Alger se prépare à accueillir du 4 au 10 décembre, une édition d’une ampleur inédite du Festival international du film d’Alger (AIFF). Pour cette 12eᵉédition, décrite comme « charnière » par son commissaire, Nabil Benaïssa, la capitale vivra au rythme d’un cinéma venu des quatre horizons, un cinéma qui interroge le monde, le raconte et le réinvente.
Pendant une semaine, la ville d’Alger vibrera sous l’impact des récits du Sud global, mais aussi sous la rencontre entre les créateurs, les publics et les héritages cinématographiques en partage. Né en 2002 sous l’appellation de Festival international du cinéma engagé (FICA), l’AIFF s’est imposé comme un laboratoire d’idées et d’images où se rencontrent les mémoires, les luttes et les imaginaires. L’édition 2025 réaffirme avec force cet ADN : faire d’Alger un espace de liberté artistique et de circulation des récits souvent marginalisés par les grands circuits. Nabil Benaïssa insiste sur cette ambition : « Le festival n’est pas une vitrine. C’est un dialogue vivant entre les peuples, un lieu où les cinéastes du Sud retrouvent leur centralité. » Cette année bat d’ailleurs un record historique : 3 300 films provenant de 117 pays ont été soumis à la sélection — un signe clair du poids croissant d’Alger dans le paysage mondial des festivals engagés. De cette matière foisonnante, 101 films ont été retenus pour constituer une édition dense, riche et résolument tournée vers la pluralité des formes cinématographiques. La cérémonie d’ouverture donnera le ton : le festival s’ouvrira avec Les Plongeurs du désert (Ghattassou al-Sahra’), la version restaurée du tout premier film long métrage algérien de Tahar Hnash. Une œuvre pionnière qui réapparaît aujourd’hui sous un nouveau souffle visuel. Son choix n’est pas anodin : il s’agit d’un retour aux sources du cinéma national, un rappel de la puissance créative qui a accompagné la période de lutte contre le colonialisme. La projection sera accompagnée d’une performance musicale live de l’artiste Khalil Baba Ahmed, créant un pont sensoriel entre l’image retrouvée et le présent. Le festival se conclura avec La Voix de Hind Rajab, le bouleversant long métrage de la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania, qui plonge le spectateur au cœur de Ghaza en guerre, en suivant l’histoire d’une fillette palestinienne prise sous les bombes. Par sa force émotionnelle, le film fait de la voix de Hind un symbole universel de résilience et de justice, offrant une clôture profondément humaine à l’événement.
Une compétition officielle sur les luttes, les peuples et le monde
La compétition officielle regroupe cette année 50 films : 16 longs métrages, 14 documentaires et 20 courts métrages. Chacun raconte un monde en transition, un territoire blessé, une mémoire revendiquée ou une lutte en mouvement. Les longs métrages, venus d’Algérie, d’Afrique, du monde arabe, d’Amérique latine et d’Asie, dessinent une mosaïque de récits où l’intime croise les grandes secousses de l’Histoire. Au programme, plusieurs films algériens particulièrement attendus : Roqia de Yanis Koussim, Les Amants de l’Algérie de Mohamed Charaf Eddine Ktita, ou encore La Saqia, qui interrogent respectivement la condition féminine, l’amour dans un pays en reconstruction, ou la mémoire des zones rurales. La compétition internationale accueillera aussi des œuvres fortes comme Apollon Jour, Athéna Nuit, Le Village à côté du Paradis, ainsi qu’une série de films venus de Somalie, d’Irak, de Turquie ou de Russie. Tous résonnent avec les grands défis de notre temps, qu’ils soient politiques, écologiques ou sociaux. Les courts métrages, quant à eux, confirment la vitalité d’une nouvelle génération de cinéastes.
Cuba à l’honneur, la Palestine au cœur
On y retrouve, entre autres, Alive, Nigel, ce que la terre a vu, ou Les Black Panthers en Algérie, démontrant la capacité du format court à transmettre des visions percutantes, incisives et profondément ancrées dans le réel. Pour départager ces œuvres, des jurys composés de réalisateurs, de producteurs et de critiques internationaux remettront des distinctions prestigieuses : Grand Prix, Prix du Jury, Prix du Public, ainsi que des récompenses techniques dédiées à l’image, au son ou à l’innovation artistique. L’invité d’honneur de cette édition sera Cuba, célébrée à travers une programmation intitulée « Poétique du réel et mémoire de la révolution ». Une sélection de six films restituera l’héritage cinématographique cubain, où l’engagement politique et l’esthétique du réel se rejoignent dans une manière singulière de raconter l’histoire. La fenêtre « Portes ouvertes sur la Palestine » proposera huit films palestiniens multi-primés, offrant un regard contemporain sur la résistance, la mémoire collective et la quête de liberté. Ces projections permettront au public de dialoguer avec une cinématographie profondément inscrite dans les luttes du peuple palestinien. Parallèlement, la « Panoramique algérienne » réunira 22 films, mêlant classiques restaurés et créations contemporaines. Ce programme rend hommage à la continuité de la création algérienne, à sa capacité à se renouveler tout en restant fidèle à la mémoire nationale.
« AIFF SOUK » : un marché professionnel pour la création
Enfin, les dix films de la « Panoramique du Sud global » offriront un voyage cinématographique des rives du Nil aux forêts amazoniennes, des montagnes andines aux villes du Proche-Orient, révélant les points de contact entre les imaginaires et les réalités des peuples du Sud. Grande nouveauté de l’édition 2025 : l’ouverture du marché professionnel « AIFF SOUK ». Pensé comme un espace de rencontres, d’échanges et de partenariats, il réunira producteurs, distributeurs, chaînes de télévision et institutions culturelles. L’objectif est clair : stimuler la production nationale, encourager les coproductions et favoriser la circulation des films algériens dans les réseaux internationaux. Cette initiative s’inscrit dans une vision plus large du festival : faire du cinéma un moteur culturel mais aussi économique, à travers la valorisation des métiers et des industries audiovisuelles.
Formations, ateliers, débats : un festival qui pense la création
Le festival proposera également un riche programme pédagogique, porté par le laboratoire « Cinéma Lab ». Des ateliers et des masterclasses aborderont des thématiques essentielles comme la restauration des films, animée par Nabil Jedwani, l’expérience de la télévision algérienne dans la production cinématographique, les droits d’auteur, les effets visuels, ou encore l’écriture documentaire et la direction de la photographie. Plusieurs tables rondes viendront enrichir cette dimension de réflexion.












































