Dans la stratégie globale de développement du secteur de l’Agriculture mise en place ces dernières années par le ministère de tutelle, la filière lait occupe une place importante.
Et ce, pour de nombreuses raisons ; les plus importantes étant la réduction des importations de poudre de lait et de produits laitiers, et son corollaire, fortement attendu, celle de la facture induite par de telles importations. Ce dernier objectif est d’autant plus recherché, surtout, en ces temps de vaches maigres occasionnés par la chute drastique des cours du pétrole, que celle-ci s’établit, selon ZineddineYahiaoui, cadre au ministère de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, avec lequel nous nous sommes entretenus en marge de la Journée d’étude sur, précisément, la filière lait qui s’est tenue hier, au siège national de la Chambre nationale de l’agriculture, « présentement, à 1,7 milliard de dollars ». Un montant que la nouvelle stratégie de développement du secteur agricole en cours d’application se propose «de réduire de 50%, à l’horizon 2019». Pour atteindre cet objectif, tout aussi ambitieux qu’incontournable, il est prévu d’augmenter, à la même échéance, la production nationale de lait cru, actuellement de 3,6 milliards de litres, dont 2,7 milliards de litres de lait de vache, de 1,8 milliards de litres.
Essentiellement de lait de vache ; les autres types de lait cru, tels celui de chèvre et de chamelle, n’ayant pas, à l’évidence, fait l’objet, dans la stratégie susmentionnée, de l’intérêt voulu. Et ce, comme l’ont révélé nombre de participants à la Journée d’étude précitée qui, à l’appui de leurs propos, n’ont pas manqué de citer les exemples réussis selon eux, de deux pays de notre voisinage immédiat : le Maroc, pour ce qui est de la production de lait de chèvre ; et la Mauritanie, en ce qui concerne celle du lait de chamelle. Un objectif, l’augmentation de la production nationale de lait cru, pour la concrétisation duquel une série d’actions a déjà été engagée. Parmi ces actions, ZineddineYahiaoui nous a cité l’augmentation, d’ici 2019, «de la superficie fourragère, présentement de 800 000 hectares, de
200 000 autres (hectares)» et celle «de l’effectif des vaches laitières, actuellement d’un million de têtes, de 240 000 autres». Des actions qui, à en croire les interventions de ceux d’entre eux présents, hier, au siège de la Chambre nationale de l’agriculture, ont été fort bien accueillies par les éleveurs. Surtout qu’avec l’augmentation de la superficie fourragère programmée, les vaches disposeront d’une nourriture plus saine que celle qui leur est «servie» présentement : une partie de celle-ci étant aujourd’hui composée de son. Ce qui ne manquera pas, ont convenu les présents, «à améliorer la production quotidienne de chaque vache» qui se situe, selon l’étude, présentée en l’occasion par des experts du BNEDER (Bureau national d’études pour le développement rural), sur «les prévisions et les tendances des productions de la filière lait», autour «de quelque 4400 litres». Pour en revenir aux deux actions précitées d’augmentation de la superficie fourragère et de l’effectif des vaches laitières, notre interlocuteur nous a précisé qu’elles seront également concrétisées « dans le cadre de la mise en place de fermes intégrées, comprenant une moyenne de 200 vaches, où seront pratiqués et l’élevage intensif et hyper-intensif et la production de fourrages ». Sauf que cette vision idyllique du développement attendu de la filière lait est, selon ceux présents à la Journée d’étude d’hier, quelque peu ternie par l’existence de quelques problèmes auxquels sont confrontés les éleveurs et les collecteurs. Des problèmes relatifs, à l’évidence, à la faiblesse du développement en aval de la filière lait, dont se sont fait l’écho un collecteur et un éleveur de la wilaya d’AïnTémouchent. Et qui, semble-t-il, découlent de la même cause : la faiblesse de l’écoulement de la production des laiteries obtenue à partir du lait de vache cru. Le premier a, en effet, annoncé qu’il risquait, si les laiteries persistaient à réduire la quantité de lait qu’il leur livrait habituellement, de répercuter cette réduction sur les quantités de lait qu’il prenait de chez les éleveurs . Le second a appelé les responsables du ministère à se pencher sérieusement sur la faiblesse de la consommation par les Algériens du lait de vache . Une faiblesse qui, a-t-il ajouté, «risque, si aucune mesure n’est prise dans l’intervalle pour encourager celle-ci (la consommation de lait de vache), de faire capoter tout le programme de développement de la filière lait. Et, partant, l’objectif stratégique de réduction de la facture des importations». Cette vision pessimiste du devenir de la filière est sérieusement tempérée par Mahmoud Benchekour, président du Comité interprofessionnel du lait. Péremptoire, il nous a déclaré que «le problème de l’écoulement de la production de lait cru de vache n’est aucunement national ; il touche tout au plus deux ou trois laiteries au niveau national, dans une ou deux wilayas». Et d’ajouter, se voulant plus explicite : « La moyenne de lait collecté dépend des dimensions de chaque laiterie ». Non sans ajouter, tout en précisant au passage que la production nationale de lait et de produits dérivés « ne couvre que 20% seulement de ce que nous consommons », que « la balle est aujourd’hui dans le camp des propriétaires de laiteries qui ne doivent plus se contenter de produire uniquement du lait destiné à la consommation mais s’engager dans sa transformation et ce, en recourant aux banques ». Ce qui ne l’a pas empêché de reconnaître, en réponse à notre question sur le sujet, « que les éleveurs sont soumis à une concurrence déloyale de la part des importateurs de poudre de lait ». Une situation qui, toutefois, sera corrigée, a-t-il soutenu, « avec l’application des licences d’importation qui réglementeront et réguleront les importations et, dans la foulée, encourageront la production nationale et la consommation des produits qui en sortiront… »
Mourad Bendris