À Vienne, capitale de l’Autriche, un événement inédit vient de marquer un tournant dans le paysage politique et intellectuel international : la tenue du premier congrès fondateur de Juifs antisionistes. Rassemblant penseurs, militants et intellectuels venus de plusieurs pays, cette rencontre historique se veut une réponse directe au congrès sioniste de Bâle en 1897, considéré par les organisateurs comme le point de départ du projet colonial en Palestine.
Leur objectif est de réécrire l’histoire à partir du moment où la création de l’entité sioniste a été légitimée, et œuvrer pour le démantèlement d’un régime qu’ils qualifient d’apartheid et de génocidaire. Les organisateurs affirment que le sionisme, loin d’être l’expression du judaïsme, en constitue une trahison. Selon eux, l’entité coloniale imposée en Palestine au nom du peuple juif ne fait que prolonger une logique de violence et de dépossession. Pour Dalia Sarig, une militante présente au congrès, il est temps de rompre avec cette appropriation identitaire : « Nous ne voulons plus qu’ils parlent en notre nom. Nous voulons une véritable alternative juive antisioniste, rassemblant toutes celles et ceux prêts à se consacrer à la libération de la Palestine et à la justice pour son peuple. » L’une des voix marquantes de ce rassemblement fut celle de Chaim Breshet Zabner, professeur à l’Université de Londres, qui voit dans le sionisme un péril régional majeur : « Tant que cette idéologie existera, aucun peuple n’est en sécurité, ni les Arabes ni les musulmans. Le sionisme attaque l’Iran aujourd’hui, demain ce sera l’Irak, il bombarde le Yémen, a détruit le Liban Sud à plusieurs reprises, et menace désormais le Soudan et l’Égypte. » Pour lui, l’existence même du sionisme est incompatible avec la stabilité au Moyen-Orient. À rebours de l’idéologie dominante en Israël, le congrès a défendu une vision alternative de la coexistence sur la terre de Palestine : un seul État, démocratique, pour tous ses habitants, sans distinction de religion ou d’origine. Cette perspective, soutenue notamment par l’historien israélien Ilan Pappé, auteur du livre Le nettoyage ethnique de la Palestine, s’inscrit dans une tradition historique d’harmonie entre juifs, musulmans et chrétiens. Selon lui, il est encore possible de reconstruire ce modèle dans le cadre d’un État qui ferait partie intégrante du monde arabe et de la civilisation islamique : « Ce n’est pas une utopie lointaine. Aucun système fondé sur l’oppression, le nettoyage ethnique, l’apartheid ou même le génocide ne peut perdurer indéfiniment. » À l’issue de trois jours de débats intenses, les participants ont décidé de poursuivre cette dynamique en organisant un second congrès dans les plus brefs délais. Ils ont également exprimé leur volonté d’élargir la participation à d’autres associations et communautés juives à travers le monde, notamment en Amérique du Nord, qui abrite aujourd’hui la plus grande diaspora juive. Leur ambition est claire : constituer un front mondial de juifs opposés au sionisme, capable de remettre en cause l’hégémonie idéologique qui lie indûment judaïsme et colonialisme. Par cette initiative, ces intellectuels et militants juifs entendent libérer la mémoire collective juive du joug d’un projet colonial, et réaffirmer que l’opposition à l’occupation, à l’apartheid et à la dépossession du peuple palestinien ne relève ni de la trahison ni de l’antisémitisme, mais bien d’un acte de justice. Ce congrès antisioniste, en redonnant la parole à des voix longtemps marginalisées, ouvre une nouvelle page dans la lutte pour la Palestine et dans la redéfinition du judaïsme contemporain hors du carcan sioniste.
M. Seghilani
