Accueil MONDE États-Unis : Trump, plus dure sera la chute ?

États-Unis : Trump, plus dure sera la chute ?

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En dépit de ses succès, Donald Trump n’est pas assuré d’être désigné par la convention républicaine. Il a surtout peu de chance de gagner la présidentielle.

Au jeu du « qui perd gagne », Ted Cruz, sénateur du Texas, et John Kasich, gouverneur de l’Ohio, ont l’espoir d’empêcher Donald Trump de remporter la mise, d’ici l’automne.
Car en dépit de ses victoires dans le deuxième Super Tuesday des primaires républicaines, notamment en Floride où, avec l’aide du Tea Party, il a définitivement assommé Marco Rubio, le sénateur de l’État, le milliardaire new-yorkais de l’immobilier n’est toujours pas assuré de l’emporter. Ni à la convention républicaine de juillet, à Cleveland, ni dans la joute à coups de millions de dollars, qui pourrait l’opposer, durant l’été, à Hillary Clinton. Et il est encore moins certain de gagner la partie, le 6 novembre, jour de l’élection du 45e président des États-Unis. Les adversaires de Trump au Parti républicain, et il en a d’innombrables, ont deux références historiques pour juger de la situation de leur parti dans la bourrasque Trump.
Les plus remontés comme Sally Bradshaw, une proche conseillère de Jeb Bush, n’hésitent pas à dire que «cela s’apparente à la chute de l’astéroïde qui a anéanti les dinosaures». D’autres font appel à des précédents plus contemporains : en 1964, le sénateur de l’Arizona Barry Goldwater, personnalité très conservatrice et excessive dans ses prises de position, notamment en politique étrangère, est confronté pour le Parti républicain au candidat favori de l’establishment, le milliardaire américain Nelson Rockefeller. Goldwater l’emporte, mais les électeurs modérés du Parti républicain, ulcérés par ses outrances contribuent à la victoire du démocrate Lyndon Johnson.

La « catastrophe Goldwater »
Aussi pour empêcher que ne se reproduise ce qui est encore aujourd’hui considéré comme la « catastrophe Goldwater », les responsables du Grand Old Party ne quittent plus des yeux leur calculette dans l’espoir que Trump n’aura pas recueilli fin juin les 1 237 délégués qui lui permettraient d’être quasi automatiquement choisi par la convention.
Après les résultats des derniers scrutins, mais surtout après son échec dans l’Ohio, il lui faut mathématiquement gagner un peu plus de 60 % des délégués en jeu avant la fin des primaires. Sinon, même s’il arrive en tête, il y aura une « brokered convention », c’est-à-dire une convention « négociée » et ouverte, où la liberté de vote est tolérée. Et où tout est possible, car les compteurs peuvent être remis à zéro. Et les débats s’éterniser. À tel point qu’en 1924, il fallut 102 tours de scrutin pour désigner le vainqueur de la convention démocrate.
Une autre raison pour laquelle la percée de Trump pourrait ne pas aller jusqu’au bout est paradoxalement que le plouto-populiste pourrait ne pas avoir les moyens de le faire. Certes, il est riche, mais le montant de sa fortune est contesté. Lui annonce 10 milliards de dollars. Le magazine Forbes, qui est une référence en ce domaine, lui attribue 4 milliards. Or, lui-même reconnaît que sur ce qu’il possède, 3,3 milliards ne sont pas mobilisables immédiatement. En 2012, Obama a pour la première fois dépassé le plafond du milliard de dollars dépensés pour sa campagne. Et Hillary Clinton a annoncé que c’était à peu près la somme qu’elle comptait récolter pour se faire élire. Sauf que le trésor de guerre de la candidate démocrate ne vient pas de sa fortune personnelle, mais des dons individuels et des aides des fameux «Super-PAC » créés pour détourner – légalement – la loi sur la limitation des dépenses électorales.
Or, Trump, tout au long de sa campagne, a fait un argument de son refus d’accepter les subventions des Super-PAC. Pour ne pas dépendre des lobbies de Wall Street ou de Washington, a-t-il répété.
Difficile de se déjuger demain sous le regard de son électorat. D’ailleurs le ferait-il, qu’il n’est pas sûr que les habituels donateurs du Parti républicain mettent la main à la poche pour l’aider, alors qu’ils n’auront cessé de financer des campagnes de publicité négatives pour le démolir.

Un fauteur de haine
La dernière raison pour laquelle Trump peut, certes, devenir le candidat républicain, mais pas le président des États-Unis tient dans les incidents violents qui ont perturbé ses meetings. Ils ont montré que l’on ne pouvait impunément semer la haine, comme il l’a fait à longueur de discours contre les Noirs, les Hispaniques, les musulmans, les femmes, les médias et tous ceux en général qui ne sont pas d’accord avec lui. «Sortez-les », n’a-t-il cessé de lancer à ceux qui venaient le contredire quand il ne suggérait pas à ses partisans de les cogner ou ne jouait les provocateurs en déclarant qu’il les attendait de pied ferme pour « leur coller son poing dans le nez ». Même « s’il valait mieux, ajoutait-il prudemment, que les flics s’en chargent ».
Depuis les émeutes qui avaient marqué la convention démocrate de Chicago en 1968, en pleine guerre du Vietnam, il n’y avait pas eu de telles perturbations dans une campagne électorale américaine. Aucun président dans l’histoire n’a été élu en cultivant la haine de l’autre. Même au temps de la ségrégation.
Si le candidat qui a rassemblé des foules en misant sur leur amertume, leur rancœur, leur frustration, leur crainte de l’autre, en faisant appel à des sentiments qui divisent et polarisent, était élu président, ce serait comme l’écrit le Washington Post, dans un article signé de son équipe éditoriale, «la retraite de la démocratie aux États-Unis. »

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