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Nobel de littérature : Abdulrazak Gurnah, ancien réfugié et romancier par accident

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Le romancier Abdulrazak Gurnah est un ancien réfugié qui a fui Zanzibar dans les années 1960 pour le Royaume-Uni où il a commencé à écrire, inspiré par ses souvenirs et son expérience d’immigré. L’écrivain a obtenu jeudi le prestigieux prix Nobel de littérature, pour son récit « empathique et sans compromis des effets du colonialisme et le destin des réfugiés pris entre les cultures et les continents », selon le jury qui a aussi loué son « attachement à la vérité et son aversion pour la simplification ».

Il est le premier auteur africain à recevoir la plus prestigieuse des récompenses littéraires depuis 2003. « Voyager loin de chez soi offre de la distance et de la perspective, ainsi qu’un degré d’amplitude et de libération. Cela rend plus intenses les souvenirs, qui sont l’arrière-pays de l’écrivain » écrivait Abdulrazak Gurnah dans une tribune du quotidien britannique The Guardian en 2004. Il y expliquait être « tombé » dans l’écriture, sans l’avoir prévu, à l’âge de 21 ans, quelques années après son installation en Angleterre. « J’ai commencé à écrire avec désinvolture, dans une certaine angoisse, sans aucune idée de plan mais pressé par le désir d’en dire plus », expliquait-il. Au cœur de son œuvre, les thèmes de l’immigration et de la colonisation et la manière dont ils façonnent l’identité. Dans son premier entretien avec la Fondation Nobel, le lauréat a appelé l’Europe à changer de point de vue sur les réfugiés d’Afrique et réaliser qu' »ils ont quelque chose à donner ». « Ils ne viennent pas les mains vides », a jugé l’écrivain, soulignant qu’il s’agissait de « gens talentueux et pleins d’énergie ». « Je n’ai pas encore réalisé que l’académie a choisi de mettre en avant ces thèmes qui sont présents tout au long de mon travail, c’est important de les aborder et d’en parler », a-t-il aussi déclaré à l’agence britannique de presse PA, se disant « très fier » de son prix. Joint au téléphone par l’AFP jeudi soir, il dit encore « être constamment intéressé par ce qui nous a amené là (…) les forces et les moments historiques qui nous ont amenés là. Ce sont les choses sur lesquelles j’écris, le colonialisme et son impact. Je n’ai pas vraiment besoin de chercher très loin ce qui doit être dit ».

« Œuvres mélancoliques »
Né en 1948 à Zanzibar – un archipel situé au large des côtes de l’Afrique de l’Est et qui fait aujourd’hui partie de la Tanzanie-, Abdulrazak Gurnah s’est réfugié en Angleterre à la fin des années 60, quelques années après l’indépendance à un moment où la communauté arabe était persécutée. Il n’a pu retourner à Zanzibar qu’en 1984. Mais il a conservé des liens avec son pays d’origine. « J’y vais autant que possible. C’est d’où je viens. Dans ma tête, j’y vis encore », dit-il à l’AFP. Depuis 1987, il a publié dix romans dont trois ont été traduits en français (« Paradis », « Près de la Mer » et « Adieu Zanzibar ») ainsi que des nouvelles. Il écrit en anglais même si sa langue d’origine est avant tout le swahili. Ses trois premiers romans, « Memory of Departure » (1987), « Pilgrims Way » (1988) et « Dottie » (1990), évoquent l’expérience des immigrants dans la société britannique contemporaine. Il s’est fait particulièrement remarquer avec son quatrième roman, « Paradis », qui se déroule en Afrique de l’Est pendant la Première Guerre mondiale. Le roman avait été retenu dans la sélection du Booker Prize, un prix littéraire britannique. « Admiring Silence » (1996) raconte l’histoire d’un jeune homme qui quitte Zanzibar et émigre en Angleterre où il se marie et devient enseignant.
Un retour dans son pays natal 20 ans plus tard trouble profondément son rapport à lui-même et à son mariage. « Enracinés dans l’histoire coloniale de l’Orient africain, bruissants de légendes swahilies, servis par une langue ensorceleuse, les récits de Gurnah naviguent entre le conte initiatique, l’exploration des douleurs de l’exil, l’introspection autobiographique et la méditation sur la condition humaine », écrivait en 2010 Abdourahman A. Waberi dans le Monde diplomatique.
Gurnah « nous offre des œuvres mélancoliques, désenchantées et superbement incarnées », ajoutait-il, dans cette critique du livre « Desertion », paru en France sous le nom d' »Adieu Zanzibar ». Son roman le plus récent, « Afterlives », a été publié en 2020 et se penche sur la colonisation allemande en Afrique. Le romancier vit à Brighton, dans le sud-est de l’Angleterre et a enseigné la littérature à l’Université du Kent jusqu’à sa récente retraite.

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