À Ghaza, l’aide humanitaire tue. Derrière l’apparente neutralité des centres de distribution opérés par le Global Humanitarian Fund (GHF), un système militarisé d’une brutalité glaçante s’est mis en place, révélant l’implication directe de mercenaires américains dans ce que des experts qualifient désormais de génocide orchestré. Une série de témoignages, de rapports internationaux et d’enquêtes de terrain pointe la responsabilité des États-Unis non seulement comme complices, mais comme co-acteurs d’un dispositif de famine et de répression à grande échelle. Depuis plusieurs mois, la GHF, entité financée en partie par des fonds publics américains et soutenue par Israël, a pris le relais des agences de l’ONU à Ghaza. Présentée comme une réponse humanitaire à l’effondrement humanitaire de l’enclave assiégée, cette structure s’est transformée en outil de contrôle militaire déguisé, administré par des sociétés de sécurité privées américaines comme UG Solutions. Selon une enquête du site Responsible Statecraft et des témoignages recueillis par Democracy Now!, ces centres, supposés nourrir une population affamée, sont devenus des zones de mort : plus de 1 000 civils palestiniens y ont été tués depuis le mois de mai, souvent abattus à bout portant alors qu’ils tentaient d’accéder à un sac de farine ou une boîte de conserve.
Les mercenaires d’UG Solutions : les Blackwater de Ghaza
Parmi les révélations les plus alarmantes figure le témoignage d’Anthony Aguilar, ex-lieutenant-colonel des forces spéciales américaines, engagé comme contractuel par UG Solutions. Il affirme avoir vu de ses propres yeux des agents américains et des soldats israéliens ouvrir le feu sur des femmes et des enfants désarmés. « Ce qui se passe à Ghaza n’est pas une mission humanitaire, c’est un génocide. Et les États-Unis y participent activement », déclare-t-il. UG Solutions, opérant sans mandat officiel, sans rattachement militaire clair, pour un client étranger non identifié, répond à la définition internationale du mercenariat, selon les critères de l’ONU. L’enquête la compare à une « nouvelle Blackwater », cette entreprise tristement célèbre pour ses crimes en Irak. Le constat est implacable : la faim est utilisée comme arme de guerre. Selon Human Rights Watch, Israël et ses partenaires — dont les contractuels américains — ont mis en place une «architecture militaro-humanitaire viciée» à Ghaza, dans laquelle l’aide est non seulement bloquée, mais transformée en instrument de sélection, de punition, voire d’exécution. En parallèle, les largages d’aide par voie aérienne se multiplient — France, Allemagne, Jordanie, Égypte, Émirats arabes unis — mais sont largement inefficaces. L’UNRWA alerte : ils sont 100 fois plus coûteux qu’un acheminement terrestre, et ne couvrent qu’une infime partie des besoins. « Ce ne sont pas des distributions de nourriture, ce sont des exécutions publiques organisées sous bannière humanitaire », commente un responsable d’ONG resté anonyme pour sa sécurité.
Une complicité indéniable
Le scandale gagne désormais Washington. Une vingtaine de sénateurs, dont Chris Van Hollen, ont saisi le secrétaire d’État Marco Rubio pour exiger la suspension immédiate du financement de la GHF. Ils dénoncent des centres d’aide transformés en « pièges mortels », où les contribuables américains financent indirectement des massacres. Pendant ce temps, le bilan humain continue de s’alourdir. Le ministère de la Santé de Ghaza recense plus de 60 000 morts, dont des centaines de personnes mortes de faim, et 1 373 tués depuis fin mai en tentant d’accéder à l’aide. Le Bureau des médias gouvernemental de Ghaza parle d’une “ingénierie du chaos et de la famine” organisée méthodiquement pour détruire les mécanismes de survie. « Ce sont mes enfants qui m’ont poussé à sortir sous les balles », témoigne Khaled Mouhissen, père de famille. « J’ai vu la mort en face, des gens tombant un à un pour une boîte de haricots ».
Une guerre privatisée, une impunité totale
Ce que révèle cette enquête, au-delà des chiffres, c’est une mutation profonde du rôle de l’aide humanitaire dans les conflits modernes. Des sociétés militaires privées — opérant en toute opacité — infiltrent désormais les dispositifs d’assistance, les transformant en instruments de guerre. Avec l’aval tacite, voire le financement actif, des grandes puissances occidentales. L’humanitaire n’est plus un bouclier. À Ghaza, il est devenu une arme. À l’heure où le monde observe passivement le martyre de Ghaza, une vérité dérangeante s’impose : la famine n’est pas un dommage collatéral. Elle est planifiée, instrumentalisée, ciblée. Et derrière chaque balle tirée sur un civil affamé, il y a un silence occidental, un budget voté, une entreprise bien cotée. Ghaza n’est plus seulement une catastrophe humanitaire. C’est un crime de guerre globalisé, maquillé sous la logistique d’un convoi de vivres.
M. S.