Le Centre national de renseignement (CNI) espagnol a découvert, juste avant la pandémie de Covid-19, un complot d’espionnage marocain activant depuis le consulat du Maroc à Madrid, à la suite d’une enquête de plusieurs années sur un agent consulaire accusé d’avoir « collaboré » avec l’actuel chef des services de renseignement marocains en Espagne, rapportent hier, des médias espagnols.
La presse espagnole révèle que l’agent consulaire en question, recruté par les services secrets marocains, s’est vu refuser le mois dernier une demande d’obtention de la nationalité espagnole et à ce jour il n’a pas été expulsé d’Espagne. La justice a rejeté, pour la première fois, l’octroi de la nationalité à ce fonctionnaire administratif du consulat du Maroc à Madrid et met directement en cause le chef des renseignements marocains en Espagne, qui opère depuis l’ambassade du Maroc à Madrid. Le principal service secret espagnol affirme avoir « la certitude de l’étroite collaboration de +Don Gabriel+ (pseudonyme donné à cet agent pour ne pas dévoiler son nom), depuis son arrivée en 2016, au consulat du Maroc à Madrid en tant qu’agent local, avec l’actuel chef des services de renseignement marocains en Espagne ». Les juges donnent pleine validité au rapport du renseignement espagnol. Il ne s’agit pas d’une compilation de « simples suppositions sur la personne concernée ». Les données qu’il fournit sont « suffisamment explicites et concrètes », souligne la sentence, qui met en principe un terme à 12 ans de procédures, par « Don Gabriel », pour devenir Espagnol. Le CNI, selon le jugement, a commencé à enquêter sur lui en 2011, un an après qu’il ait commencé à travailler comme interprète au consulat du Maroc à Séville, bien avant qu’il ne soit envoyé à Madrid en 2016. Les chambres contentieuses-administratives de la Haute Cour nationale rejettent, avec une certaine fréquence, l’octroi de la nationalité espagnole aux immigrés marocains installés en Espagne sur la base de rapports du CNI qui invoquent des raisons de « sécurité nationale », sans entrer dans les détails. « Cette mention n’est généralement pas en relation avec des liens présumés avec des organisations terroristes, mais avec les services secrets marocains opérant en Espagne », expliquent les médias, rappelant un cas similaire enregistré à Las Palmas où « Fabio », un homme d’affaires marocain basé dans l’archipel, s’est vu refuser sa demande d’obtention de la nationalité espagnole pour avoir entretenu, entre 2008 et 2016, « une relation de pleine collaboration avec le renseignement étranger marocain ». Jusqu’à présent, seule l’expulsion d’un espion marocain d’Espagne, Nourendin Ziani, est enregistrée en mai 2013, à la demande du général Félix Sanz Roldan, alors directeur du CNI. Basé à Barcelone, Ziani avait fondé l’Union des centres culturels islamiques de Catalogne, financée par le ministère marocain de l’Immigration.
En Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique, les expulsions et même les procès de collaborateurs des services secrets marocains sont souvent rendus publics. Le dernier cas connu remonte à juillet 2018, celui d’une femme, Kaoutar Fal, au sujet de laquelle la Sûreté de l’État belge a déclaré, dans un communiqué, avoir été expulsée « pour ses activités d’ingérence et d’espionnage pour le compte de services de renseignement étrangers ». « Kaoutar Fal et ses organisations s’impliquent énergiquement dans des activités d’ingérence au nom du Maroc », précisait le texte.
R. N.