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Laïd Zeghlami, spécialiste des médias, à propos du projet du cahier des charges de l’audiovisuel : «C’est une avancée majeure dans la voie de la professionnalisation du secteur…»

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La publication, il y a deux jours, du «projet de décret exécutif portant cahier des charges pour tout service de diffusion télévisuelle ou de diffusion sonore» n’a pas laissé les professionnels du secteur et les spécialistes des médias indifférents.

Loin s’en faut. Laïd Zeghlami, spécialiste des médias, docteur en communication et information, et professeur à l’École supérieure de journalisme et des sciences de l’information d’Alger est de ceux-là. Il voit, en effet, dans le contenu du document en question «une avancée majeure dans la voie de la professionnalisation du secteur». Des propos qui confirment, au demeurant, les premières réactions favorables, et à son contenu et à sa publication, déjà enregistrées : l’un et l’autre étant appréciés à l’aune de l’anarchie, aussi bien sur le plan réglementaire que sur celui du respect des règles d’éthique et de déontologie devant régir ses activités, qui règne dans le secteur depuis l’apparition, il y a maintenant cinq années, des premières chaînes de télévision privées algériennes. Un qualificatif («d’algériennes») qui s’imposent, et ce, même si, du fait précisément du flou juridique dans lequel elles ont été lancées, et dans lequel elles ont activé jusque-là, celles-ci sont, de par leur domiciliation à l’étranger, de droit étranger. Et, de ce fait, sournoisement qualifiées par des esprits malintentionnés de «chaînes off-shore». Dans l’entretien qui suit, Laïd Zeghlami met en exergue les aspects éminemment positifs de ce nouveau texte réglementaire devant, après son adoption par les instances concernées, régir le secteur. Non sans, dans le même temps, relever certaines lacunes qu’il contiendrait. Et demande, selon lui, à être rapidement corrigées pour éviter qu’elles ne deviennent des brèches par lesquelles les partisans du maintien du flou actuel, et ceux qui, mus par des considérations politiques inavouables, ont pour objectif, tout aussi inavouable mais des plus patents, de travailler à la constitution, par la concentration en leurs mains de plusieurs médias, de monopoles dans le secteur sensible de l’information; des monopoles que LaïdZeghlami a jugé «de dangereux pour la liberté d’opinion, d’expression et de la presse».

Le Courrier d’Algérie : – Le projet de décret exécutif «portant cahier des charges pour tout service de diffusion télévisuelle ou de diffusion sonore» vient d’être rendu public. Quelle appréciation en faites-vous ?
– Dans l’ensemble, les grandes lignes de ce texte reflètent la tendance, largement partagée, d’aller vers une professionnalisation de l’exercice de l’activité audiovisuelle. En effet, de nombreux points du cahier des charges vont dans ce sens. Ils énoncent clairement que l’exercice de cette activité doit être le fait de professionnels. Et que celle-ci doit s’exercer dans le respect des règles de l’éthique et de la déontologie. D’où le rappel de la nécessaire observation, par tout professionnel exerçant dans le secteur, d’une attitude d’impartialité et d’objectivité dans l’exercice de son travail. Bien mieux, le cahier des charges vient mettre fin aux dérapages qui ont entaché nombre de «travaux» réalisés dans le secteur, ainsi qu’à certaines pratiques aux antipodes des règles précitées de l’éthique et de la déontologie qui caractérisent l’activité de certaines chaînes. Sur un plan pratique, il jette les bases d’un paysage audiovisuel respectueux de l’État algérien, des valeurs nationales, des symboles de la Révolution, du triptyque composant la personnalité du peuple algérien, à savoir, l’islam, l’arabité et l’amazighité, et de la vie privée et de la réputation des gens. Un paysage qui participe à la promotion des langues nationales et à la consolidation de la liberté de la presse et de celle d’expressions plurielles. Pour me résumer, je dirai que le cahier des charges trace, pour toutes les chaînes, la ligne à respecter dans leur travail.

– Est-ce à dire que le texte en question n’a que des aspects positifs ?
– Dans l’ensemble, oui. Mais, le texte contient des points qui demandent à être davantage explicités. Toujours pour éviter des retombées non désirées…

– Par exemple…
– Parmi ces points, Il y a ceux qui ont été clairement mentionnés dans le texte, alors que d’autres, malgré leur importance, ne l’ont pas été. Dans la première catégorie figure le «contenu des programmes».
Le cahier des charges s’est contenté de rappeler la nécessité du «respect des quotas des programmes tels que définis par la loi sur l’audiovisuel de 2014». À savoir que les chaînes doivent réserver 60% de leurs programmes à la production nationale.
Et les 40% restants à des productions d’origine étrangères: doublées en langues nationales (arabe et tamazight) ou sous-titrées, à parts égales. Soit 20% pour les premières et 20%, pour les secondes.
Cela sans s’étaler sur la nature des programmes concernés. Dans la seconde catégorie (celle des points qui n’ont pas été évoqués), je place, en premier lieu, la question du plafonnement des actions que chaque actionnaire (d’une chaîne de télévision) est autorisé à acquérir. Je suis d’avis à fixer ce plafond à 40%.
Et ce, pour éviter toute concentration des parts dans les mains d’un seul actionnaire et, partant, toute constitution d’une situation de monopole qui pourrait constituer un danger pour la liberté d’expression. Pour cela, je préconise que les textes d’application (du cahier des charges) soient plus explicites sur ce point. Et confirment clairement le plafonnement précité. Ce qui ne serait qu’un juste retour à la mouture première du projet du cahier des charges où avait été clairement mentionné «le plafond de 40%». Et, en second lieu, le sort des chaînes qui n’ont toujours pas d’agrément. Et ce, d’autant plus qu’elles sont la majorité. Il faut préciser la démarche à suivre les concernant, dès maintenant. L’attitude la plus sage est de leur fixer des délais fermes pour qu’elles régularisent leur situation. Un autre problème demeure en suspens ; à caractère technique, celui-là. Le moyen de diffusion choisi. Entière liberté doit être laissée à chaque chaîne agréée pour choisir celui qui lui convient le mieux ; techniquement et financièrement, s’entend.
Surtout que ces moyens sont variés : pour la diffusion de leurs programmes, les chaînes peuvent, en effet, recourir au satellite, à la TNT (Télévision numérique terrestre), à l’Internet, à la fibre optique et au YouTube. Cette liberté dans le choix s’explique par le fait que dans le cas où, à en croire les rumeurs qui circulent, les pouvoirs publics veulent imposer le choix de la TNT, d’autres problèmes insolubles vont jaillir ; liés, pour certains, à la non possession par l’Algérie des capacités techniques pour les résoudre ; et pour les autres, à la faiblesse des capacités de diffusion existantes par ce moyen : seules 13 chaînes peuvent l’être par la TNT.

– L’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) vient d’être officiellement installée. Votre appréciation ?
– C’est un pas dans la bonne direction. Aujourd’hui, chacun doit assumer ses responsabilités. En clair, que le ministère, la presse et les «patrons» de chaînes laissent l’ARAV, qui est constituée de gens connus, d’expérience et compétents, travailler dans la sérénité. C’est un plus pour le secteur…
Mourad Bendris

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