Plongé dans une des crises les plus graves de son histoire, le Gabon, réputé pour sa stabilité dans une Afrique centrale souvent troublée, doit trouver une porte de sortie.
Plusieurs scénarios sont possibles, de l’optimiste – tout le monde accepte le verdict du juge constitutionnel – au plus sombre – le pourrissement de la situation, périlleux pour la paix civile.
LA VOIE CONSTITUTIONNELLE
C’est la solution voulue par la communauté internationale, puisque le président sortant Ali Bongo Ondimba a définitivement fermé la porte à un recomptage des voix avant la saisine de la cour. Inversement, l’opposition réclame ce recomptage en préalable à la saisine de la Cour constitutionnelle pour le contentieux électoral.
La date limite du dépôt des recours, fixée par la Constitution, est jeudi 16H00 (15H00 GMT). M. Bongo a confirmé mercredi qu’il déposera des recours contre son rival, Jean Ping. Ce dernier n’avait pas fait connaître sa décision mercredi matin. Nombre de ses partisans sont hostiles à la saisine de la Cour, la jugeant totalement inféodée à la présidence. Pour la communauté internationale, ces recours ont un intérêt immédiat. L’article 11a de la Constitution stipule en effet que la Cour dispose alors d’un «délai maximum de 15 jours» pour proclamer les résultats définitifs, ce qui laisse un peu de marge pour une médiation entre les protagonistes.
L’acceptation du verdict de la Cour – qui sera soumise à de très fortes pressions – par les deux camps reste sujette à caution à ce jour.
LE DIALOGUE POLITIQUE
«Ouvert», «large», ou encore «inclusif», les adjectifs sont nombreux pour qualifier l’une des spécialités favorites du continent pour régler ses crises électorales. Le principe est simple: on réunit plusieurs dizaines de personnes représentant les camps en conflit et diverses composantes de la société qui doivent trouver une solution acceptable par tous. Souvent assisté d’une médiation, le conclave est généralement réuni à l’étranger – dans le cas gabonais, la France serait une destination toute trouvée -, officiellement pour préserver la sérénité des débats. C’est du moins souvent le motif avancé.
S’ensuivent alors des semaines, voire des mois, de tractations ponctuées de rebondissements – menaces de rupture, ajournements,…- sur fonds de débauchages et de rabibochages. L’objectif final étant de noyer le poisson, la population finissant par se lasser de ces débats interminables. Le père d’Ali Bongo, Omar Bongo qui a dirigé le Gabon pendant 41 ans, était un orfèvre en la matière. Mais les temps changent. Il n’est pas certain que la nouvelle génération d’électeurs gabonais, qui n’a jamais connu le parti unique, se satisfasse d’un compromis, a priori bancal, sorti d’un tel dialogue, que ce soit un gouvernement d’»ouverture», de «large union», ou de «rassemblement». «Ali doit partir», répètent sans cesse ses opposants.
LA CAROTTE ELECTORALE
Au Gabon, une élection en cache une autre. Des législatives sont prévues d’ici la fin de l’année (en novembre en principe) qui pourraient servir de «session de rattrapage». L’opposition d’alors avait boycotté les précédentes élections et pourrait faire une entrée en force à l’Assemblée nationale. D’autant que depuis, ses rangs ont été renforcés par des défections au sein du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir).
Dans ce contexte, une forme de cohabitation à la gabonaise -associant les deux camps quel que soit le vainqueur de la présidentielle- serait une option politique.
LE POURRISSEMENT
C’est bien évidemment, la crainte principale des Gabonais et des partenaires internationaux de Libreville. Les deux camps refusent toute ouverture ou toute concession, plongeant le pays dans une paralysie -économique et politique- durable. Dans un climat délétère de chasse aux sorcières, les tensions s’enveniment et la société se divise. Ces tensions et ces divisions peuvent toucher l’appareil d’Etat, menaçant alors la paix civile.