Sur le papier, tout porte à croire que Hillary Clinton s’installera à la Maison Blanche en janvier pour succéder à Barack Obama. Mais plusieurs facteurs incitent à la prudence.
« Faux, faux, faux. Jusqu’à la fin, nous avons tout faux », rappelait cette semaine le New York Times dans un article revenant sur la fulgurante victoire de Donald Trump lors des primaires républicaines, qui ont vu journalistes et analystes manger leur chapeau. Tour d’horizon des raisons objectives pour lesquelles l’ancienne secrétaire d’Etat peut espérer devenir la première femme présidente des Etats-Unis. Mais aussi de réels points d’interrogation qui pèsent sur l’élection présidentielle du 8 novembre.
Sondages favorables à Clinton, dans la durée
Le dernier sondage CNN/ORC donne à la candidate démocrate une avance confortable (54%/41%) sur son rival républicain, l’écart le plus important depuis juillet.
Sur les 10 mois écoulés, la moyenne calculée par le site RealClearPolitics place systématiquement l’ancienne secrétaire d’Etat en tête face à l’homme d’affaires. Mais la campagne entre dans une autre phase.
Avec pour Hillary Clinton, un défi: comment trouver le ton juste face à un rival qui se joue des codes politiques, affuble ses opposants de surnoms péjoratifs (« Hillary la malhonnête ») et relaie des rumeurs sur diverses théories du complot ? Quand répondre au coup par coup ? Quand ironiser ? Quand prendre de la hauteur ?
Selon un récent sondage WSJ/NBC, deux tiers des électeurs ont une opinion défavorable du milliardaire. Si les chiffres de l’ex-Première dame sont moins catastrophiques, ils sont néanmoins peu flatteurs. « Elle est presque aussi impopulaire que lui. Dans ce climat, il pourrait faire changer les gens d’avis. Je pense qu’il a une chance sur trois de gagner », souligne Henry Olsen, du centre de réflexion conservateur Ethics and Public Policy Center.
Le scrutin de novembre pourrait se résumer à voter par rejet du candidat de l’autre parti plutôt que par adhésion pour le sien. Une équation qui rend les prédictions particulièrement hasardeuses.
Avantage Clinton chez les hispaniques et les femmes
Avec ses remarques sur les Mexicains « violeurs » et ses propos sexistes, Donald Trump s’est aliéné des pans entiers de l’électorat. Les chiffres sont sans ambiguïté.
Selon l’institut Latino Decisions, 87% des électeurs latinos ont une image négative de M. Trump. Selon Gallup, 7 femmes sur 10 ont du milliardaire une image défavorable. Les démocrates ont bien l’intention de pousser leur avantage sur ce point durant la campagne.
Un parti républicain déchiré
Les réserves, ou le silence, de nombre de ténors républicains sur le candidat Trump montrent combien le rassemblement du Grand Old Party derrière l’extravagant magnat de l’immobilier sera difficile. Au-delà des divisions politiques, la stratégie solitaire de M. Trump pourrait lui coûter très cher. Auteur d’un livre sur les techniques de marketing permettant de cibler les électeurs avec une précision chirurgicale, Eitan Hersh, de l’université de Yale, pointe les faiblesses du milliardaire. « Trump n’a pas montré un réel appétit pour le microciblage. Et, facteur aggravant, il ne joue pas en équipe », relève-t-il, soulignant l’avantage des démocrates avec la mise en commun de précieuses bases de données grâce aux structures locales du parti, aux élus ou encore aux syndicats. Reste que dans le camp démocrate, la ténacité du sénateur du Vermont Bernie Sanders et sa volonté de maintenir jusqu’à la convention de Philadelphie suscitent des interrogations sur le report des voix sur Mme Clinton.
La carte des grands électeurs favorable à Clinton
Le mode de scrutin présidentiel américain est singulier: chacun des 50 Etats accorde des grands électeurs en fonction du vote de ses habitants, et un candidat doit en obtenir une majorité (270) pour être élu président. L’analyse de la carte des Etats-Unis est, à ce jour, largement favorable à Hillary Clinton.
Le plus sûr chemin vers la victoire pour M. Trump passe par la reconquête des Etats de la « Rust Belt » (« ceinture de rouille »), zone de développement historique des industries lourdes s’étendant de Chicago au Nord-Est des Etats-Unis.
Cinq Etats, tous remportés par Barack Obama en 2008 comme en 2012, sont dans le viseur: Ohio, Iowa, Michigan, Pennsylvanie et Wisconsin. M. Trump doit espérer mobiliser fortement un électorat blanc de classe moyenne, sensible à son discours. Mais Larry Sabato, de l’Université de Virginie, rejette l’argument selon lequel il y aurait « des millions d’ouvriers blancs qui ne votent pas républicain d’habitude et qui vont soudain se déplacer pour Trump ». « Où sont les preuves tangibles de cette idée extravagante? », interroge-t-il.