C’est une véritable souffrance que subit, en cette première semaine du mois de Ramadhan, le pouvoir d’achat des ménages. Entre l’impuissance d’un ministre du Commerce et le dictat des spéculateurs et des commerçants, les Algériens sont livrés à eux même face à une mercuriale en folie en ces débuts de Ramadhan sensé être un mois synonyme de Rahma et de solidarité. Au moment où l’on s’attendait à ce que la situation des marchés se stabilise, il faut dire que l’on est choqué de voir que la hausse des prix ne fait que s’aggraver davantage. Les prix qui étaient déjà en hausse à la veille du mois de carême, ont en effet triplé à son sixième jours. Une virée à quelques marchés de fruits et légumes, effectuée hier dans plusieurs quartiers de la capitale, a permis de confirmer que la hausse des prix des différents produits s’est encore poursuivie. Dans les marchés d’El Makkaria, d’Hussein Dey, de Belouizdad, de Bab El Oued, et de Kouba, le constat est le même. La flambée a touché à tout, provoquant un désarroi et une incompréhension totale chez les citoyens. Un sentiment tout à fait légitime quand on constate que le prix de la tomate et du poivron a atteint les 180 da, soit une hausse de 60 da depuis le premier jour de Ramadhan. Le prix de la laitue est quant à lui de 160 da, alors que la pomme de terre sensée être vendue à pas moins de 50 da est affichée désormais à 100 da dans la plupart des marchés. La courgette, la carotte et l’oignon ne sont également pas épargnées par les hausses. Ceuxci sont vendus de 80 à 100 da le Kg. S’agissant des fruits, c’est pareil : la banane vendue il y a quelques jours à 190da le kg a atteint hier 290 Da, la fraise affichée à 320da le kg et l’orange 160Da le kg. Dans les rayons des viandes, faut dire que la situation ne diffère pas de celle des légumes et fruits. Le poulet qui était à 320da le Kg avant Ramadhan est désormais à 400 da, la viande de bœuf 1500da, et la sardine qui reste quant à elle intouchable a atteint le prix de 1500 da le kg. D’autre part, le blé concassé ou le frik, qui constitue un ingrédient essentiel pour la préparation de la chorba, est à 400 da le kg. Les raisins secs sont à 1500 da le kg, les pruneaux 880 da et l’abricot secs à 1200 da le kg.
ANGOISSE ET DÉCONCERTEMENT CHEZ LES CITOYENS
Ne se laissant plus tromper par les discours populistes loin de la réalité que font les responsables, à leur tête celui chargé du secteur du Commerce, les citoyens à faible et moyens revenus se font vider les poches par les spéculateurs et les commerçants à la quête de gains facile. Les citoyens rencontrés lors de notre virée ont été nombreux à dénoncer la cherté de la vie et la dégradation de leur pouvoir d’achat. « Je suis vieille, et j’ai un fils handicapé, comment voulez-vous que nous puissions manger à notre faim face à des prix comme ça », nous a confié une sexagénaire que nous avons abordée au marché d’El-Makkaria. « J’ai une petite pension qui me sert à peine à payer mes factures et à acheter le nécessaire. Si ça continue je vais mendier pour pouvoir continuer à vivre moi et mon fils », s’est-elle écriée. Une autre femme, âgée d’une cinquantaine d’année n’a pas mâché ses mots. Aussitôt approchée, elle s’est laissée emportée par un sentiment de colère envers les autorités qui, selon elle, sont totalement absentes et ont laissé le « pauvre citoyen » entre les mains de « voleurs sans scrupules ». « Je veux savoir ce que font les ministres du Commerce et de l’Agriculture. Ils sont où? pourquoi n’interviennent-ils pas pour mettre fin à cette spéculation? », s’est-elle interrogée avant de poursuivre, «les Algériens sont tous malades. Ils ont tous le diabète et la maladie du cœur, et cela est dû à nos conditions de vie difficiles. Nous n’avons personne pour nous écouter et nous épauler». Pour notre interlocutrice, l’Algérie est un pays qui a tout mais qui manque de l’essentiel, à savoir des responsables sérieux qui travaillent pour l’intérêt du citoyen. Selon elle, les augmentations que connaissent les produits de bases et les pénuries touchent directement les familles de classes moyennes, qui ont du mal à joindre les deux bouts. Parlant de pénurie, un autre sexagénaire rencontré au marché de Belouizdad a dénoncé le comportement de certains commerçants qui vendent les bouteilles de l’huile de table par «piston». « Si vous n’êtes pas leur client habituel, ils vous enverront balader », a-t-il dit. Aussi cette même personne a dénoncé la grève des travailleurs de la poste qui n’a fait qu’aggraver la situation déjà compliquée. « Ça fait des jours que je trimbale sous la pluie de bureaux de postes à d’autres pour encaisser ma retraite mensuelle. Comme si la hausse des prix ne suffisait pas pour nous faire étourdir. C’est juste lamentable comme situation », a-t-il soutenu.
LES COMMERÇANTS S’EN LAVENT LES MAINS
En tout cas, pour les commerçants, ces augmentations de prix ne sont nullement de leurs fautes. «Il faut voir à la source », a lancé un vendeur de légumes qui accuse au passage les marchands de gros de provoquer ces hausses. Pour se justifier, il dira : « nous avons beaucoup de charges, nous payons le transport de notre marchandise, les sacs en plastiques, les impôts et les vendeurs qui travaillent pour nous. Notre marge de bénéfice est quasi minime». « Je vous propose d’aller voir au marché de gros de fruits et légumes situé aux eucalyptus, vous verrez que ce n’est pas à notre niveau », a-t-il ajouté. « Nous sommes toujours pointé du doigts, alors que ce n’est pas de notre faute. Nous aussi, on veut s’approvisionner de plus grosses quantités de marchandise pour gagner plus, mais ces augmentations nous touchent aussi », a déclaré un autre marchand de fruits et légumes. «Par exemple pour la tomate, je n’ai acheté aujourd’hui que 10 kg pour la revendre avec 20da de plus que son prix au lieu de prendre plus de quantité car au niveau du marché de gros elle est chère», a-t-il argué.
LES MARCHÉS DE SOLIDARITÉS INEFFICACES CONTRE LA SPÉCULATION
Ces marchés qui devaient être une alternative aux moyennes et petites bourses durant ce mois de carême, n’ont malheureusement pas joué leur rôle. Alors qu’ils sont quasi introuvables dans la capitale, voire installés à des endroits totalement inconnus, ces marchés de solidarité appelés Aswak Errehma ne font pas la différence. Les prix des produits qui y sont proposés ne sont pas loin de ceux appliqués dans les marchés communs. En outre, les produits proposés ne sont souvent pas ceux qui figurent dans la liste des consommateurs. «C’est de la poudre aux yeux ces marchés, ils nous mentent», a déploré une dame croisé à Ben Omar à Kouba. « Il n’y a pas de différence d’acheter chez eux ou ailleurs, les prix sont quasiment les mêmes », a-t-elle ajouté. Il faut dire, enfin, que les promesses du ministre du secteur, Kamel Rezig, et les engagements qu’il avait pris avant l’arrivée du mois sacré ne sont que des paroles en l’air. Celui-ci semble totalement impuissant face au dictat des spéculateurs qui sont les seuls à imposer leurs règles sur le marché. Face à cela, le citoyen lambda n’a qu’à prendre son mal en patience.
Ania Nait Chalal