Le projet de loi portant sur les statuts des officiers de réserve et des personnels militaires a été présenté, puis débattu, hier, à l’Assemblée populaire nationale (APN).
Il s’agit d’un texte qui complète la loi en vigueur, ne régissant jusque-là que les militaires en poste. Il prévoit des sanctions sévères aux retraités aux tuniques vertes, parmi ceux qui font fi au devoir de réserve et de retenue.
En effet, d’aucuns qualifient le projet d’une loi qui vient pour «faire taire les généraux à la retraite», dont certains, faut-il le rappeler, interviennent dans le débat public et viennent occuper les devants de la scène nationale, à chaque fois qu’une question fait l’objet de polémique. Se présentant en tant qu’ex-gradés de l’Armée nationale populaire (APN), ces vétérans militaires s’expriment en général sur des questions politiques et/ou sécuritaires, voire même prendre position dans certains cas de figure. Une sorte d’«immixtion» des militaires dans la vie politique qui n’a pas été du goût des défenseurs de l’État civil, dont la Constitution de 2016 est présentée comme étant l’avènement constitutionnel consacrant ce principe, dont ce projet en question vient, donc, pour la mise en œuvre des dispositions y afférentes incorporées dans la loi fondamentale du pays. Après son examen par la commission de la Défense nationale de l’APN, le 7 juin dernier, le texte a été soumis au débat des députés avant qu’il ne soit adopté le 27 juin prochain. Dans son préambule, il est mentionné que l’objectif de cette loi est «la consolidation des lois en vigueur en matière de l’obligation de réserve pour les militaires et la préservation de l’image de l’ANP dans la société». Ainsi, réaffirmer les missions constitutionnelles de l’Institution militaire, qui est «au service exclusif de la République» et sa préservation des luttes claniques et politiciennes, ont été rappelé dans le préambule du document, faisant valoir tout aussi l’importance du devoir de réserve pour les militaires. Pour les initiateurs de projet, le crédo militaire est basé sur la retenue et la discipline, et de mettre en garde que la transgression de ces principes représente «une atteinte à l’honneur de l’Armée, sa dignité, son image, ainsi que celles des Institutions de l’État». Qu’en-est-t-il de nouveau dans cette loi ? L’article 24 de la loi en vigueur stipule que «le militaire est tenu de respecter l’obligation de réserve en tout lieu et toute circonstance». Le projet prévoit un additif où il est précisé que le militaire «est tenu de s’interdire tout acte ou comportement de nature à porter atteinte à l’honneur et à la dignité de son statut, ou bien à l’encontre de l’Institution militaire et son image».
Il y précis aussi que tout militaire qui est en retraite doit s’en tenir au principe de devoir de réserve, et que tout manquement à cette obligation encourt des sanctions. En effet, le militaire et haut officier de l’ANP en particulier qui font fi de cette disposition de loi risque de se faire retirer sa médaille d’honneur, des poursuites judiciaires sur proposition des autorités publiques et la rétrogradation de son grade. À l’entame des débats lors desquels seulement une soixantaine d’élus ont pris part, certains des intervenants d’obédience FLN et RND, comme il était attendu, ont apporté leur soutien inconditionnel au projet, à tel point qu’un, parmi eux, a recommandé la généralisation d’une telle disposition aux citoyens. Exception faite aux élus du parti de Louisa Hanoune, le PT, qui s’est interrogé sur les visées d’une telle loi, jugée par le chef du groupe parlementaire, Djelloul Djoudi, «d’anticonstitutionnelle». Pour le même responsable politique, le gouvernement devait présenter un projet pour interdire aux personnalités politiques et autres organes médiatiques de s’attaquer aux Institutions militaires, et non pas selon lui, concevoir une loi pour empêcher les militaires de réserve de s’exprimer. Et à lui de rappeler la Constitution dans sa disposition qui consacre les droits et les devoirs pour tous les citoyens qui sont ainsi égaux devant la loi. Pour un autre élu du PT, il est nécessaire d’éclaircir «les zones d’ombre» de ce texte, avant d’exprimer ses craintes, quant aux abus de pouvoir dans l’application de cette loi. Selon un député du parti El-Adala, ce projet vise à «faire taire les anciens gradés de l’Armée, et menace la liberté d’expression». Intervenant pour répondre aux critiques des parlementaires, la ministre déléguée chargée des Relations avec le Parlement, Ghania Idalia, a indiqué que la liberté d’expression des militaires est consacrée par la Constitution, à l’instar de tous les citoyens. Mais, de par la sensibilité de l’Institution militaire, a-t-elle rappelé, il était du devoir des autorités de revoir les textes en vigueur pour mieux spécifier la loi. Enfin, pour la représentante du gouvernement, le militaire n’a pas à s’immiscer en tant que tel dans la vie politique du pays.
Farid Guellil