El Hadj Rabah Driassa, un des plus grands poètes et chanteurs de la variété populaire algérienne, décédé vendredi matin à Blida, à l’âge de 87 ans, aura consacré plus de 60 ans de sa vie à l’écoute de sa cité, portant dans ses œuvres l’espoir et l’optimisme d’une société profondément attachée à son patrimoine culturel.
«Ya Abdelkader», «Hizb Ethouar», «Ana Djazairi», «Nedjma kotbiya», «Mabrouk Aalina», sont autant de titres parmi tant d’autres encore, qui couronnent une carrière artistique de plus de 60 ans de l’homme, témoignant d’un artiste hors pair, à l’écoute des préoccupations diverses de sa cité qu’il a toujours répercutées, dans des œuvres immortelles aux formes hautement esthétiques. D’autres succès encore de la grande oeuvre du défunt, ont également imprimé les grands moments de l’histoire de l’Algérie et la vie des gens de tous les jours, à l’instar de, «Farhat Lhadja», «Quesset Sayidna Youssef», «Qoulou Laha Al Momarida», «Warda Bayda», «Ya Lhouta», «Ya el aâwwama», «Ya teffaha», «Ya el Goumri», «Khoud el meftah», «Hodjadj Allah» ou encore, «Quasidet ya Ras Bnadem». Né en 1934 à Blida, Rabah Driassa perd sa mère à l’âge de 12 ans, puis son père trois ans plus tard, se retrouvant à 15 ans, responsable de sa famille. Contraint d’aller travailler, il exerce d’abord, le métier de graveur sur verre et s’adonne à la peinture, la miniature notamment, sa première passion artistique, qu’il apprend tout seul en s’inspirant de Mohamed Racim, entre autre. En 1952, il expose ses œuvres à Alger, Blida, Paris et Metz et obtient le «Prix Jules Ferry», au Salon des artistes Algériens et Orientalistes de Paris et de Metz. Dans le monde de la chanson, le défunt commence en 1953, par écrire des chansons pour la plupart des vedettes de l’époque, avant d’essayer d’interpréter ses propres textes, dans «Men Koul fen Chouia», une émission radiophonique écrite et présentée par le regretté Mohamed Lahbib Hachelaf. Repéré et propulsé par les maîtres de la chanson de l’époque dont, Mustapha Skandrani, Abderrahmane Aziz, et Mustapha Kechkoul, Rabah Driassa trouvera sa voie et créera son propre style, basé sur un mélange de différents genres populaires, Bedoui, Alaoui, sahraoui, entre autres. Le succès est alors immédiat et le public s’arrache désormais les 45 tours (support musical commercial de l’époque) du jeune chanteur, appréciant la richesse de ses textes engagés, montés sur de belles mélodies et des cadences inédites et enregistrés dans de grandes maisons de disques, à l’instar de, «Pathé» et «Philips». Après l’indépendance, Rabah Driassa, qui connait une popularité ascendante, continue de persévérer et introduit dans son style un amalgame de thèmes patriotiques et sociaux qui lui vaudront d’être reconnu comme l’un des meilleurs auteurs-compositeurs de l’Algérie nouvelle, avec le titre honorifique d’ambassadeur de la chanson algérienne. Le défunt avait représenté l’Algérie lors de toutes les semaines culturelles organisées dans les pays amis, Irak, Égypte, Syrie, Koweït, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Liban, ainsi que les pays du Maghreb, notamment. En 1975, alors que ses chansons à succès ne se comptent plus, le Directeur de l’Olympia fait appel à lui, pour le mettre en tête d’affiche d’une série de galas consacrés aux vedettes du monde arabe et programmés pour la première fois. Dans les années 1990, son fils, Abdou Driassa s’est lancé sur les pas de son père dans la chanson, reprenant à ses débuts, de célèbres pièces du regretté maître de la chanson algérienne, avec qui il a souvent chanté en duo.
La ministre de la Culture et des Arts Wafa Chaâlal qui s’est déplacée à Blida, a exprimé ses condoléances à la famille du défunt et fait part, dans une déclaration à la presse, de sa «grande tristesse» devant la perte d’une «sommité artistique algérienne» qui laisse derrière elle «un parcours artistique prolifique», plein de «don de soi» et de «créativité», considérant que feu Rabah Driassa était «un des doyens de la chanson populaire algérienne authentique».