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Karabakh : Quand la tornade «Smertch» s’abat

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«Smertch», ou tornade en russe : terriblement évocateur, ce nom revient comme un leitmotiv dans les rues de Stepanakert, la capitale de la République auto-proclamée du Nagorny Karabakh, pilonnée par les forces azerbaïdjanaises. Au terme de bombardements particulièrement soutenus dans la nuit de mardi à mercredi, trois habitations accolées ont été entièrement soufflées sur les hauteurs de la ville, à proximité du Parlement local, selon des journalistes de l’AFP. Autour du point d’impact -un cratère de quatre à cinq mètres de large au milieu de ce qui fut apparemment une courette-, les habitations de béton grisâtre de deux étages, dont il ne reste que les murs noyés sous les gravats, sont comme éventrées. Vestige de l’ancien garage sous un appentis, l’épave retournée d’une voiture réduite à l’état de carcasse gît au pied d’un arbre haché menu par la mitraille et les éclats. Coup de chance, les propriétaires étaient absents, réfugiés dans la capitale arménienne Erevan, comme beaucoup des 70.000 à 75.000 déplacés du territoire du Karabakh, environ 50% de la population de l’enclave.

Katiouchas
Pour les témoins et les voisins interrogés sur place, pas de doute ou presque : ce petit cataclysme est l’oeuvre d’une roquette «Smertch», un engin de fabrication soviétique, connu aussi sous l’appellation BM-30. «Il n’y a qu’une roquette Smertch pour faire autant de dégâts», constate d’un air entendu un habitant du coin, Albert Kafaïan, un sexagénaire à la moustache poivre et sel jaunie par les mégots. Même constat pour un policier musculeux, qui débarque tambour battant au volant de sa voiture à gyrophare et aussitôt reparti à la recherche des autres impacts des tirs de la nuit. Interrogé mercredi par l’AFP, un conseiller du ministre des Affaires étrangères du Karabakh, David Babaïan, assure que des salves de «Smertch» ont frappé Stepanakert pendant la nuit, dénonçant la «tactique de terreur» des forces ennemies contre les populations civiles et des zones urbaines. Les autorités séparatistes ont déjà dénoncé à plusieurs reprises l’utilisation de ces «Smertch», ainsi que de «Polonez», un système d’armes similaire mais plus moderne. Ces imposantes fusées de 300 mm de calibre aux allures de missiles, tirées d’un lance-roquettes multiple à dos de camion, ont remplacé dans les années 90 les «Grad» BM-21 plus connues, elles-mêmes héritières des «Katiouchas» ou célèbres «orgues de Staline». S’appuyant sur une vidéo de surveillance largement relayée par des sources arméniennes sur les réseaux sociaux, les indépendantistes arméniens accusent également les forces azerbaïdjanaises d’avoir fait usage de bombes à sous-munitions, interdites depuis 2010 par une convention internationale. L’ONG Amnesty international a de son côté «corroboré» des informations sur l’usage de bombes de ce genre, de fabrication israélienne, sur un quartier d’habitation de Stepanakert.

«Archi-puissant»
A près de 1.000 mètres d’altitude, la ville, située à une vingtaine de kilomètres des lignes de front, est apparemment hors de portée des canons de l’artillerie classique. Roquettes, bombardements aériens, frappes de drones, bombes à fragmentation… dans l’habituel «brouillard de la guerre» -selon l’expression consacrée-, il reste néanmoins difficile d’identifier les multiples engins de mort qui se sont abattus sur Stepanakert et ce qui reste de ses 55.000 habitants, aujourd’hui terrés dans les caves. Une certitude : une dizaine d’imposantes roquettes à ailettes, qui n’ont manifestement pas explosé, sont visibles dans les rues, fichées jusqu’à la garde dans la chaussée. Journalistes et militaires curieux les ont largement photographiées, les rares passants interdisant formellement d’y toucher. Smertch ou autre, ce genre d’engins, «déclinaison hyper-modernisée des fameuses Katiouchas, sont des armes qu’on ne peut ajuster avec précision, archi-puissantes, destinées à détruire tout ce qui bouge sur de vastes surfaces», explique l’expert militaire russe Alexandre Golts. Pour la nuit de mardi à mercredi, la tactique était relativement claire : une salve toutes les heures environ, dont les impacts faisaient trembler le sol. Puis un relatif répit en début de matinée. Avant que les drones, au bourdonnement caractéristique, ne prennent le relais, invisibles dans le ciel gris et bas de la journée. Un ou plusieurs de ces engins aériens ont survolé la ville, tandis que les tirs de DCA et diverses armes automatiques tentaient de les abattre. Au moins quatre explosions ont été entendues dans leur sillage, dont l’une a visé une station électrique du nord de Stepanakert.

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