Au sixième jour de l’offensive lancée contre Daech à Mossoul, les affrontements ont fait 46 morts et 133 blessés dans la ville pétrolière de Kirkouk.
Quarante-six personnes, principalement membres des forces de sécurité, ont été tuées dans l’attaque toujours en cours lancée vendredi par des djihadistes du groupe État islamique (EI) dans la ville irakienne de Kirkouk (nord-est), ont indiqué samedi des sources de sécurité et médicale. « Les affrontements avec Daech ont fait 46 morts et 133 blessés, pour la plupart des membres des services de sécurité », a déclaré à l’Agence France-Presse un responsable militaire du ministère irakien de l’Intérieur, utilisant un acronyme en arabe de l’organisation ultraradicale. Ce bilan a été confirmé de source médicale à Kirkouk. Vendredi, quinze femmes avaient été tuées dans un raid aérien qui a visé un lieu de culte chiite, ont indiqué des responsables locaux et de santé. « Quinze femmes ont été tuées et cinquante autres blessées dans un raid qui a visé un lieu de culte chiite où se déroulait une cérémonie religieuse à Dakouk », à 50 kilomètres au sud de Kirkouk, a affirmé le chef du conseil local, Amir Houda Karam, précisant que le raid avait eu lieu vers 17 heures. Abbas Moustafa Daqouqi, médecin à l’hôpital de Dakouk, a confirmé ce bilan.
Un journaliste irakien tué
Par ailleurs, un journaliste irakien a été tué vendredi par un tireur embusqué de l’organisation État islamique alors qu’il couvrait les affrontements entre des djihadistes et les forces de sécurité irakiennes à Kirkouk, dans le nord du pays, ont indiqué des sources policières. « Le journaliste Ahmed Hajer Oglu, de la télévision turkmène Ili, a été mortellement touché par les tirs d’un tireur embusqué de l’EI alors qu’il couvrait les événements à Kirkouk », a affirmé à l’Agence France-Presse un colonel de la police irakienne.
Plus tôt vendredi, au moins 22 personnes y ont été tuées dans des combats et des attentats-suicides, qui ont commencé dans la nuit. Kirkouk a ainsi été le théâtre de scènes de guérilla urbaine qui ont contraint les responsables locaux à décréter un couvre-feu total dans cette ville multiethnique où cohabitent plusieurs communautés religieuses et située à un peu plus de 150 km au sud-est de Mossoul dans une région pétrolière. Un correspondant de l’Agence France-Presse a notamment indiqué avoir vu neuf djihadistes, « vêtus à l’Afghane », portant grenades et fusils, dans une rue du quartier d’Adan. Des témoins ont entendu des explosions et des tirs toute la matinée alors que des télévisions locales ont montré des images d’affrontements dans plusieurs quartiers. « Au moment de la prière du matin, j’ai vu des djihadistes entrer dans la mosquée Al-Mohammadi », a indiqué Haidar Abdel Hussein, un enseignant qui vit dans le quartier de Tesaeen. Ils ont utilisé les haut-parleurs pour crier Allah Akbar (Dieu est le plus grand) et Dawlat al-Islam baqiya (L’EI vaincra), a-t-il ajouté.
Cellules dormantes
Le gouverneur de la province de Kirkouk, Najmeddin Karim, a dit à l’Agence France-Presse qu’il soupçonnait que des cellules dormantes de l’EI à Kirkouk avaient été activées. Les assaillants ne semblaient pas disposer de véhicules ou d’équipements lourds. « Nous travaillons sans relâche pour éliminer ces cellules terroristes d’ici la fin de la journée », a indiqué à l’Agence France-Presse le colonel Arkan Hamed, de la police provinciale. « Seule la présence de snipers nous empêche d’en finir tout de suite. » Amaq, l’agence de propagande de l’EI, a de son côté affirmé que des djihadistes « attaquaient Kirkouk à partir de tous les axes et contrôlaient presque la moitié de la ville », mais des témoins et des responsables ont indiqué que ces allégations étaient exagérées. Dans un communiqué, Amaq a en outre revendiqué une série d’attentats suicide à Kirkouk et dans sa région. Selon des responsables, au moins cinq kamikazes ont visé dans la nuit plusieurs bâtiments gouvernementaux de Kirkouk, où au moins six policiers irakiens ont été tués. Le quartier général de la police a notamment été visé.
Quatre Iraniens tués
Une centrale électrique en chantier située dans la province du même nom a également été attaquée et au moins 16 personnes y ont perdu la vie. À l’aube, 3 kamikazes ont fait irruption dans cette infrastructure à Dibis, à 40 km au nord-ouest de Kirkouk en allant vers Mossoul, et tué 12 employés irakiens et 4 techniciens iraniens, a indiqué à l’Agence France-Presse le maire de la localité, Abdallah Noureddine al-Salehi. La police a confirmé ce bilan. C’est une société iranienne qui menait le chantier sur la centrale. Un porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a confirmé la mort de quatre de ses ressortissants, selon l’agence de presse officielle Irna. D’après le maire de Dibis, l’attaque a donné lieu à des affrontements entre les forces de sécurité et les kamikazes, dont un a été tué avant de pouvoir se faire exploser. Alors que l’EI se prépare à défendre Mossoul, la ville où son chef Abou Bakr al-Baghdadi a déclaré en 2014 un « califat » sur les territoires conquis en Irak et en Syrie, il ne semble pas en mesure de lancer des contre-offensives terrestres d’envergure, comme il a pu le faire dans un passé récent. « Mais ils vont de plus en plus avoir recours aux attaques terroristes et revenir à la tactique d’une organisation purement insurrectionnelle », prévient David Witty, un analyste et ancien officier dans les forces spéciales américaines.
10 000 peshmergas
Au cinquième jour de la grande offensive pour reprendre Mossoul, opération qui implique des milliers de membres des forces de sécurité et qui dispose du soutien de la coalition internationale anti-djihadistes conduite par les États-Unis, les forces irakiennes continuaient de gagner du terrain. La ville majoritairement chrétienne de Bartalla, où les forces de sécurité ont gagné du terrain, n’est qu’à une dizaine de kilomètres à l’est de Mossoul. Les forces kurdes, qui contrôlent Kirkouk, jouent un rôle dans cette offensive. « Près de 10 000 peshmergas sont impliqués dans cette opération », a indiqué le commandement des combattants kurdes dans un communiqué. Au sud, les forces irakiennes remontent par la vallée du Tigre, le grand fleuve qui arrose Mossoul, reprenant village après village sans rencontrer un grand nombre de civils en fuite. Selon les Nations unies, seulement 5 640 déplacés ont été comptabilisés durant les trois premiers jours de l’offensive sur Mossoul, mais l’ONU s’attend à ce que « le nombre de personnes vulnérables tentant de se déplacer vers des zones sûres augmente à mesure que les combats se rapprochent des zones urbaines ».
La communauté internationale s’inquiète notamment du sort de quelque 1,5 million de civils piégés à Mossoul, où entre 3 000 et 4 500 djihadistes seraient retranchés et pourraient s’en servir comme boucliers humains.