est exclu de l’Assemblée nationale. Lors des débats, Mahdjoub Bedda, député FLN, a poussé davantage le bouchon. Il ne s’agit pas de se contenter d’imposer des restrictions. Mieux encore, il a proposé de retirer l’agrément à tout parti qui n’aurait pas obtenu plus de 4% des votes, comme amendement à réintroduire dans le texte relatif au régime électoral. L’élu de l’ex-parti unique, non moins majoritaire à l’APN, n’était pas seul, puisque d’autres de ses collègues lui ont emboîté le pas pour réclamer la même sanction, qui toucherait sans doute les partis à faible ancrage électoral. C’est ce qui fait craindre à l’opposition une menace sur les acquis en matière de démocratie, de la liberté d’association et de création de partis politiques. Réunis avant-hier pour parler des actions communes à mener pour contrecarrer ce projet, les députés des partis du Front des forces socialistes, le Parti des travailleurs, l’Alliance de l’Algérie verte (AAV), le Mouvement pour la société et la paix (MSP), Ennahda, El-Islah, le parti Adala et El-Karama ont décidé de se mobiliser le jour «J», soit, hier dimanche. D’ailleurs, aussitôt intervenu pour apporter la contradiction à ce texte, le député d’Ennahda, Lakhdar Benkhellaf, a rappelé que s’il est vrai que la scène politique nécessite d’être purifiée de par les pratiques en matière de corruption et fraude, à l’exemple des législatives entachée de 2012, il n’en demeure pas moins que l’assainissement ne doit pas être «administratif». Pour le député islamiste la question du taux de 4% des suffrages imposé aux partis, «consacre un recul dans le processus démocratique et électoral». S’agissant de l’Instance en charge de la surveillance des élections, l’opposition n’en croit pas non plus aux vertus de ses dispositions comme l’a prôné le gouvernement. En effet, l’opposition il s’agit d’un organe «dépendant» de l’administration dans la mesure où les membres de cette même instance sont nommés par le pouvoir. «Un véritable massacre pour l’opposition», a estimé Benkhellaf en marge de la séance parlementaire. Une position donc qui remet en cause les déclarations du ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Bedoui. En effet, le représentant du gouvernement a affirmé, lors de sa présentation du projet de loi portant régime électoral, qu’«il ait un cadre juridique clair et transparent en matière de la gestion des joutes électorales», ou encore, d’un texte qui «préserve les acquis démocratiques», en réponse aux reproches de l’opposition. Parmi les points forts cités par le ministre, l’article consacrant la mise à disposition des listes électorales aux candidats, aux partis politiques en lice, ainsi qu’au profit des électeurs, a-t-il étayé ses propos. Alors que, s’agissant de l’instance de surveillance des élections, celle-ci consacre, aux yeux de Bedoui, «indépendance, neutralité et représentativité». Il est bon de souligner que le FFS a boycotté cette séance. Le Vieux parti de l’opposition a préféré se tenir à l’écart des débats en organisant un point de presse pour faire part de sa position. Ainsi, le chef du groupe parlementaire, Chafâa Bouaïche, dénonce «une continuation de la judiciarisation du politique et dans la fuite en avant autoritaire dans l’aggravation de la crise nationale». Tout en estimant que le pouvoir n’a pas tenu ses engagements de 2011 en matière de réformes démocratiques, le FFS accuse le pouvoir de «violer les lois et d’utiliser la politique de deux poids deux mesures…». À souligner que l’adoption de ces deux projets, tout comme quatre autres, est prévue pour aujourd’hui, lundi.
Farid Guellil