Sur le plan institutionnel, le combat des femmes a fait beaucoup de progrès. A l’échelle sociétale, il patine. Il aurait suffi d’une simple virée dans les rues de la capitale, pour voir ce mal de vivre des Algériennes.
Dans les moyens de transport ou dans leurs propres véhicules, les Algériennes ont, toujours du mal, à s’émanciper des mœurs d’une société de tous les paradoxes. Lors d’une virée, hier, dans le centre d’Alger, le climat était glacial. A voir le nombre important de femmes, sorties en dépit du froid, se balader, on croirait que ces femmes ne sont plus les victimes de la domination masculine. Mais il suffit de contempler les visages des mecs en train de les déshabiller du regard pour comprendre ce mal de vivre et cette frustration à laquelle on doit quotidiennement faire face. En cette journée mondiale des droits de la femme, la société d’Exploitation des Tramways (SETRAM) et l’Entreprise de Métro d’Alger (EMA) ont décidé d’assurer le transport gratuitement pour les femmes. L’occasion pour elles de profiter de cette journée mondiale pour célébrer leurs droits. Certaines ont voulu aller au Palais des expositions les Pins maritimes. D’autres choisissent d’aller assister à des concerts, d’autres se contentent d’un café. Une chose est sûre, elles n’ont qu’une idée en tète, sortir pour prouver qu’elles existent ! Au tramway, un jeune, à peine âgé d’une vingtaine d’année va commencer à embêter les femmes. « Je veux vous embrasser toutes », criait-il, quand soudain les agents de sécurité l’ont rappelé à l’ordre. Cependant, il n’a pas manqué à lancer des discours haineux envers les femmes. Au métro d’Alger, la sécurité est bien plus importante. Les femmes sont invitées par les agents de sécurité à passer gratuitement, ce qui a engendré des grincements de dents de la part de certains hommes, qui lançaient, « c’est le pays des femmes. Le pouvoir est aux femmes dans ce bled » ! À Alger centre, devant un cortège féminin, les hommes semblent, plus qu’à l’accoutumée, tenir les murs. Ils vendent des fleurs, des cacahuètes, ou, tout simplement, tiennent les murs en train de regarder les passantes. Vers les coups de midi, ce sont les couples qui flânent aux devantures des boutiques, mais, vers 14h, l’affluence se transforme peu à peu en raz-de-marée. Les voitures peinent à passer dans une rue à Alger centre devenue quasi piétonne. Aussi, à la rue Didouche Mourad, le scénario est quasi le même, devant l’entrée au cinéma l’Algeria, où une foule humaine s’est réunie afin d’essayer d’acheter un ticket. Un peu plus loin un fleuriste, affairé à préparer des bouquets, ne prendra pas le temps de nous répondre. Normal, il est un des rares vendeurs de « vraies fleurs » du boulevard. Une dame, attirée par un rassemblement devant un fleuriste, près du Sacré-Cœur repart, déçue. « Ce sont des fausses ! » Les magasins de bijoux, attrayants par les vitrines, restent néanmoins peu fréquentés. En revanche, les magasins de l’électroménager connaissent une forte affluence.
Les couples viennent repérer, l’œil expert de ces dames aidant, le prochain achat pour le foyer. Nous nous sommes rapprochés de Wajdi pour connaître sa vision quant à cette journée internationale des droits de la femme. Celui-ci nous lancera que c’est des « hypocrites ». « Ils attendent le 8 mars pour offrir des fleurs.
Ça devient commercial », a-t-il déploré. « Le prix des fleurs n’est pas donné. Profitant de l’événement, les vendeurs ont augmenté les prix des fleurs qui ont doublé en l’espace de vingt-quatre heures », signale Wajdi. Pour sa part, Djouher, a regretté que « cette journée ne se fête pas à sa juste valeur ». « Il y a toujours des inégalités au travail, des harcèlements sexuels, la femme est toujours persécutée dans nos rues, elle est encore victime des préjugés », rappelle-telle tout en signalant que « cette journée ne doit pas être fêtée uniquement en offrant à une femme des fleurs, ou en lui permettant de sortir pour une seule journée ». « C’est une journée qui devrait nos rappeler nos combats pour décrocher nos droits », a rajouté Djouher.Pour elle, comme chaque année, les filles d’Eve n’ont droit qu’à un modeste billet flatteur du genre, un bouquet de fleurs, quelques menus cadeaux et une demi-journée de repos, pour aller ensuite vaquer à leurs éternelles occupations domestiques, sans compter les obligations professionnelles, dès le lendemain, pour celles qui ont la chance de travailler. Aujourd’hui on est le 9 mars, réveillez-vous mesdames. Fini les heures de fête. Retour à la vraie vie pleine de combats et d’injustice … !
Lamia Boufassa