L’exposition Sanit Arts, qui regroupe les œuvres de six artistes peintres au Musée d’arts modernes d’Oran (Mamo), a été inaugurée au début du confinement dans le cadre du mois du patrimoine.
Les mesures de restriction sanitaires interdisant l’ouverture au public n’empêchent pas le fait que l’exposition soit toujours accrochée dans un musée fermé. Il aurait été intéressant que le musée crée un site spécialisé de monstration des œuvres, mais la stratégie du ministère algérien de la Culture en matière numérique est encore malheureusement à l’ère de la préhistoire. Preuve en est que seuls quelques musées algériens sur 19 possèdent un site web. Des dizaines d’établissements et d’institutions du ministère en question n’ont pas de site Internet.
L’exposition Sanit Arts n’aura en fin de compte été visible que pour les artistes et le personnel du MAMO qui ont assisté à son inauguration. Cela ne nous empêche pas de parler de cette manifestation qui regroupe les œuvres de Belmekki Mourad, Belhachemi Nourredine, Mekki Abderrahmane, Khadir Hasna Nawel, Belzina Cherif et Habich Abdelkader. Belmekki Mourad, un artiste prolifique qui est passé par plusieurs styles et expressions artistiques, a de nombreuses expositions individuelles à son actif. Ce grand coloriste a traversé une assez longue période figurative inspirée par les impressionnistes, et c’est ce qui lui a donné cette palette précieuse. Sa thématique touche essentiellement à la société et au patrimoine dont elle montre les richesses et les diversités. La femme est un thème central chez lui, et si l’expression du visage est occultée au profit du costume et du décor qui l’entourent, c’est pour donner des résonnances et une musicalité, des rythmes et des harmonies qui la font davantage aimer et aimer son pays et la culture auxquels elle appartient. Cet artiste exigent, qui exerce comme formateur des inspecteurs de dessin de l’école algérienne, est assis entre plusieurs styles où la figure humaine se marie avec des improvisations parfois dansantes, parfois austères ou même lyriques.
Belhachemi Nourredine est un artiste abstrait, ou du moins un non-fiuratif, dont la carrière s’étale sur plusieurs décennies. Né le 31 janvier 1954 à Sidi Chami, Oran, il enseigner aux beaux-arts d’Oran depuis 1979 après sa formation aux Beaux-arts d’Oran puis d’Alger avant de faire des études à l’université Paris VIII. Ses peintures sont le jaillissement d’une mythologie personnelle, certainement issue de l’enfance lointaine de l’artiste. Ses couleurs lumineuses élaborent des formes arrondies, courbes et sphériques évoquant la matrice initiale, la mère, le monde utérin qui nous procure amour, sécurité et protection. On peut identifier tout ce qu’on veut dans ce monde lisse, soyeux, chargé de sensualité.
Pris par ses responsabilités de directeur de l’école des Beaux-arts d’Oran, Mekki Abderrahmane n’a pas produit ni exposé pendant des décennies. Son retour sur la scène artistique dévoile un artiste à thèmes où l’expression va de pair avec la sensibilité. Dans la continuité des œuvres anciennes, il travaille sur le patrimoine avec un usage à la fois de signes et motifs personnels mais ayant une certaine parenté avec les éléments décoratifs et symboliques berbères.
Khadir Hasna Nawel, artiste autodidacte, est une nouvelle sur la scène artistique mais elle n’a pas tardé à se distinguer par la force de ses œuvres, expressionnistes et puissantes, qui renvoient à un une personnalité fougueuse et une sensibilité à fleur de peau. Khadir Hasna Nawel a l’art et la manière des expressionnistes abstraits de l’école de New York, un peu de Helen Frankenthaler, qui est la première artiste américaine à s’imposer sur la scène américaine après Georgia O’Keeffe. Khadir verse et brosse la peinture fortement diluée sur la toile, osant s’attaquer à d’assez grands formats. Dans ces œuvres, il y a des parties denses et d’autres éthérés aux couleurs flottantes qui donne parfois un effet est presque translucide. Après une période où l’on dénote une sorte de colère et de tristesse, voici des couleurs joyeuses qui évoquent un peu la nature et ses rythmes, en créant ces niveaux de plus en plus maitrisés de profondeur et de l’espace.
Belzina Cherif travaille sur les signes symboles en renvoyant à des mondes de particules, de mini-organismes, d’animalcules, on ne sait vraiment s’il s’agit d’objets inanimés ou d’êtres vivants. Ses œuvres sondent le monde du subconscient et semblent avoir une parenté avec les travaux d’un Jean Dubuffet. Ce monde inconnu, par sa banalité et son discrétion, ne renvoie à rien de précis dans notre conscience puisqu’il peut s’apparenter à tout et n’importe quoi. Cela peut tout simplement être des inscriptions enfantines sur un mur ou les verrues de l’humidité sur un vieux mur plein de rides et de craquelures.
Habich Abdelkader, formé aux Beaux-arts d’Alger, est en quête d’une approche personnelle qui prend déjà forme tant sur le plan graphique que chromatique. Avec une couleur très diluée il crée une belle transparence à coups de blancs, de roses, de bleus tendres. Il hésite encore entre symbolisme et démarche géométrique mais on sent chez lui une profondeur, du moins un questionnement philosophique qui le rapproche déjà d’un Rauschenberg. Il nous interpelle déjà et l’expérience ne manquera pas de faire l’œuvre.
Plusieurs artistes algériens auraient souhaité que les autorités prennent des initiatives dans le sens de la numérisation de la culture par le lancement de plateformes virtuelles d’expositions pour faire connaitre l’art et les artistes algériens. Le confinement a été une occasion ratée pour lancer des opérations visant à promouvoir la culture et à participer de la création d’un marché de l’art qui ne se limitent pas à des institutions et des établissements statiques et fiés.
Par Ali El Hadj Tahar