Agissant suivant les orientations du président de la République, l’invité du Forum du Courrier d’Algérie a provoqué le débat sur l’élaboration d’une nouvelle stratégie et d’une nouvelle approche pour lutter contre le fléau de la drogue qui frappe la plus importante frange de la société algérienne, sa jeunesse.
Expert et consultant international dans la prévention et la lutte contre la drogue et la toxicomanie et président de l’Organisation nationale pour la sauvegarde de la jeunesse, Abdelkrim Abidat, mû par une volonté de fer, veut mettre sa longue expérience au profit d’une jeunesse algérienne à laquelle il a consacré un pan entier de sa vie. Peu importe le prix à payer, il faut soustraire nos jeunes d’un fléau broyeur et dévastateur qui rapporte quelque 500 milliards de dollars par an à travers le monde. Mais pour y arriver, il faut impliquer tout le monde. Cet éducateur spécialisé et officiant bénévolement au Centre de prévention et de lutte anti-drogue de Bouchaoui (ouest d’Alger), a, d’emblée, affiché sa disponibilité pour participer à un débat national approfondi, permettant de dégager une stratégie adaptée, une approche globale et un plan d’action bien réfléchis pour lutter efficacement contre la drogue et les psychotropes. « Cette rencontre (forum, Ndlr) s’inscrit dans le cadre des recommandations du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, qui, lors du Conseil des ministres du 23 mars 2025, a ordonné l’élaboration d’une stratégie préventive et la mise en place d’un plan de lutte contre ce phénomène qui menace quotidiennement notre jeunesse qui représente 75% de notre population », a-t-il introduit son exposé à cette occasion.
« La drogue est présente à travers les quatre coins du pays. Avec les 66 kilos de cocaïne saisis (vendredi dernier) à Adrar et les 121 kg découverts début de ce moi à Ghardaïa nous donne une idée exacte sur le développement de ce phénomène », a-t-il abordé pour expliquer que la consommation de la drogue est une réalité qu’il faut affronter. D’ailleurs, lors du Conseil des ministres cité en haut, le président Tebboune a classé ce fléau comme une menace de sécurité nationale. Notre invité remonte le temps pour raconter la genèse du trafic de drogue dans notre pays : « L’Algérie, de par sa situation géographique, a toujours été considérée comme un pays de transit. La première alerte a été donnée en 1975 par la saisie d’une quantité de 3 tonnes de cannabis. L’Etat a promulgué la première loi sur la répression du trafic de drogue. Considérant l’importance qu’accorde le président de la République à la préservation de la santé morale et physique de notre jeunesse, notre Organisation pour la sauvegarde de la jeunesse a voulu, elle aussi, apporter sa modeste contribution afin d’apporter un plus dans cette stratégie préventive qui reste l’unique moyen de lutter contre ce phénomène qui menace notre société ».
« Une expérience à généraliser dans les 58 wilayas »
Ensuite, le conférencier a présenté le mécanisme adopté au niveau du centre pilote de Bouchaoui (le premier du genre en Algérie), crée en 2019 et s’étendant sur une surface de 2000 mètres carrées, pour la prise en charge des jeunes toxicomanes. Il insiste sur le fait que ce centre se situe dans un milieu naturel pour ne pas « psychanalyser » les jeunes. Entre temps, il a émis le vœu de voir cette expérience « réussite à 80% » se généraliser à travers les 58 wilayas du pays. « Se réunir c’est bien, parler c’est bien, mais si l’on n’agit pas sur le terrain, le fléau va s’empirer davantage. A notre niveau, nous avons adopté un mécanisme de prise en charge de ces jeunes touchés par la drogue », a expliqué l’orateur, tout en rendant un hommage particulier aux jeunes, filles et garçons, psychologues, engagés bénévolement pour prendre en charge les toxicomanes. Il poursuit pour résumer le processus thérapeutique suivi par le jeune drogué : « Nous jugeons que les jeunes toxicomanes ne sont pas des malades, mais de jeunes victimes de la société que nous voulons sauver de l’enfer de la drogue. Lorsque ces jeunes expriment leur volonté de vouloir s’en sortir, nous les accueillons, les écoutons et, ensuite, nous leur proposons un programme approprié. À savoir, des consultations périodiques avec nos psychologues et des tests d’analyse obligatoires pour évaluer les natures des drogues consumées, ensuite des séances de mécanothérapie, de remise en forme, de d’hydrothérapie, d’aquagym (piscine), de relaxation sportive, un compliment alimentaire qui est la phytothérapie, ainsi que d’autres séances de thérapie de groupe toutes les fins du mois et des sorties en plein air en forêt ou des jeux collectifs sont organisés. » Aujourd’hui, le centre a pris en charge depuis sa création quelque 940 jeunes, filles et garçons, âgés de 15 à 35 ans, alors que le nombre des visiteurs à travers le pays s’élève à 7757 personnes. Abidat ajoute : « La période dure de trois à six mois, mais tout dépend ensuite de la volonté des jeunes. Ces derniers adhérents volontairement au programme. Ils reçoivent un traitement naturel sans aucun médicament et ce grâce à un programme de naturothérapie auquel ils adhèrent volontairement. Pour le nombre, nous recevons les jeunes accompagnés toujours avec leurs parents des 58 wilayas du pays. Les parents sont satisfaits de la progression, de jour en jour de leurs, enfants. Ils viennent de partout, même d’Illizi, de Touggourt etc. Même si le centre affiche complet, on fait des efforts pour accueillir d’autres. Nous sommes à 80 % de réussite. Aujourd’hui, nous voulons généraliser ce mécanisme à travers le pays pour sauver notre jeunesse de la drogue. »
« Même le milieu sportif n’a pas échappé à la drogue »
Concernant les orientations du président de la République, Abidat a révélé que cette initiative consiste, en partie, à vulgariser le travail de sensibilisation dans les espaces médiatiques, surtout les chaines de télévision. Aujourd’hui, « la drogue est une réalité qui touche tout le monde. Les personnes instruites, les analphabètes, les travailleurs, les chômeurs, les universitaires, les fidèles religieux etc. Le fléau est dans les cités urbaines, devant l’entrée des bâtiments, des établissements scolaires et universitaires, devant la mosquée, le drogue se vent et se consomme partout », a-t-il décrit l’ampleur du fléau. « La drogue a même pénétré dans le milieu sportif », a-t-il encore déploré.
« Le consommateur est victime, le coupable c’est le dealer »
Abordant la stratégue de lutte, Abidat estime qu’il faut s’attaquer aux barrons, dealers et autres vendeurs dont il faut couper le lien avec le consommateur pour espérer « gagner la bataille ». En ce sens, il estime que le petit consommateur n’est qu’une victime de la société qu’il faut soustraire, préventivement, du milieu de la drogue si l’on veut lutter efficacement contre ce fléau. En revanche, c’est le dealer qu’est le coupable ». Interrogé sur capacités d’encadrement du centre par rapport à la prise en charge, Abidat a, une fois de plus, salué le travail des nombreux jeunes psychologues qui ont rejoint volontairement les lieux, estimant que cela lui procure beaucoup d’espoirs. Mais, il faudrait l’implication de tous le monde. A ce titre, il a révélé avoir sollicité le ministre du Travail par rapport à l’allocation de chômage accordé aux jeunes universitaires. « Ce qui est une bonne chose que d’accorder deux millions de centimes à une jeune sans-emplois », a-t-il commenté. Mais, au lieu d’attendre une offre d’emploi qui exige en général de l’expérience de travail, Abidat a proposé au ministre d’envoyer les jeunes psychologues vers le centre de Bouchaoui pour gagner de l’expérience.
« On attend toujours la réponse du ministre de la Jeunesse »
« Nous sommes prêts à accorder un capital expérience à ces jeunes diplômés », s’est engagé notre invité. Interrogé sur la visite effectuée début du mois d’avril par le ministre de la Jeunesse, Mustapha Hidaoui, au centre de Bouchaoui, l’expert dans la lutte contre la drogue a révélé lui avoir fait des propositions concernant la formation d’encadreurs parmi les membres des 1300 associations recensées à travers le pays. Il a précisé, à ce titre, qu’il « attend toujours la réponse du ministre ». D’autre part, il a regretté le fait que les maisons de jeunes ne soient plus opérationnelles pour prendre en charge les aspirations des jeunes. « Je trouve anormale qu’on ferme les maisons de jeunes à 17HOO », a-t-il expliqué à ce propos.
Farid Guellil