L’objectif de développement social inscrit dans la politique des hydrocarbures entamée à l’aube de l’indépendance, n’a pas, malheureusement pour le pays, été mené à bout.
L’échec a été amèrement ressenti depuis la chute drastique du prix du pétrole, surtout lorsque la diversification de l’économie, salutaire alternative qui ne vient pas, n’a pas eu raison de la précarité dont laquelle s’est retrouvé empêtré le peuple algérien, exacerbée par un chômage galopant touchant les jeunes entre 15 et 24 ans, qui a atteint les 25%, soit le double de la moyenne mondiale. Le constat est de Nordine Aït-Laoussine, ancien ministre de l’énergie et expert international, émis, hier, lors du programme «L’illustre invité», organisé par l’école supérieure de commerce de Koléa, dans la wilaya de Tipaza. Dans sa communication intitulée «bilan de l’industrie pétrolière algérienne depuis l’indépendance», l’ancien cadre de Sonatrach, «licencié après 17 ans de labeur au sein de la boîte, sans préavis ni indemnité», comme il a tenu à le rappeler lors du préambule de son intervention, a rappelé que, en dépit des progrès incommensurables réalisés en matière d’alimentation en énergie au profit du marché national, et même international, l’épanouissement social devant être induit de ces recettes a été compromis, n’a pas eu bon dos. Voici quelques chiffres : 18 milliards de barils de pétrole brut (2.3 milliards de tonnes environ), 9 milliards de barils de condensats et GPL (800 millions de tonnes environ), 3 000 milliards (1) de m3 de gaz naturel. Les revenus pétroliers cumulés se sont élevés, quant à eux, à 1 000 milliards de dollars environ. Le fait reproché à notre politique à ce jour réside, selon l’intervenant, dans sa dépendance aux hydrocarbures. Les exportations en hydrocarbures constituent plus de 90% des recettes, et la contribution dans le Produit intérieur brut atteint, elle, les 50%. Ces deux facteurs attestent à eux seuls du bien fondé du reproche précité. Jugeant également que, selon un rapport du Think Tank Nabni, le PIB a doublé depuis l’indépendance, contrairement à la Croissance qui, elle, est restée insuffisante par rapport à celle des pays ayant eu les mêmes conditions de départ, Corée du Sud, Malaisie et Turquie, qui, elles, ont vu respectivement leur PIB se multiplier par 16, 5 et 3 fois. Toutefois, le taux de croissance des années 62-78, selon Nabni, était l’un des plus élevés à l’échelle mondiale.
Avant d’énumérer les remèdes, Nordine Aït-Laoussine tient un discours rassurant, teinté de nostalgie et revigoré de Boumédiénisme, comme quoi que, durant les années 80, jalon, semble-t-il, avec celles des années 70, des crises pétrolières ayant donné à beaucoup de pays dans le monde, pas encore l’Algérie, de revoir leur mode de gouvernance, que tout est possible pour renaître de ses cendres. Comme le sphinx. Il suffit simplement de tenir un discours plus souple au sein de l’Opep, dont il recommande aux responsables de participer vigoureusement dans les réunions et de peser, comme ce fut le cas lors des périodes précédemment citées, dans les questions décisives engageant l’avenir des Nations. «Moins dogmatique, plus pragmatique», recommande-t-il. Il s’en souvient ému que durant la crise de 1986, empreinte des mêmes conditions actuelles, avec un prix du baril plus bas que l’actuel couplé à une dette d’une trentaine de milliards de dollars, la solution a été toute trouvée : vendre du pétrole sur 3 ou 4 ans, selon un système du prépayé.
Parmi les remèdes prescrits, l’expert plaide pour une diversification imminente de l’Economie, dont l’impact peut ne pas être ressenti immédiatement, de toute façon l’Algérie est un pays demeurant dépendant des revenus du pétrole et du gaz, mais il le sera un jour ou un autre. Pour ce faire, des choix pertinents, un climat des affaires plus attractif, une mise en œuvre opportune des réformes, sont parmi les mesures d’accompagnement sur lesquels devront se baser les pouvoirs publics. Car, il est étonnant de relever que le taux d’investissement en Algérie, était plus quantifié en 1970 qu’en 2013, 30% contre 10%. La diversification de l’Economie ne devait pas, aux yeux de Aït Laoussine, suggérer la fin des hydrocarbures, la paix énergétique devait, au contraire, y être incluse dans cette alternative. Parmi les créneaux en vogue, l’ancien ministre, inclut les énergies renouvelables, en prenant en considération les aspects de leur intégration et celui du rapport coût/rentabilité, et ce, bien que ce dernier ne semblait plus préoccupant ou ne figurant plus en tête des priorités.
Il y a aussi l’urgence, selon lui toujours, de redynamiser le Conseil national de l’énergie, créé en 1995 mais qui n’a jamais siégé depuis 98. Ceci n’est que la énième preuve de l’échec du mode de gouvernance de Sonatrach. Il semble que, également, et selon le débat qui s’ensuivit dans la salle, les appréhensions liées à l’après-pétrole étaient déjà monnaie courante durant les années 1980. Le spectre planait sur nos têtes, mais que les responsables de l’époque, et ce, en dépit des alertes de leurs subordonnés, en niaienxst les conséquences et doutaient même de sa portée pratique. D’aucuns ont regretté qu’il y aurait deux Sonatrach au lieu qu’une. Allusion est faite ici à une société dirigée par Aït-Laoussine, et dissoute du temps où Bélaid Abdeslam était ministre de l’Industrie et de l’énergie. Une politique pétrolière connectée à la réalité mondiale, une politique énergétique susceptible d’envolée industrielle, une gouvernance en concertation qui ne s’appuie pas uniquement sur les décisions politiciennes et les orientations budgétaires, un régime de subventions plus favorables aux couches défavorisées et pas seulement aisées, comme c’est le cas actuellement. Ce sont là parmi les recommandations de cette journée de haute facture, et qui a donné lieu, aussi, à une divergence d’opinions de ceux vivant en Algérie, donc censés cohabiter amèrement avec les retombées de la crise pétrolière, et les autres d’outre-mer.
Zaid Zoheir