L’Algérie a exprimé, jeudi, sa « profonde désapprobation » de la décision « inattendue, inopportune et contre-productive » de la France d’apporter son soutien au plan d’autonomie défendu par le Maroc pour le Sahara occidental, affirmant que le gouvernement algérien « tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française » et dont le gouvernement français « assume seul la pleine et entière responsabilité ».
Cette réponse ferme de l’Algérie traduit son attachement à un règlement du conflit du Sahara occidental conformément au plan de règlement ONU-OUA de 1991, seul cadre de règlement accepté et signé par les deux parties au conflit, le Front Polisario et le Royaume du Maroc, et adopté à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU ».
La position de la France est aux antipodes de la légalité internationale et Paris montre qu’elle assume pleinement son jeu perfide au niveau du Conseil de sécurité où elle avait joué à l’élément de blocage de toutes les perspectives d’une mise en œuvre du plan onusien de règlement du conflit du Sahara occidental qui dure depuis le retrait de l’Espagne, ancienne puissance administrante, de cette partie de l’Afrique du nord en 1975.
Dans sa réponse, le ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger indique que, « le Gouvernement algérien a pris connaissance avec un grand regret et une profonde désapprobation de la décision inattendue, inopportune et contre-productive du gouvernement français apportant un soutien sans équivoque et sans nuance au plan d’autonomie sur le Sahara occidental dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Le communiqué du MAE a relevé que la « décision a été communiquée officiellement aux autorités algériennes par les autorités françaises ces derniers jours et souligne que « les puissances coloniales, anciennes et nouvelles, savent se reconnaître, se comprendre et se rendre des mains secourables ».
Cette mise au point s’imposait dans la mesure où les anciennes et nouvelles puissances coloniales, sont en train de jouer un sale jeu au niveau des institutions internationales chargées de garantir la paix dans le monde et de mettre fin aux conflits, pour bloquer toutes perspectives de solution. Israël tire sa puissance de l’alliance des colonialistes, le Maroc également et c’est ce qui explique l’impuissance du Conseil de sécurité à étendre la mission de la Minurso au contrôle et la surveillance des droits de l’Homme dans les territoires sahraouis occupés et son impuissance à adopter une résolution contraignante pour la puissance occupante, le Maroc, permettant d’organiser un référendum d’autodétermination.
Un piège pour le futur gouvernement NFP
Selon le MAE, « la décision française relève manifestement d’un calcul politique douteux, d’un apriori moralement contestable et de lectures juridiques que rien ne conforte et rien ne justifie ». « Cette décision française n’aide pas à réunir les conditions d’un règlement pacifique de la question du Sahara occidental, elle conforte une impasse, celle créée précisément par le prétendu plan d’autonomie marocain et qui dure depuis plus de dix-sept ans », a-t-il affirmé. Pour le MAE, « bien plus et alors même que la communauté internationale est convaincue depuis longtemps que la question du Sahara occidental relève indubitablement d’un processus de décolonisation à parachever, cette même décision française vient en pervertir et fausser les données en donnant une caution à un fait colonial et en apportant un soutien injustifiable à une souveraineté contestée et contestable du Maroc sur le territoire du Sahara occidental ». Cette position française, a-t-il poursuivi, « est d’autant plus malvenue qu’elle émane d’un membre permanent du Conseil de sécurité censé agir en conformité avec les décisions de cet organe d’une manière particulière et avec la légalité internationale d’une manière générale ».
Il faut rattacher cette position française de soutien au plan marocain, aux déchirements que connait la scène politique parisienne, depuis l’échec de l’extrême droite et la majorité présidentielle lors de dernières législatives. C’est un cadeau empoisonné que tente de préparer Macron au prochain gouvernement du Nouveau front populaire avec lequel il doit cohabiter. Quels que soient ses tergiversations et ses atermoiements, le président français doit impérativement composer avec une majorité qui ne lui est pas acquise, voire qui lui est hostile et cette décision s’inscrit dans le cadre du jeu de la roulette russe auquel il se livre.
Le soutien de la France au plan marocain ne pourra en aucun cas bloquer la dynamique qui mènera à l’autodétermination du peuple sahraoui. Le Maroc ne devra pas se réjouir d’un tel soutien et les faits sont là pour le confirmer. Il y’ a quelques mois, avant son échec à se faire réélire, Donald Trump, l’ancien président américain avait bel et bien annoncé dans un tweet sur la plateforme X (ex-Twitter), le soutien de son pays au plan d‘autonomie des territoires sahraouis proposé par le Maroc. Son successeur a corrigé cet «errement », en annonçant que la Maison blanche restait attachée au plan onusien de règlement du conflit du Sahara occidental.
Le communiqué du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger note que, « alors que la conjoncture actuelle connaît une mobilisation des bonnes volontés au sein des Nations unies à l’effet de donner un nouveau souffle à la recherche d’un règlement au conflit du Sahara occidental, la même décision française vient s’inscrire à contre-courant de ces efforts dont elle contrarie et entrave le déploiement dans l’intérêt supérieur de la paix, de la stabilité et de la sécurité dans la région. Cette décision ne sert absolument pas l’objectif de la paix au Sahara occidental. Elle aide à prolonger une impasse et justifie et aide à consolider le fait accompli colonial dans ce territoire ».
Le Président sahraoui appelle l’ONU et l’UA à assumer leurs responsabilités
Pour sa part, le président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), M. Brahim Ghali a mis l’accent, mercredi, sur la nécessité pour l’ONU d’accélérer la mise en œuvre de son engagement à parachever la décolonisation du Sahara occidental en imposant l’application de sa Charte et de ses résolutions pertinentes sur la question et en accélérant le processus permettant à la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum (MINURSO) de mener à bien cette échéance. « Nous insistons encore une fois pour que l’ONU accélère la mise en œuvre de son engagement à parachever la décolonisation du Sahara occidental, dernière colonie en Afrique, en faisant respecter l’application de sa Charte et de ses résolutions et en protégeant les civils sans défense croupissant sous le joug de l’occupation ». C’est une sérieuse mise en garde du premier responsable de la RASD qui laisse supposer que la patience du peuple a dés limites et que ceux qui misent sur sa lassitude pour imposer leurs solutions peuvent déchanter. M. Ghali a également appelé L’Union africaine à « imposer l’application stricte des principes et objectifs de l’Acte constitutif de l’UA », notamment le respect des frontières héritées à l’indépendance. Il a par ailleurs appelé l’Union européenne (UE) de « s’abstenir de signer tout accord avec l’Etat d’occupation marocain, qui inclue les territoires, l’espace aérien ou encore les eaux territoriales du Sahara occidental, d’autant qu’il s’agit d’une violation flagrante du droit international, du droit international humanitaire et du droit européen, et constitue également une participation directe à l’assassinat, au déplacement, à la répression, au blocus et au pillage des ressources naturelles subis par le peuple sahraoui ». Finalement, Paris sait pertinemment qu’elle a beaucoup à perdre en opérant cette volte-face qui est contraire à ses engagements de membre permanent du Conseil de sécurité. Les nombreuses gesticulations des précédents chefs du gouvernement Manuel Valls, Jean Castex (juillet 2020-mai 2022), Elisabeth Borne (mai 2022-janvier 2024), avaient tous fait miroiter au Maroc un probable soutien à son plan d’autonomie, mais ils n’avaient pas franchi le pas. Gabriel Attal qui est aujourd’hui un indu occupant du Palais Matignon, a osé. Il sait pertinemment qu’il rame à contre-courant de la légalité internationale et que sa décision sera nulle et non avenue dès que son successeur du Nouveau Front populaire (NFP) sera installé et cela quel que soit le jeu politique auquel voudra se livrer Macron.
Slimane B.