Accueil À LA UNE NASSER KHABAT, SG DU MOUVEMENT DYNAMIQUE DES ALGÉRIENS DE FRANCE : « Nous...

NASSER KHABAT, SG DU MOUVEMENT DYNAMIQUE DES ALGÉRIENS DE FRANCE : « Nous avons le devoir moral de protéger l’Algérie »

0

Au courant de ces dernières années, notamment depuis l’arrivée du président Abdelmadjid Tebboune à la tête de l’État, l’Algérie a ouvert grandes ses portes aux membres de la communauté nationale à l’étranger qui « retrouvent » ainsi leur mère-patrie. Ces « retrouvailles » se sont faites pour le meilleur et pour le pire, à considérer le contexte de l’actualité marqué par des défis stratégiques majeurs qui déterminent l’avenir du pays.

Dans l’entretien qui suit, et pour nous éclairer sur tous les sujets qui intéressent les Algériens d’ailleurs, Nasser Khabat, secrétaire général du Mouvement dynamique des Algériens de France (Moudaf)- une organisation de la société civile représentant un pan important de notre diaspora- a bien voulu répondre à nos questions. Conscient des enjeux de l’heure et perspicace dans sa vision sur son analyse de la situation, ce militant très actif entre les deux rives, a profité de son séjour en Algérie pour donner de la voix. Les attaques récurrentes contre l’Algérie, le renforcement des fronts intérieur et extérieur, les mesures au profit de la diaspora et ses préoccupations… M. Khabat nous en dit tout. Ecoutons-le.  

Le Courrier d’Algérie : Pour commencer, présentez-nous le Moudaf que vous dirigez, notamment ses objectifs …

Nasser Khabat : Le Moudaf était créé en pleine période du Hirak à Lyon avant de se structurer par la suite à Paris, Marseille, Tourcoing, Nancy, Nice… Le Moudaf a pour vocation et inspiration directes de renforcer les liens de la communauté des Algériens, où qu’ils soient dans le monde, avec la mère-patrie. L’objectif étant de faire vivre notre algérianité avec beaucoup de sens en donnant beaucoup d’importance aux dates mémorielles comme le 1er Novembre 1954 et le 5 Juillet 1962. En outre, expliquer l’histoire de notre révolution pour l’indépendance et, surtout, on a vocation d’informer et de former la jeunesse algérienne et franco-algérienne qui se compte par millions sur le grand récit algérien. 

– Pour promouvoir l’image de l’Algérie ?

Ce n’est pas forcément ça. C’est surtout donner de la profondeur à ce que veut dire le mot Algérie et Algériens. Faire connaitre l’histoire et ce que le peuple a subi de la colonisation en parlant, par exemple, de l’émir Abdelkader. Depuis 1830 jusqu’à la guerre de libération nationale. C’est-à-dire, l’histoire de notre Algérie avec un grand A et ce de manière à ce que chacun, individuellement, muni de son drapeau, sache de quoi il parle et se sent encore plus citoyen algérien. C’est aussi transmettre aux jeunes générations qui arrivent l’histoire de leur pays, de sorte à ce que la filiation avec la mère-patrie reste intègre. Je rappelle que nous avons toujours été rattachés à la mère-patrie, que la communauté nationale est une et indivisible, que la communauté des Algériens qui vivent en France à partir de 1954 a contribué directement à la Révolution, que nos parents et grands-parents ont travaillé et ont cotisé pour payer chaque balle qui allait déloger le colonisateur qui a fait du mal au peuple. De ce fait, on est des héritiers de cette histoire que nous remettons en valeur, car elle nous est très très chère surtout dans le contexte que nous vivons aujourd’hui. C’est encore plus en ce 2024. 

-Concernant le contexte justement. L’Algérie fait l’objet d’une campagne politico-médiatique très agressive qui cible son État, son histoire et sa mémoire. Quelle est votre position par rapport à ce flot de violences verbales et comment pouvoir les contrer ? 

Je pense que l’Algérie a été attaquée sur plusieurs fronts et plusieurs facteurs viennent nous rappeler qu’est visée. D’abord, on attaque la mémoire de l’Algérie qu’on tente de réduire à une non-existence avant 1830, comme si le peuple algérien était né en 1830. On attaque aussi l’Algérie de par sa position stratégique qui est la porte de l’Afrique. On attaque également l’Algérie de par ses positions politiques. En outre, on l’attaque parce qu’elle impulse une nouvelle dynamique pour une Afrique forte, qui reprend sa place et qui retrouve sa liberté. Toutes ces positions ne sont pas tenables pour nos ennemis. Mais surtout, il y a cette Algérie qui monte en puissance et qui dérange par ce qu’elle est éprise de justice pour la libération des peuples du Sahara occidental et de la Palestine. Autrement dit, la défense des droits des peuples opprimés à disposer d’eux-mêmes expose l’Algérie aux attaques. On peut ajouter à cela les richesses naturelles dont regorge le pays qui suscitent les convoitises. Tous ces éléments dérangent, à commencer par nos voisins marocains, l’État criminel sioniste et certains agendas qui voudraient voir l’Algérie dans le chaos à l’effet de revenir en Afrique pour spolier ses richesses. C’est une tentative de néo-colonialisme qui ne dit pas son nom. 

-Pour faire face à ces défis, plusieurs voix convergent vers la nécessité de renforcer les fronts intérieur et extérieur. En tant que force de la société civile à l’étranger, que suggère le Moudaf, comme mécanisme par exemple ? Un travail de lobbying ou de diplomatie parallèle à jouer peut-être ?

Le Moudaf, parmi beaucoup d’autres mouvements algériens, convergent vers un message unique : nous avons une filiation avec une seule mère-patrie, une et indivisible, envers laquelle nous avons un devoir moral de protection. J’oserais dire aujourd’hui, que nous sommes ciblés par nombre d’États qui attaquent notre souveraineté, notre peuple et nos institutions. De ce fait, je crois qu’il faut passer à un étage supérieur, parce que le Moudaf et ces centaines d’autres associations sont à bout de bras devant la force des États. Donc, il faut mieux structurer et organiser notre communauté, porter une voix plus forte et une position plus assumée pour la communauté algérienne en France et partout dans le monde. Aujourd’hui, il est temps que la communauté puisse avoir  une restructuration organique pour être plus visible et aborder des champs d’action plus forts. Le Moudaf et les autres font le travail tous les jours, mais, encore une fois, c’est à bout de bras. C’est trop compliqué d’avoir en face des États qui sont aux manettes. 

-Des perspectives pour une restructuration de notre communauté ?

-La première perspective, c’est d’abord le discours politique d’Abdelmadjid Tebboune à son élection en décembre 2019. C’est un discours qui rassemble la communauté algérienne pour renforcer le front et l’unité nationaux. C’est un président de la République sans précédent et qui a envoyé un message à la communauté nationale dans le monde. Il a dit « M’Rahba bikoum (bienvenue) » à tous les Algériens où qu’ils vivent dans le monde. Il a affirmé que notre communauté à l’étranger est une partie intégrante et qu’une mère-patrie on en a qu’une. Seconde chose, le président Tebboune est passé du discours à des actes concrets. Je cite, la possibilité pour les membres de la communauté nationale à l’étranger d’accéder au système d’assurance maladie, à la retraite, au logement, au dispositif de biens immobiliers, au foncier etc. Le Président, en plus, a appelé la jeunesse algérienne à venir ici pour investir, créer des entreprises et générer de la richesse. Ces décisions sans précédent renforcent le sentiment d’appartenance, renforcent l’unité nationale et renforcent le devoir de protection mutuelle. 

– Vous voudriez dire que le regard porté par notre diaspora à son pays d’attache a changé ? 

Oh que oui, le regard a complétement changé. Derrière, il y a l’intérêt important accordé par les autorités algériennes à la communauté. Et là je cite une décision très importante. La nomination d’un secrétaire d’État à la communauté nationale à l’étranger auprès du ministère des Affaires étrangères. C’est un geste politique très fort qui donne espoir aux membres de la communauté. Cela permet d’être à leur écoute pour répondre à leurs préoccupations dans ce nouveau contexte. Un contexte particulier que j’oserais qualifier de guerre de quatrième ou de cinquième génération. On en est plus dans les guerres conventionnelles, mais dans les guerres de l’information, de la désinformation, des fake news et des infox. Regardez la grossière campagne « Maraniche Radi (Je ne suis pas satisfait) » que le Makhzen a lancée contre l’Algérie. Certes, les Algériens ont riposté et déjoué l’attaque, mais il faut faire attention. Combien d’attaques peut-on arrêter, peut-être une ou deux qui ne peuvent pas faire des dégâts ? Structurellement parlant, il faut que la communauté puisse se politiser davantage, c’est très important, on ne peut pas rester des consommateurs, à manger et à dormir !  A partir de là, le message envoyé à ceux qui nous sont hostiles, ceux qui travaillent pour des officines et des agendas bien précis est clair : attention il y a six millions d’Algériennes et d’Algériens debout dans toute l’Europe et qui sont engagés pour la Patrie. Ça c’est important et c’est extraordinaire.    

Le président de la République incite les jeunes à intégrer la sphère politique. La société civile dont vous faites partie en tant que membre de l’ONSC peut-elle constituer une alternative aux partis ? 

L’Algérie est un pays qui recèle une jeunesse extraordinaire. Pour se muscler, tout pays doit compter, non pas sur ses richesses naturelles, son pétrole, mais sur sa ressource humaine. Sa jeunesse notamment qui est un bien intarissable. Parce que la jeunesse est la source de créativité. Regardez la Corée du Sud, en 1960 elle était l’un des pays les plus pauvres au monde. Aujourd’hui, elle est une puissance économique qui n’est basée sur aucune ressource fossile. L’élément humain, sa jeunesse, était sa seule ressource. Il faut chercher l’intelligence dans la jeunesse, car elle est créative. La créativité d’aujourd’hui sera notre richesse de demain. Il faut libérer la jeunesse et la mettre au cœur de la société civile. En 1954 – 1962 les jeunes ont libéré le pays, en 2024 ils vont l’enrichir par leur créativité. 

-Parlons politique étrangère. La France a changé de position sur le Sahara occidental et a soutenu le plan marocain. Comment interprétez-vous cette décision ?     

 La France est aujourd’hui en parfaite contradiction avec le droit international. Les Nations unies ont consacré le Sahara Occidental et inscrit ce dossier au niveau de la quatrième commission comme la dernière colonie à décoloniser en Afrique. Comment dès lors un membre permanent du Conseil de sécurité peut-il aller en contradiction avec le droit international ? Pour moi, c’est le signe du paradoxe et du déclin de la diplomatie française. Seul le droit international prime pour apaiser la situation dans la région et rendre le droit au peuple sahraoui pour son autodétermination dans le cadre d’un référendum.

– Avant de commencer notre entretien, vous avez dit que la France n’a pas d’amis, mais des intérêts…Des intérêts conjoncturels peut-être ?

Aujourd’hui, il y a deux Frances qui apparaissent. Il y a une France du gaullisme et de De Villepin qui respectent un peu plus les choses et qui adopte la diplomatie. Puis, il y a une sous-France larvée par des lobbies qui se font manipulés et font même, finalement, spolier les intérêts de la France. Il y a le lobby sioniste qui a pénétré la France, il y a aussi le lobby encore très puissant des pieds-noirs à savoir les nostratiques de « l’Algérie française ». D’où des positions françaises aujourd’hui que même le plus grand nombre de Français n’ont pas comprises. Pourquoi, c’est parce que ce sont des agendas qui ne répondent pas aux intérêts de la France, mais à ceux d’autres pays. En 2024, la situation est telle que l’opinion publique française est, malheureusement, influencée par les médias mainstream qui s’inscrivent dans les guerres de quatrième et de la cinquième génération. Le peuple français subit quelque part, mais depuis le 7 octobre 2023 (agression sioniste à Ghaza, Ndlr), il commence à noter les paradoxes de la position française. Par exemple, sur son silence sur le génocide contre le peuple palestinien. C’est une France timide qui secoue de temps en temps le drapeau du respect des droits de l’homme, appelle au cessez-le-feu… On a aussi une France qui faisait très mal à ceux qui dénonçaient le génocide en Palestine. Tout homme ou toute femme qui tente, ne serait-ce que de dire que c’est un génocide, subit l’acharnement médiatique d’un puissant lobby. 

– C’est ce même lobby politico-médiatique, où prolifèrent les disciples de l’extrême droite, qui est derrière la campagne anti-algérienne après l’arrestation de Boualem Sansal, n’est-ce pas ? 

On connaît bien l’histoire du Front national quand Jean-Marie Le Pen, un adepte de l’OAS (l’Organisation de l’armée secrète) et de l’Algérie française, est arrivé au pouvoir en 1981. Les « lepénistes » ont obtenu 0,74% des suffrages, ils étaient inexistants. Aujourd’hui, l’extrême droite fait dans les 40% et ses partisans sont pratiquement maitres dans les législatives. Il faut savoir que depuis quelques années, il s’est passé quelques chose, le Front national était infiltré par le lobby sioniste. C’est une certitude, car dans les années 80/90 Le Pen père n’aurait jamais accepté que ses partisans participent à une manifestation contre l’antisémitisme. Aujourd’hui, et on l’a vu il y a quelques mois en France dans un boulevard parisien, où des manifestations contre l’antisémitisme grouillent de cadres du FN. C’est un fait révélateur ! Deuxièmement, nous avons des chaines de télévision connues comme BFMTV, pour ne pas la nommer. Une chaine d’information en continu qui tape sur la Palestine, sur ceux qui dénoncent le génocide en Palestine, sur la désinformation, sur l’Algérie et sur les Algériens. D’ailleurs, cette chaine a été rappelée à l’ordre lors des dernières législatives pour avoir accordé 52% d’audience à des partis uniquement d’extrême droite. Ce qui veut dire que ces lobbies médiatico-politiques alimentent le FN à des fins d’agendas qui dépassent la France. Et ce monsieur Boualem Sansal, dans ses propos délirants, qui pour une carte d’identité française a vendu l’histoire de son pays. On a honte de ça ! Aujourd’hui, il est entre les mains de la justice algérienne qui est souveraine. Il a enfreint le code pénal en remettant en cause la souveraineté territoriale de son pays. Donc l’Algérie est dans son droit absolu de juger ce personnage qui navigue en eaux troubles. Tout comme son collègue Kamel Daoud, de la même trempe, un faire-valoir de l’extrême droite par lequel on donne des messages contre la Nation algérienne, contre l’islam… mais dont le but recherché étant celui de déstabiliser l’Algérie et son unité nationale. C’est une manière subtile de manipuler les masses que de dire ; regardez, ce sont des Algériens qui le disent !  

– Notre communauté en France subit-elle des pressions en représailles à la défense de son pays et des causes justes ?     

-Il faut savoir qu’il y a quelque chose qu’on ne peut pas enlever aux Algériens. Je suis né en France, mais personne ne peut me faire taire devant l’injustice. Si on devait défendre des positions indéfendables, comme l’injustice et la hogra, ce serait compliqué. Mais, jusqu’à preuve du contraire, on défend des causes défendables. Aujourd’hui, on défend l’idée selon laquelle un génocide est commis en direct, devant les caméras du monde entier, en Palestine. Pour les représailles, j’ai un ami professeur à Lyon qui a dénoncé un génocide en Palestine, le lendemain on l’a sorti du rectorat, on l’a malmené et on l’a attaqué. On peut faire taire un, deux, trois Algériens, mais pas tous et ni encore moins l’Algérie qui ne peut pas se taire !    

– Pour terminer, des attentes de la part du Moudaf ? 

-Restructurer la communauté nationale à l’étranger est une nécessité. Elle doit être plus structurée, plus organisée et mieux visible. Pour le cadre, on suggère la création d’un Haut conseil de la communauté nationale à l’étranger rattaché au secrétaire d’État à la communauté à l’étranger, ce poste diplomatique créé à la faveur du dernier remaniement du Gouvernement. À l’intérieur du pays nous avons déjà le Haut conseil de la jeunesse (HCS). Une telle idée est en droite ligne avec l’intérêt accordé par le président de la République aux Algériens à l’étranger. On peut imaginer que ça soit un outil organique, culturel, social et politique. Imaginons qu’un tel Haut conseil existait déjà dans ce contexte particulier. Quelque 120 hommes et femmes issus de l’émigration rentrent au pays, se réunissent, débattent, prennent conscience, donnent de la matière et puis ils repartent.  C’est un levier important qui nous manque. Un conseil, c’est un cadre collectif, qui peut travailler avec les consulats (au nombre de 17 rien qu’en France). J’ai eu l’occasion de rencontrer le président Abdelmadjid Tebboune et j’ai profité pour lui envoyer un message dans ce sens. Je lui ai aussi dit que nous avons une communauté à l’étranger que tous les pays veulent avoir.  Nos communautés à travers le monde sont, économiquement et socialement parlant, des postes avancés. C’est une richesse et un outil qu’il faut utiliser au mieux.     

Entretien réalisé par Farid Guellil

Article précédentTebboune fixe le cap 2025 
Article suivantPOUR PRONONCER LE DISCOURS SUR L’ÉTAT DE LA NATION : Le Président devant le Parlement aujourd’hui