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La menace s’accentue sur l’agriculture et l’AEP : sécheresse ou déficit pluviométrique ?

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Le retard des pluies que connaît le pays est, à l’évidence, devenu le sujet de l’heure. Tout le monde en parle. Du simple citoyen au spécialiste. De l’agriculteur à l’homme politique. Sans que les avis ne soient concordants. Ce qui n’est que logique. Et à la limite, sain n’était-ce le discours pessimiste développé par certains à propos des retombées que ce phénomène naturel ne manquera pas, selon eux, d’avoir sur l’agriculture nationale et sur l’alimentation en eau potable de la population. Un discours qui est toutefois assez fermement rejeté par nombre de spécialistes du secteur agricole et des questions hydriques, et d’agriculteurs. Ceux-là prônant, en effet, la retenue. Quand ils n’appellent pas carrément ceux qui le tiennent à «s’éloigner du catastrophisme » dont ils se font ainsi, intentionnellement ou inconsciemment, les vecteurs. C’est la position défendue par Brahim Mouhouche, professeur à l’école nationale supérieure d’agronomie d’El Harrach, qui, lui, a tenu à recadrer le problème. «Le terme sécheresse est trop vague. Dans le cas présent, il est plus approprié de parler de déficit pluviométrique», nous a-t-il, en effet, déclaré. Et ce, même si ce déficit est estimé, a-t-il ajouté, «pour la période englobant le dernier trimestre de l’année 2015 et le premier mois de l’année en cours, à quelque 85%» de la norme enregistrée habituellement à pareil moment. Un recadrage qu’il étend aux retombées de ce déficit sur l’agriculture. Tout en reconnaissant que «le secteur souffre», il n’en a pas moins tenu à souligner que «l’agriculture, ce n’est jamais tout ou rien». Et d’expliquer : «Quand il y a un manque d’eau, la plante met en branle des mécanismes d’acclimatation pour survivre». Une manière de dire que la situation n’est pas aussi désespérée que le prétendent certains. Surtout qu’il est attendu, « pour les jours à venir, l’arrivée de deux perturbations». Une information qui prend toute sa signification quand on sait, pour reprendre les propos de Brahim Mouhouche, que « 50 mm de pluie, c’est un sursis de 20 autres jours» ; sous-entendu, avant de parler de sécheresse. C’est quasiment la même position qu’ont défendue, tour à tour, quand nous les avons contactés, le secrétaire général de l’UNPA (Union nationale des paysans algériens) et l’assistant du directeur de la Communication au ministère de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche. Le premier, Abdelkader Alioui, nous a, en effet, déclaré qu’il était «trop tôt pour parler de sécheresse». Et ce, non sans, au passage, précisé que la situation «est loin d’être uniforme à travers le pays» ; la partie Est, où des chutes de pluie ont été quand même enregistrées, ne subissant pas le phénomène avec la même acuité que celle de l’Ouest, où le temps a été souvent sec ces derniers mois. Et le second, Mustapha Chaouchi, que «le pays n’est pas encore arrivé à la phase de stress hydrique pour qu’on puisse parler de sécheresse». Une perspective à laquelle le ministère de tutelle semble, toutefois, s’être déjà préparé. Selon son représentant, en effet, celui-ci, «comme chaque année, a mis en place, dans le cadre du plan d’extension de la surface agricole irriguée, qu’il a initié, un programme d’économie de la ressource hydrique» ; un programme qui porte, nous a-t-il expliqué, « sur l’encouragement aux agriculteurs à s’équiper en moyens d’irrigation d’appoint leur permettant de rationaliser l’utilisation de cette ressource ». Et d’ajouter, se voulant plus précis sur les modalités de cet encouragement, que «les pouvoirs publics accordent une subvention, estimée à 40% du coût de l’investissement consenti, pour tout agriculteur qui s’équipe en un tel matériel ». Dans la foulée, Mustapha Chaouchin’a pas manqué de nous rappeler que la superficie irriguée actuelle «équipée en matériel économiseur d’eau atteint les 600 000 hectares». Des mesures qui ne sont pas pour étonner le secrétaire général de l’UNPA. Bien mieux, Abdelkader Alioui appelle l’état à se préparer «à prendre en charge ceux qui y exercent dans le cas où la sécheresse venait à être officiellement déclarée». Tout en reconnaissant que cette éventualité «grèvera lourdement le budget de l’état», il n’en a pas moins affirmé que cela relève de «ses obligations légales» qui le contraignent, a-t-il expliqué, «dans le cas de la survenance d’une catastrophe naturelle, à prendre en charge et les dégâts et les personnes qui les ont subis». Et à ce propos et pour en revenir à ceux que pourrait provoquer la sécheresse tant crainte, le professeur Brahim Mouhouche nous a déclaré que « les principales cultures qui pourraient en pâtir sont celles céréalières et fourragères et, à un degré moindre, la culture des légumes secs». Ceci non sans ajouter que «si celles-ci ne peuvent pas ne pas être affectées par le retard actuel dans les précipitations, elles ne sont pour autant irrémédiablement perdues». Quant aux régions qui seront les plus touchées par le phénomène, notre interlocuteur n’a pas hésité à citer «les régions du Sud et des Hauts-Plateaux». Dans un cadre plus large et dans l’intention évidente de recadrer le problème en y incluant le déterminant facteur géographique, tant celui-ci semble être oublié, notre interlocuteur a appelé à plus de sérénité dans l’appréhension de ce phénomène. Et ce, «pour rappeler que l’Algérie fait partie de la zone – celle dite MENA (Moyen-orient-Afrique du nord) – la plus sèche du globe». Et, partant, la plus sujette au phénomène de la sécheresse. Un rappel qui a été une occasion pour lui «d’inviter les Algériens à intégrer dans leur pensée cette donne » et, dans la lancée, «à éviter de verser dans un catastrophisme nocif et, surtout, à positiver quand ils sont confrontés à des catastrophes naturelles…»

Mourad Bendris

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