Après sa défaite dans le New Hampshire, la candidate démocrate espère rebondir et gagner dans le Nevada face à Bernie Sanders, le challengeur qui monte.
Hillary Clinton est en boucle. «J’ai besoin de vous samedi prochain à 11 heures !» Elle a passé le week-end à Las Vegas, dans le Nevada, troisième étape des primaires démocrates pour la Maison-Blanche, où elle est censée rebondir après sa déroute du New Hampshire mardi dernier face au sénateur de gauche Bernie Sanders.
Sa victoire dépendra en grande partie de la fidélité des dizaines de milliers de femmes de ménage, serveurs, croupiers et autres employés qui font tourner les hôtels-casinos de Las Vegas. Et c’est dans les entrailles du vieux Harrah’s et du luxueux Caesars, dans les cantines sans fenêtres des employés, qu’elle est allée plaider sa cause. Hillary Clinton est en terrain connu. Elle entre sous des ovations, immédiatement entourée. Les femmes de chambre, dont certaines parlent à peine anglais, sortent leurs smartphones pour décrocher leur photo avec «Hillary». «Vous serez la prochaine présidente», dit une cuisinière. «Merci infiniment», répond Hillary Clinton, les yeux pétillants.
Le précédent 2008
L’agglomération de Las Vegas concentre 73 % de la population du Nevada, immensité désertique et montagneuse. La moitié des habitants sont blancs, les autres sont hispaniques, noirs et d’origine asiatique. C’est pour cette diversité que le Parti démocrate a donné en 2008 une place de choix au Nevada dans le calendrier des primaires, juste après les très blancs Iowa et New Hampshire. Les caucus auront lieu à 11 heures samedi à la place d’une primaire traditionnelle. Les électeurs se regrouperont par candidat au lieu de voter.
En 2008, 15 % des participants étaient hispaniques, et 15 % noirs. Hillary Clinton l’avait emporté sur Barack Obama, avec deux tiers des voix hispaniques. Elle a rouvert des bureaux en juillet dernier, quatre mois avant Bernie Sanders. Des dizaines de personnalités locales la soutiennent. Les militants de Bernie Sanders venus tracter vendredi soir à une manifestation du puissant syndicat des travailleurs culinaires, qui revendique 57 000 adhérents, en majorité hispaniques, n’ont pu que constater l’immense notoriété locale de leur rivale.
«Une femme forte»
«Non, non, Hillary !» a répondu Gabriela Rivera au bénévole qui lui tendait vainement un tract Sanders. Elle trime aux cuisines du Caesars Palace depuis vingt-huit ans et n’a aucune intention de lâcher son héroïne politique : « C’est une femme forte », dit-elle d’un ton sans appel. Mais l’équipe de la candidate tente de minimiser les attentes, par crainte que la vague Sanders parmi les jeunes (plus de 80 % des moins de 30 ans ont voté pour lui dans l’Iowa et le New Hampshire) ne se propage chez les électeurs qui ne sont pas blancs. C’est la grande inconnue de la suite des primaires.
Au quartier général Sanders à Las Vegas, des bénévoles de tous âges entrent et sortent, tracts en main. La campagne a mis les moyens : plus de 100 salariés, 12 locaux dans l’État, et un budget publicitaire supérieur à celui d’Hillary Clinton. La directrice de la communication, Emilia Pablo, née au Mexique, croit que les jeunes viendront à Sanders, quelle que soit leur origine : «Les jeunes veulent rejoindre la révolution politique, et ils convertissent leurs parents, oncles et tantes qui étaient fixés sur Hillary Clinton.»
Le soutien des minorités
Le sénateur du Vermont s’est aussi fait des alliés hispaniques, comme le patron du mensuel en espagnol El Reportero, Luis de Leon : «Les latinos qui travaillent de l’aube au crépuscule se retrouvent en lui», assure-t-il. Aucun démocrate ne pourra remporter l’investiture sans un soutien important des minorités. En Caroline du Sud, Géorgie, Alabama, Texas, il y a plus de démocrates noirs et hispaniques que blancs.
Les deux communautés sont très différentes, sociologiquement et par leurs priorités, mais Hillary Clinton avait encore récemment leurs faveurs : 58 % des non-Blancs nationalement, selon une enquête CNN en janvier, et les trois quarts des démocrates noirs de Caroline du Sud. Son accueil enthousiaste, dimanche dans une église baptiste noire historique de Las Vegas, atteste de sa popularité par rapport à celle de Bernie Sanders, accueilli plus poliment au même service.
Mais les sondages manquent pour le Nevada et chez les seuls hispaniques. Bernie Sanders espère que sa victoire dans le New Hampshire, très médiatisée, réduira son déficit de notoriété, pour créer la surprise samedi à 11 heures.