Donald Trump a annoncé, mardi, avoir choisi Neil Gorsuch à la Cour suprême, où il devrait restaurer une majorité conservatrice et influencer à vie les décisions de la plus haute instance juridique des Etats-Unis.
Agé de 49 ans, le magistrat de cour d’appel du Colorado doit encore voir sa nomination confirmée par le Sénat, une étape susceptible d’être compliquée par l’opposition des sénateurs démocrates. L’année dernière, les sénateurs républicains avaient refusé de prendre en considération la candidature du juge Merrick Garland, désigné par Barack Obama pour succéder au conservateur Antonin Scalia, décédé en février dernier. Neil Gorsuch est le plus jeune juge à rejoindre la Cour en un quart de siècle, depuis la nomination du conservateur Clarence Thomas par George H. W. Bush en 1991. La fonction s’exerçant à vie, il pourrait influencer la direction de l’instance suprême pendant des décennies. Entouré de Gorsuch et de sa femme Melania Trump, le président des Etats-Unis a annoncé mardi soir sa nomination : « Le juge Gorsuch possède des compétences juridiques remarquables, un esprit brillant, une discipline considérable et a remporté des soutiens bipartisans ». Le président a dit espérer que républicains et démocrates puissent s’unir sur cette nomination dans l’intérêt du pays, mais rien n’est moins sûr. « Le juge Gorsuch a pris parti de manière répétée pour les grands groupes et contre les travailleurs, a fait montre d’une hostilité à l’égard des droits des femmes et, plus perturbant, s’est forgé une approche idéologique de la jurisprudence qui me laisse douter qu’il puisse être un juge fort et indépendant », a dénoncé le chef de file des démocrates au Sénat, Chuck Schumer. Echaudés par le vide laissé pendant près d’un an à la Cour à l’initiative des républicains, certains sénateurs démocrates, minoritaires, ont déjà fait savoir qu’ils chercheraient à bloquer la nomination du juge choisi par Trump, quel qu’il soit.
UN CONSERVATEUR À L’IMAGE DE SCALIA
Gorsuch est considéré comme un conservateur, connu notamment pour son soutien aux droits religieux. « Je respecte (…) le fait que dans notre ordre juridique, il appartient au Congrès et non aux cours d’écrire de nouvelles lois », a déclaré Gorsuch, au côté de Trump, après l’annonce de sa nomination. « Il appartient aux juges d’appliquer, et non d’altérer, le travail des représentants du peuple. Un juge qui aime tous les jugements auquel il parvient est en toute probabilité un mauvais juge », a-t-il déclaré sous le regard du président. Par cette approche dite originaliste, qui s’oppose à une interprétation plus large du texte de la Constitution, il rejoint la position très conservatrice d’Antonin Scalia, avec lequel il partage aussi une plume acerbe. Ce dernier avait d’ailleurs salué en lui « un lion du droit ». A gauche, le groupe de défense des droits « People for the American Way » a condamné sa nomination, son président, Michael Keegan, le décrivant comme un « guerrier idéologique qui place ses politiques de droite au-dessus de la Constitution ». En comparaison avec les deux femmes nommées par Barack Obama, il ajoute peu de diversité à la Cour, mais se distingue toutefois par son origine rurale et sa religion (« épiscopale »), qui fait de lui le seul protestant de la juridiction, aux côtés de cinq juges de religion catholique et trois juges de religion juive.
MAJORITÉ CONSERVATRICE
Si sa nomination est confirmée, Gorsuch devrait grossir les rangs de l’aile conservatrice de la Cour, où siègent John Roberts, Anthony Kennedy, Samuel Alito et Clarence Thomas face à quatre juges plus réformistes. Anthony Kennedy est considéré comme le pivot de la Cour, il se range parfois aux décisions de ses collègues libéraux, comme en juin lors de la décision contre les limites à l’avortement mises en place au Texas. Dotée d’une majorité conservatrice, la Cour est susceptible de soutenir la peine de mort, le droit à porter des armes et se montrer défavorable aux limites sur les financements de campagne. Les droits contraceptifs, religieux, sexuels ainsi que le droit de vote et les pouvoirs du président font aussi partie des questions où la voix de Gorsuch pourrait être décisive. Il a soutenu en 2013 l’idée que les chefs d’entreprise pouvaient refuser, pour des motifs religieux, d’appliquer les dispositions de l’Obamacare qui imposent la souscription par l’employeur d’une couverture maladie pour ses salariés, y compris la contraception pour les femmes.