À la veille de la 13e Réunion de haut niveau (RAN) entre l’Espagne et le Maroc, le Front Polisario pose un sérieux problème auquel Madrid pourrait avoir face à Rabat. Selon le mouvement sahraoui, si l’expansion marocaine au Sahara occidental n’est pas freinée, la prochaine zone d’intérêt stratégique pour Rabat pourrait être les îles Canaries.
L’alerte se fonde sur cinq décennies d’expérience d’un peuple vivant sous occupation et sur ce que le Polisario décrit comme une dynamique expansionniste engagée par le Maroc depuis 1975. Le représentant du Polisario en Espagne a insisté sur un point central : Une fois consolidé son contrôle de facto sur le Sahara occidental, le Maroc serait en position d’ouvrir une nouvelle phase dans sa projection atlantique, avec des conséquences directes pour les Canaries. Il a également souligné que, contrairement à ce que laissent entendre les autorités espagnoles, Madrid demeure la puissance administrante du territoire selon le droit international, malgré les Accords tripartites de Madrid de 1975 dépourvus de force juridique. L’Espagne continue par ailleurs d’assurer la gestion de l’espace aérien sahraoui, un élément qui, selon le Polisario, invalide toute prétention au « désengagement ». À l’approche du sommet bilatéral prévu demain, le mouvement sahraoui se dit convaincu que le Maroc imposera son agenda et son rythme, comme il le fait depuis le soutien unilatéral apporté en 2022 par le Premier ministre espagnol au plan d’autonomie marocain. Pour le Polisario, ce déséquilibre persistant illustre un risque majeur : celui d’une politique étrangère espagnole davantage alignée sur les priorités de Rabat que sur ses propres intérêts stratégiques. Cette nouvelle RAN intervient dans un contexte inédit. C’est la première depuis les décisions historiques rendues le 4 octobre 2024 par la Cour de justice de l’Union européenne. Ces arrêts ont réaffirmé de façon catégorique que le Sahara occidental constitue un territoire « séparé et distinct » du Maroc et que Rabat ne dispose d’aucune souveraineté sur lui. Les juges européens ont rappelé que seul le peuple sahraoui — représenté par le Front Polisario — est habilité à décider de l’avenir du territoire. Toute initiative, accord ou partenariat incluant le Sahara sans son consentement est jugé illégal. Dans ce cadre juridique renforcé, le Polisario prévient qu’il examinera minutieusement les accords qui sortiront de la réunion de demain à Moncloa. Si l’un d’entre eux concerne directement ou indirectement le Sahara occidental, le mouvement sahraoui affirme qu’il activera l’ensemble des leviers politiques, diplomatiques et juridiques à sa disposition pour protéger les droits de son peuple. L’avertissement est clair : alors que Madrid se prépare à resserrer ses liens avec Rabat, le conflit du Sahara occidental continue de représenter un enjeu central pour la stabilité régionale et pour les relations de l’Espagne avec le Maroc mais aussi avec l’Algérie. Ce rappel du Polisario intervient dans un moment de forte recomposition géopolitique au Maghreb et dans l’Atlantique, où les équilibres demeurent fragiles. L’Espagne, prise entre ses obligations internationales et la pression diplomatique marocaine, devra naviguer dans un environnement où chaque geste, chaque accord et chaque omission peut redéfinir les rapports de force régionaux.
M. Seghilani











































