Dans une volte-face diplomatique qui a pris la scène internationale par surprise, la Grande-Bretagne, l’Australie et le Canada ont annoncé hier la reconnaissance officielle de l’État palestinien.
Les déclarations, révélées à l’ouverture de la 80e session de l’Assemblée générale des Nations unies, ont été présentées par leurs auteurs comme des gestes « historiques » destinés à relancer la perspective d’une solution à deux États. À Londres, le Premier ministre Keir Starmer a qualifié la décision de « pas vers une paix réelle ». À Canberra, Anthony Albanese a expliqué que la reconnaissance s’inscrit dans une stratégie visant à réveiller l’élan vers un cessez-le-feu à Ghaza et la libération des détenus. Ottawa, pour sa part, affirme vouloir construire « un avenir pacifique et prometteur » pour les deux États. Mais ces annonces, qui viennent s’ajouter aux quelque trois quarts des États membres des Nations unies ayant déjà reconnu l’État palestinien, se heurtent à une objection lourde de sens : tant qu’elles restent purement symboliques — sans mesures coercitives comme un embargo militaire, la suspension d’accords commerciaux ou l’isolement diplomatique de l’entité sioniste — elles n’allègent en rien la réalité meurtrière qui pèse sur les populations de Ghaza. Les bombes continuent de tomber, la famine s’installe et la désolation demeure quotidienne pour des milliers d’enfants et de familles.
Critiques et méfiances
Dans plusieurs capitales, ces gestes sont perçus comme une manière de recoudre, symboliquement, un consensus international fragilisé par l’inaction sur le terrain. Des voix critiques rappellent que de nombreux gouvernements européens ont voté à plusieurs reprises contre toute forme de sanction réelle visant l’entité sioniste et refusé une aide directe susceptible de protéger les civils de Ghaza. Pour ces observateurs, la reconnaissance sans contrainte est un «pansement politique» qui n’arrête ni les bombardements ni le siège. Le constat est d’autant plus amer que, selon des acteurs palestiniens et des analystes, certaines élites politiques et diplomatiques palestiniennes ont été amenées, parfois, à accepter un double langage : réclamer la reconnaissance comme victoire tout en renonçant à exiger — ou à obtenir — des mesures concrètes qui mettraient fin à l’impunité. Pour beaucoup d’habitants de Ghaza, la proclamation d’un État loin des frontières concrètes reste une promesse sans portée lorsqu’elle ne s’accompagne pas d’un bouclier réel contre l’extermination et la dépossession.
Reconnaissance instrumentalisée ?
Plusieurs extraits de la scène diplomatique internationale montrent que la reconnaissance est utilisée comme levier politique : un prix à payer, selon certains, pour réduire la pression occidentale sur les gouvernements qui soutiennent l’entité sioniste — un troc d’effets d’annonce contre le maintien du statu quo militaire.
Le récit est cruel : alors que la population de Ghaza subit bombardements et famine, des États distants prennent acte d’un État palestinien « symbolique » qui, dans les faits, ne modifie pas la vie quotidienne des Palestiniens sur le terrain. Le pape et d’autres instances religieuses ont exprimé leur compassion et appelé à la paix, rappelant qu’aucun avenir ne peut se bâtir « sur le bannissement, la vengeance et le sang ». Mais les appels moraux, sans contrainte politique et économique, semblent insuffisants pour changer la dynamique qui poursuit la dévastation à Ghaza.
L’histoire pourrait retenir la multiplication des reconnaissances comme un tournant diplomatique majeur. En l’état, cependant, et tant que les gestes restent dépourvus de mécanismes contraignants à l’encontre de l’entité sioniste, ils risquent de rester des signes vides — utiles aux appareils diplomatiques et aux élites politiques qui les célèbrent, mais incapables de stopper l’hémorragie humaine à Ghaza.
Pour transformer la symbolique en effet réel, il faudra que la reconnaissance soit le prélude à des actes qui protègent, punissent l’impunité et ouvrent des voies concrètes vers la justice et la vie pour les Palestiniens.
M. Seghilani
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