La générale de « Gilgamesh, comme vous en avez jamais entendu parler », un monodrame aux traits existentiels, a été présenté mercredi à Alger, devant un public relativement nombreux, qui a constaté que l’Histoire n’était, en fait, qu’ »un éternel recommencement ».
Accueilli au Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi (TNA), le spectacle a été mis en scène depuis Londres, par l’Irako-Néerlandais, Rassoul Essaghir, sur un texte de Saïd Nadji, tiré de l’ »Epopée de Gilgamesh », récit épique de la Mésopotamie antique (plaine alluviale du Tigre et de l’Euphrate, dans l’actuel Irak), que Abderrezak Rebiaï a revu et travaillé avec minutie, de manière à pousser encore les limites de la langue et gagner de nouveaux espaces d’expression. Personnage héroïque de la Mésopotamie antique, perçu comme le dieu des Enfers dans la mythologie mésopotamienne, Gilgamesh est le Roi de la cité d’Uruk où il aurait régné vers 2650 av. J.-C. Il est le personnage principal de plusieurs récits épiques, dont le plus célèbre, l' »Epopée de Gilgamesh » qui a rencontré un grand succès durant la haute Antiquité. Traitant, à l’origine de la condition humaine et ses limites, ainsi que de la vie, la mort et l’amitié, entre autres, ce récit épique aux enseignements riches, a été brillamment adapté à la réalité d’aujourd’hui à travers des projections et des allusions sur le monde d’aujourd’hui établissant ainsi, la cyclicité de l’Histoire sur la vie de l’Homme. Prodigieusement rendu par , Halim Zeriby, le personnage de Gilgamesh, vêtu de vieux accoutrements, a intelligemment évolué sur le fil de deux temporalités, une antique, du temps des souverains régnants qui ont la faveur des dieux, et l’autre contemporaine, par le poste radio qu’il portait, avec une voix anonyme qui orientait et dirigeait les moindres faits et gestes de ses récepteurs. Gilgamesh, serait donc venu des temps anciens, pour dire aux actuels locataires de la terre, que la faveur des dieux d’antan, pourrait être ces lobbies médiatiques qui règnent aujourd’hui en maîtres absolus sur le monde, portant haut et fort, la voix de la mondialisation et autres systèmes destinés à contraindre les individus et les peuples à la soumission. « L’adversité et l’éternelle dualité entre le bien et le mal, n’ont, en fait, jamais cessé d’exister et ce monodrame aux contours existentialistes le montre si bien », a commenté un des spectateurs présents.
En présence de la ministre de la Culture et des Arts, Soraya Mouloudji, le public a été tenu en haleine durant près de 50 mn, pour assister à la fin à l’ultime entrée sur scène de Halim Zeriby, en tenue d’infirmier, s’adressant au public pour jeter le discrédit sur ce personnage venu du bout de l’histoire pour mettre en garde l’humanité, contre cet ordre établi, aux desseins malveillants, qui traverse les siècles en se renouvelant à chaque époque.
Sur une scène quasi vide, à la scénographie minimaliste, œuvre de Ali El-Hezati, le monodrame s’est suffi à quelques accessoires judicieusement utilisés dans différentes situations, ce qui a mis, en toute évidence, en valeur la teneur et la densité du texte. Dans un jeu époustouflant, le comédien a occupé tous les espaces de la scène et même au-delà, promenant, par moments, son personnage au milieu du public, dans une belle harmonie d’interprétation, entre la déclamation du texte, les intonations données à chaque passage et la gestuelle et le mouvement du corps. La bande son, signée Mohamed Zami, aux partitions inscrites dans le registre de la musique d’épopée, a créé de belles atmosphères, adéquates aux différentes situations de la trame nourrie d’extraits du texte originel, reliés par de belles transitions.
à l’issue de la prestation, le public a longtemps applaudi Halim Zeriby qui a livré une prestation pleine et réussi à porter un texte dense, aux exigences aigües. Produit par la coopérative culturelle « Assatir », le monodrame « Gilgamesh, comme vous en avez jamais entendu parler » est reconduit jeudi et vendredi au TNA.