La 74e édition du festival de Cannes, dont les préparatifs «battent leur plein» pour juillet malgré la pandémie, a un président du jury, le cinéaste américain Spike Lee, première personnalité noire à occuper la fonction. Spike Lee devait présider le jury l’an dernier, mais le Covid a empêché le festival de se tenir. «Fidèle à ses engagements», le cinéaste assumera cette fonction lors du festival qui doit se dérouler en début d’été (6 au 17 juillet), au lieu du mois de mai, ont annoncé les organisateurs.
«Les préparatifs battent leur plein, avec de nombreux films visionnés par le comité de sélection», ont-il souligné, donnant rendez-vous «début juin» pour l’annonce de la Sélection officielle et de la composition du reste du jury, qui devra désigner le successeur de «Parasite» du Sud-Coréen Bong Joon-ho, Palme d’or 2019.
Cette 74e édition est attendue: si les conditions sanitaires permettent sa tenue aux dates prévues, il s’agira du plus important rendez-vous mondial du cinéma depuis plus d’un an. La plupart des autres grands festivals ont été contraints à l’annulation ou se sont tenus en ligne.
«Passion pour le cinéma»
La désignation de Spike Lee, cinéaste phare de la cause noire, auteur de films à la fois militants et grand public, confirme, après l’annonce de l’an dernier, le message envoyé par le prestigieux festival. «Depuis 30 ans, l’infatigable Spike Lee traduit avec acuité les questionnements de son époque, dans une forme résolument contemporaine qui ne néglige jamais la légèreté et le divertissement», ont souligné les organisateurs. «Nous ne pouvions espérer personnalité plus puissante pour interroger notre époque si bouleversée», a déclaré le président du festival, Pierre Lescure. «Son enthousiasme et sa passion pour le cinéma nous transmettent une énergie décuplée pour préparer le grand festival que tout le monde attend», a ajouté le délégué général Thierry Frémaux. Si Cannes a déjà accueilli, au sein de son jury, des artistes noirs-américains comme la cinéaste Ava DuVernay en 2018 et l’acteur Will Smith en 2017, c’est une première concernant son président. Or la question de la diversité raciale est brûlante pour le monde du 7e art. A Hollywood, les nominations aux Oscars lundi ont semblé marquer une prise de conscience, avec neuf interprètes «non blancs» en lice dans les quatre catégories dévolues aux acteurs.
Habitué de la Croisette
Spike Lee, également acteur dans nombre de ses films et producteur, qui aura 64 ans samedi, mettra-t-il sa patte de militant ? Probablement, tant ses films reflètent son engagement, de «Malcolm X» à «Da 5 Bloods», sorti en 2020 sur Netflix, qui suit quatre anciens combattants noirs américains au Vietnam. En 2018, cet habitué de la Croisette, qui y a présenté au total sept de ses films, faisait son entrée dans le palais des Festivals en montrant ses tatouages «amour» et «haine» gravés sur les mains, comme Robert Mitchum dans «La nuit du chasseur» (1955). Il avait alors reçu le Grand prix pour «BlackkKlansman», l’histoire vraie d’un Noir infiltré au Ku Klux Klan, un pamphlet anti-raciste et anti-Trump, qui lui vaudra son premier Oscar en compétition, après un Oscar d’honneur en 2015. Et l’artiste au look d’éternel ado a déjà profité de la tribune cannoise pour clamer ses convictions, reprochant à Clint Eastwood de ne pas avoir fait figurer de soldats noirs dans ses deux films sur la bataille d’Iwo Jima ou critiquant le «Django Unchained» de Quentin Tarantino en rappelant que «l’esclavage américain n’était pas un western spaghetti de Sergio Leone. C’était un holocauste». Très enthousiaste, Spike Lee s’est dit impatient de rejoindre Cannes, dans une conversation avec Thierry Frémaux, diffusée par le festival : «Ce sera magnifique», a-t-il lancé, rappelant qu’il y avait fait son «entrée dans le cinéma», en 1986, avec son premier film «Nola Darling n’en fait qu’à sa tête» (Quinzaine des Réalisateurs). Suivront «Do The Right Thing» (1989), évoquant les tensions raciales à Brooklyn, puis «Jungle Fever» (1991), tous deux en compétition, «Girl 6» en 1996 hors compétition, «Summer of Sam» en 1999 à la Quinzaine des Réalisateurs et «Ten Minutes Older» en 2002 à Un Certain Regard.