Le gel des importations des viandes rouges, décidé par les pouvoirs publics, depuis le 4ème trimestre 2020, permettra à l’Algérie d’économiser plus de 200 millions de dollars par an, selon un haut responsable au ministère du Commerce.
«Notre département, en coordination avec les ministères des Finances et de l’Agriculture, a décidé de geler les importations des viandes rouges fraîches et congelées qui ne cessent d’augmenter d’une année à l’autre malgré la disponibilité du produit local », a expliqué le Directeur général du Commerce extérieur au ministère du Commerce, Khaled Bouchelaghem. « Cette décision, a-t-il poursuivi, rentre dans le cadre de la rationalisation des importations ainsi que l’encouragement des produits locaux et répond, par la même occasion, aux attentes des éleveurs et des engraisseurs qui se sentaient concurrencés par les produits importés ». Dans le même contexte, Bouchelaghem a affirmé que l’Algérie, à l’instar de tous les pays, dispose d’outils juridiques lui permettant de prendre des « mesures protectionnistes provisoires » pour réduire son déficit commercial ou pour protéger les producteurs nationaux lorsque ces derniers se sentent menacés par les concurrents étrangers. Selon les chiffres communiqués par ce responsable, les importations du pays en viandes rouges bovines avaient atteint 122 millions de dollars rien que pour les dix premiers mois de l’année 2020, dont 67,5millions de dollars en viande fraîche et 54,5 millions de dollars en congelée. Il a fait constater qu’il y avait une tendance haussière de ces importations malgré la disponibilité du produit local, « ce qui va à l’encontre de l’économie nationale ». Ainsi, en 2019, a-t-il indiqué, les importations avaient atteint une valeur de 210 millions de dollars (135 millions pour les viandes fraîches et 75 millions pour les viandes congelées), contre 186 millions de dollars en 2018 (104,6 millions de viandes fraîches et 81,4 millions pour les viandes congelées). En revanche, les opérations d’importation du bovin sur pied sont toujours autorisées pour approvisionner le marché en viandes rouges, a-t-il précisé, expliquant que cela est de loin « plus rentable » que l’importation des produits finaux. « L’importation de bovins destinés à l’abattage permet en effet la création d’emplois directs et indirects autour de cette activité », a-t-il fait valoir. Mettant en avant ses avantages, il a affirmé que l’introduction de bêtes vivantes contribuerait à augmenter la cadence du travail au niveau des abattoirs et des boucheries et d’approvisionner le marché en viandes fraîches, de fournir l’industrie de la transformation des viandes en matière première, ce qui devrait également élargir le réseau de distribution et générer des emplois supplémentaires. Mais en contrepartie de ce gel des importations au profit de la filière, ce responsable appelle les opérateurs à faire preuve de « patriotisme économique » en contribuant à la protection du pouvoir d’achat et à la sécurisation du marché des viandes.
Des marges bénéficiaires prédéfinies pour réguler les prix
Abondant dans le même sens, la chargée d’étude auprès du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, Sabrina Ichou, a insisté sur la nécessité pour les acteurs de la filière de s’organiser pour rendre les prix plus abordables. « Les associations interprofessionnelles doivent s’entendre, y compris sur les marges bénéficiaires à travers des contrats prédéfinis afin de réguler les prix des viandes qui restent excessifs malgré une production conséquente qui dépasse 5 millions de quintaux par an », a-t-elle jugé. Pour Ichou, toutes les conditions sont réunies pour booster la filière et développer la chaîne de distribution à travers le pays. Elle a cité notamment les trois complexes d’abattage établis dans les régions steppiques des Hauts plateaux à savoir le complexe de Bouktob (El-Bayadh), de Hassi Bahbah (Djelfa) et celui d’Aïn M’lila (Oum El- Bouaghi). Selon ses explications, l’implantation de ces complexes d’abattage au niveau de ces zones était bien réfléchie, du fait qu’elles soient accessibles aux éleveurs et aux maquignons qui vendent le bétail sur pied pour l’approvisionnement des abattoirs. « En plus d’une chaîne d’abattage mixte ovine et bovine, ces infrastructures réalisées aux normes HACCP, sont dotées des entrepôts frigorifiques, des tunnels de congélation et même de parcs pour accueillir les animaux vivants en cas de sécheresse » a-t-elle fait savoir. Cette même responsable en charge du dossier viandes rouges au niveau du ministère de l’Agriculture assure que l’existence de telles infrastructures sécurise d’abord les éleveurs en leur évitant de brader leurs cheptels lors des aléas climatiques qui affectent énormément la production végétale et les pâturages pour les bétails. Ces complexes d’abattage permettent par ailleurs de booster la filière notamment avec l’interdiction des importations des viandes fraîches et congelées et l’encouragement des activités de l’élevage et de l’engraissement du bétail dans ces régions pastorales. « Cela devra optimiser le rendement de ces abattoirs en les faisant tourner à leur pleine capacité tout en faisant gagner les intervenants de la chaîne (éleveurs, engraisseurs, bouchers, chaîne de distribution », a-t-elle souligné. L’Algérie produit annuellement plus de 5,3 millions de quintaux de viandes rouges, selon les données recueillies par l’APS auprès de la sous-directrice chargée du développement des filières animales du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, Leïla Toumi. « L’ovin représente 60 % de la production nationale en viande rouge et le bovin 30 %, le reste, soit 10%, c’est la viande caprine et caméline », a précisé Toumi. Concernant le nombre d’éleveurs ovins, il a atteint 230 000, a-t-elle indiqué, en se référant aux statistiques de 2020 de la Chambre nationale d’agriculture. Quant au nombre d’éleveurs bovins, il se chiffre à 72 000 éleveurs activant dans la production laitière et l’engraissement des veaux destinés à l’abattage.
H. M.