Au moment ou la flambée des prix de beaucoup de produits de large consommation est en train de s’aggraver en étant accompagnée d’une crise d’huile de table volontairement provoquée, les différents intervenants du secteur du commerce se contentent de s’échanger les accusations. Alors que chaque partie tente de s’en laver les mains, face à un ministère visiblement impuissant, le citoyen est le seul, en tout cas, à en payer les frais.
Mais il est à se demander sérieusement qui est responsable de cette mercuriale en folie, et de cette spéculation qui est en train de prendre de l’ampleur au point de provoquer une vraie psychose chez les ménages. En vérité, ce n’est pas la première fois que cela arrive, c’est devenu même une habitude ou une sorte de rituel à différentes périodes de l’année, notamment à la veille du mois sacré de Ramadhan ou des fêtes religieuses. En effet, en plus d’une hausse de prix non expliquée des produits même subventionnés, l’on provoque même des pénuries comme c’est le cas pour la bouteille d’huile qui depuis un moment manque sur les étals. Rappelons-le, il y a une année, soit en début de la pandémie du Covid-19, le même scénario s’était produit avec la semoule, et avant ça c’était le sucre. Mais pas que, pour certains produits la crise n’a jamais été réglée comme pour le lait en sachet subventionné. Il faut dire qu’au moment ou le citoyen lambda, dont le pouvoir d’achat a été laminé par ces augmentations, attend à ce que la situation soit sérieusement prise en main, les autorités semblent être impuissantes, en se contentant de faire des constatations seulement ou quelques interventions sur le terrain pour débusquer les commerçants qui stockent les marchandises.
Kamel Rezig : « il n y a pas de pénurie d’huile de table »
Pour Kamel Rezig, premier responsable du secteur du Commerce, il n’y a pas de crise d’huile de table en Algérie, et que ce qui se passe actuellement était une forme de spéculation. Réagissant lundi dans un plateau d’une chaîne de télévision privée, il a assuré que les quantités disponibles dépassent les besoins nationaux et suffisent pour une période de trois mois de consommation. Rezig a appelé, à cet effet, les citoyens à ne pas tomber dans le piège des rumeurs relayées notamment sur les réseaux sociaux et faisant état d’une pénurie de ce produit. Il dira, dans le même contexte, que l’Algérie produisait actuellement environ 3000 tonnes d’huile par jour, avant de rappeler que cette histoire de pénurie de l’huile est une répétition du même scénario vécu l’an dernier avec la semoule. «Les rapports que nous avons prouvent l’existence d’une importante réserve d’huile», a-t-il déclaré. Mais seulement voila, au lieu de proposer des solutions concrètes, efficaces et définitives aux réels problèmes de pénuries et d’augmentations de prix, et commencer par trouver un moyen efficace de lutte contre la spéculation, le ministre du Commerce a affirmé que lorsqu’un manque de marchandise est constaté, son département recourra à l’importation!
« Le refus de facturation, principale cause », selon la FNA
De son côté, le président de la Fédération nationale de l’agroalimentaire (FNA) Khaled Belbel a affirmé que la perturbation dans l’approvisionnement en huile de table, constatée sur le marché national était provoquée par les commerçants détaillants refusant de se faire facturer leurs achats auprès des grossistes. Le président de la FNA a expliqué que les commerçants au détail ont causé cette pénurie des huiles de table sur le marché en prétextant la rareté de ces produits au niveau des grossistes et des producteurs. Pour le syndicaliste, la raison réelle de cette perturbation est due au refus de ces commerçants d’appliquer les directives des services du ministère du Commerce instaurant l’obligation de facturation sur toutes les transactions réalisées par tous les acteurs du marché, à tous les niveaux. Ce système de facturation est considéré pénalisant par les commerçants au détail vu que les transactions facturées sont imposables, a souligné Belbel, ajoutant que ces derniers estiment que leur marge bénéficiaire est négligeable s’ils achètent avec des factures ce produit dont le prix est plafonné par l’État. Selon la même source, cette réticence en matière de facturation perdure depuis plusieurs années, soulignant qu’il est difficile aujourd’hui de changer les mentalités.
« Absence d’une stratégie nationale pour la maitrise des prix »
De ce qui est des causes de la flambée inexpliquée et anarchique des prix des produits alimentaires, Hacéne Menouar, président de l’Association El Amen évoque essentiellement une inefficacité de gestion et de maîtrise des services de l’État. Il explique, dans ce sens, qu’il n’a jamais été question en Algérie de stratégie nationale pour maîtriser les prix et réguler le marché des produits alimentaires (agricoles et industriels), ce qui a donné lieu à un désordre et une anarchie imposée par des opérateurs économiques qui ne font qu’à leurs guises. Selon lui, les opérateurs ont profité de la situation sanitaire marquée par la propagation de la pandémie de la COVID-19, et l’augmentation des taxes afin d’imposer leurs prix. Aussi, la non-maîtrise de la chaine de distribution a, elle aussi, accentué le problème, ajoute le président d’El Amen. Il expliquera à ce propos qu’entre le producteur et le consommateur, il y a beaucoup d’intermédiaires qui sont là parce qu’il n y a pas de réseau professionnel de distribution des produits alimentaires.
Ania Nait Chalal