La police grecque avait évacué, mardi, à la mi-journée, dans le calme et à l’écart des médias, un millier de migrants du camp d’Idomeni à la frontière avec la Macédoine, un site devenu le symbole du verrouillage migratoire de l’UE.
Près de 700 policiers assistés par un hélicoptère participaient à l’opération, visant à vider le camp des quelque 8.400 personnes qui s’y entassaient encore lundi, vivotant depuis des mois dans des conditions sordides.
Selon les autorités et des ONG sur place, l’opération, entamée peu après le lever du soleil, se déroulait dans le calme. A la mi-journée, 1.110 personnes avaient quitté les lieux à bord de 23 bus, selon la police. Le gouvernement grec a estimé qu’il faudra une semaine pour vider totalement le site. Seule autorisée à filmer, la télévision publique grecque ERT1 a diffusé des images montrant des migrants monter dans les bus, et des groupes d’enfants jouant ou patientant entre les tentes, encadrés par une forte présence policière. A la mi-journée, les premiers bulldozers ont commencé à dégager les tentes et installations vidées, selon des tweets émis du camp par des militants. « Tout est très calme, la situation est tranquille et l’opération très bien organisée, sans tensions », a expliqué à l’AFP une représentante restée dans le camp de l’ONG Médecins sans frontières, Vicky Markolefa.
« Les policiers informent les gens qu’un transfert est en cours, et les hauts parleurs du camp diffusent le même message en arabe et anglais », a-t-elle ajouté. Elle s’est toutefois déclarée préoccupée par le fait que « les gens ne sont peut être pas bien informés de leurs destinations ». « Notre autre problème est qu’il va être difficile d’assurer la distribution de nourriture » avec le peu de personnel humanitaire autorisé à rester dans le camp par la police, a-t-elle ajouté.
Appels des ONG à un accueil digne
A l’exception d’ERT1 et de l’agence de presse nationale ANA, les médias étaient interdits d’accès, maintenus à trois kilomètres des lieux par un barrage policier.
« Dans ce genre d’opérations, partout dans le monde, des mesures d’encadrement sont prises », a justifié le porte-parole du service de coordination de la crise migratoire, Giorgos Kyritsis.
Les partants sont acheminés vers sept anciennes usines aménagées et deux camps de tentes situés près de Thessalonique, la métropole proche du nord de la Grèce, a précisé M. Kyritsis. C’est l’ouverture de plus de 6.000 places d’accueil dans ces sites qui a permis aux autorités grecques de lancer l’opération, annoncée et ajournée à plusieurs reprises ces derniers mois.
Plusieurs ONG, dont International Rescue Committee, ont appelé Athènes à y garantir des séjours dans la dignité, en particulier pour les nombreux enfants, et l’accès aux procédures d’asile et de relocalisation dans l’UE.
Dès lundi, de nombreux policiers dont une centaine de membres des forces anti-émeute, avaient été acheminés à Idomeni, devenu une nasse pour des milliers de réfugiés et migrants –surtout des Syriens, Irakiens, Afghans, Iraniens et Maghrébins — après la fermeture en mars de la route des Balkans empruntée jusqu’alors pour gagner l’Europe du Nord.
M. Kyritsis avait assuré lundi que l’opération ne serait pas « un coup de balai policier visant à vider en un jour le camp » et qu’elle se déroulerait progressivement.
Le gouvernement grec de gauche affirme depuis des mois vouloir éviter autant que possible le recours à la force policière pour encadrer les flux de réfugiés et migrants fuyant guerres et misère. Le modèle est celui d’une évacuation « par la persuasion », avait martelé une source gouvernementale, affirmant que les transferts du camp s’étaient déjà accélérés sur ce mode. Au total, plus de 2.500 personnes ont ainsi accepté de partir depuis 15 jours, suivis de 800 autres dimanche et lundi, selon une source policière. La Commission européenne « a salué » lundi à Bruxelles « toute initiative des autorités grecques » pour vider le camp. Les organisations humanitaires ont, à plusieurs reprises, dénoncé les déplorables conditions sanitaires et sécuritaires y prévalant. L’enlisement à Idomeni alimentait en outre une grogne croissante des agriculteurs de la région, des tensions avec la Macédoine voisine sur le contrôle des passages, et des incidents répétés entre exilés et policiers. Les exportateurs grecs avaient aussi protesté contre les perturbations du trafic ferroviaire entre la Grèce et le nord de l’Europe du fait de fréquentes manifestations de migrants sur les rails passant dans le camp.