L’Association internationale des amis de la Révolution algérienne a rendu hommage, hier, à l’une des figures les plus discrètes mais essentielles de la solidarité internationale avec la Révolution algérienne, et ce lors d’une conférence sur le thème « Mme. Hélène Moukhtefi : parcours d’une militante antiraciste, anticolonialiste, amie de l’Algérie ».
À l’initiative de l’AIARA, cette matinée de mercredi a été consacrée à Mme Hélène Moukhtefi, militante anticolonialiste, amie fidèle de l’Algérie et témoin directe des batailles politiques et diplomatiques menées durant la guerre de libération nationale. Organisée au siège de l’Association à Alger, la rencontre a réuni d’anciens moudjahidine, des diplomates, des chercheurs, des militants internationaux, des figures culturelles ainsi qu’un public de jeunes, autour d’un même objectif : rappeler que l’indépendance algérienne ne s’est pas jouée uniquement sur le terrain militaire, mais aussi dans les couloirs des Nations unies, les réseaux militants transnationaux et les consciences solidaires à travers le monde. La cérémonie s’est ouverte par une série d’interventions rappelant le rôle central de celles et ceux qui, sans être Algériens, ont fait le choix conscient et courageux de soutenir la cause du peuple algérien face au colonialisme. Hélène Moukhtefi incarne cette génération d’internationalistes pour qui la lutte anticoloniale relevait à la fois d’un impératif politique, moral et humain. Point focal de la rencontre, Zahra Yahia a retracé le fil des liens ayant permis de rassembler les acteurs de cette mémoire vivante, soulignant l’importance du travail associatif dans la préservation de l’histoire de la Révolution. Le maître de cérémonie a, quant à lui, rappelé que la mémoire collective n’a de sens que si elle se transmet et s’inscrit dans le présent.
Le cinéma comme outil politique et mémoriel
Moment fort de la matinée, l’intervention d’une réalisatrice et documentariste engagée a mis en lumière le rôle du cinéma comme instrument de lutte et de transmission historique. Invitée à Alger une première fois en 2013, puis revenue en 2014 pour une rencontre décisive, la cinéaste a expliqué comment son travail s’est progressivement concentré sur la mémoire filmée de la guerre d’Algérie. Pendant près de trois années, elle s’est immergée auprès du cinéaste engagé Steven (ou Stévan) Bodovitch et de sa famille, transformant un projet initial en deux films, présentés en Algérie en 2022. À travers ces œuvres, le cinéma apparaît non comme un art neutre, mais comme un outil politique au service des luttes de libération et de la bataille des images.
Quand le cinéma algérien entre à l’ONU
Les témoignages ont rappelé un épisode historique majeur, longtemps méconnu. En 1959, Steven Bodovitch filme la guerre d’Algérie avec un objectif précis : faire projeter ces images aux Nations unies. L’année suivante, en 1960, il transporte clandestinement les bobines du film Djazairouna jusqu’à New York, où elles sont remises à Abdelkader Chanderli, figure du Front de libération nationale (FLN) auprès de l’ONU. Ce film devient alors un véritable outil de la bataille diplomatique algérienne, contribuant à faire émerger la question algérienne sur la scène internationale et à fissurer le discours colonial dominant. Un exemple emblématique de la manière dont culture, politique et diplomatie se sont entremêlées dans la lutte pour l’indépendance.
Le bureau du FLN à New York et l’engagement d’Hélène
Figure centrale de l’hommage, Hélène Moukhtefi a été longuement évoquée pour son rôle au sein du bureau du FLN et du Gouvernement provisoire de la République algérienne à New York. Elle y participait activement à la propagande diplomatique : rédaction d’articles, travail de lobbying, préparation des votes à l’ONU et construction de réseaux de soutien. Le contexte international était alors particulièrement défavorable. La France bénéficiait encore d’une forte influence sur ses anciennes colonies, tandis que les États-Unis soutenaient politiquement et financièrement l’effort de guerre français. Jusqu’en 1960, les votes à l’ONU se succédaient, majoritairement hostiles à la cause algérienne. Il faudra l’adoption d’une résolution générale contre le colonialisme, en 1960, puis encore une année de lutte pour qu’une résolution spécifique sur l’Algérie voie le jour. Une victoire diplomatique arrachée au prix d’un engagement constant, souvent invisible, mais décisif.
Frantz Fanon, la dimension humaine de la Révolution
L’un des moments les plus émouvants de la rencontre a été consacré à la relation entre Hélène Moukhtefi et Frantz Fanon. Proche du penseur et militant anticolonialiste, Hélène l’a accompagné aux États-Unis durant les derniers mois de sa vie. Elle lui a offert un soutien moral, une présence humaine et une dignité dans la maladie, tout en veillant sur sa famille et son jeune fils. Ce témoignage rappelle avec force que la Révolution algérienne fut aussi une révolution humaine, portée par des liens de solidarité, d’affection et de fidélité, bien au-delà des seuls enjeux militaires.
Les États-Unis, entre soutien et ambiguïté
Le discours n’a pas cédé à la simplification historique. Les intervenants ont rappelé que les armes utilisées par l’armée française provenaient en grande partie des États-Unis, dans le cadre de l’OTAN : napalm, avions T-6, hélicoptères. Mais l’histoire américaine vis-à-vis de l’Algérie fut aussi marquée par des fractures internes. En 1957, John F. Kennedy prononce au Sénat un discours favorable à l’indépendance algérienne, avant de subir de fortes pressions et de se taire durant sa campagne présidentielle. En 1962, il accueillera néanmoins Ahmed Ben Bella à la Maison Blanche. Une ambivalence assumée, qui reflète les contradictions de l’époque.
Une transmission adressée aux jeunes générations
Le message final de la rencontre s’est adressé clairement aux jeunes présents. La plus grande fierté, ont rappelé plusieurs intervenants, n’est pas une carrière ou un statut, mais l’engagement politique au service de la justice. La mémoire n’a de sens que si elle se transmet, réveille les consciences et nourrit l’humanisme. Une phrase a résumé l’esprit de l’hommage : l’Algérie est un pays qui n’oublie pas. Et surtout, Hélène Moukhtefi n’a pas subi l’Algérie. Elle a choisi l’Algérie.
L’AIARA trace les perspectives pour 2026
Les membres du Bureau exécutif de l’AIARA ont tenu, mardi 9 décembre 2025, leur réunion de fin d’année. Le président de l’Association, M. Noureddine Djoudi, a souligné la portée des actions menées en 2025, précisant que 2026 marquera le véritable lancement de l’Association à l’international. Il a également mis en avant le soutien du ministre des Moudjahidine, ainsi que l’intérêt porté par les plus hautes autorités du pays, à leur tête le président Abdelmadjid Tebboune, au travail de préservation de la mémoire nationale. Pour M. Djoudi, la Révolution algérienne ne se limite pas à la restauration de l’État, mais à la défense de principes universels de libération valables pour tous les peuples, y compris ceux de la Palestine et du Sahara occidental. Le secrétaire général de l’AIARA, M. Nacer Belgacem, a présenté un bilan jugé positif, rappelant les colloques consacrés aux avocats de la Révolution, aux personnels de santé de l’ALN, ainsi que les nombreuses conférences et projections organisées durant l’année. Les débats ont enfin insisté sur la nécessité d’ouvrir des bureaux de l’Association dans plusieurs régions du monde et de participer activement aux actions visant à criminaliser la colonisation. La participation de figures telles que Nils Andersson, éditeur anticolonialiste de renommée internationale, et Amadou Oumarou, militant panafricaniste nigérien, a renforcé la dimension universelle de cette démarche. En rendant hommage à Hélène Moukhtefi, l’Algérie a rappelé une vérité essentielle : son histoire s’est écrite avec celles et ceux, Algériens et non-Algériens, qui ont choisi, sans calcul, le camp de la liberté. Une mémoire vivante que le pays continue d’honorer, parce qu’il n’oublie pas.
M. Seghilani














































