Le bilan du naufrage d’un bateau de pêche qui transportait des centaines de migrants, au large des côtes égyptiennes, s’élevait jeudi à 55 morts, alors que l’espoir de retrouver de nouveaux survivants s’amenuisait. Selon l’armée, 163 personnes ont pu être secourues sur les lieux du naufrage, à 12 kilomètres au large de la ville de Rosette, sur la côte nord de l’Egypte, point de départ d’un nombre grandissant de personnes pour une traversée périlleuse vers l’Europe. «Quatorze corps ont été découverts jeudi», a indiqué à l’AFP un responsable du ministère de la Santé, portant le bilan officiel du naufrage, survenu mercredi, à au moins 55 morts.
Posté sur une plage au nord de Rosette, un journaliste de l’AFP a vu la marine ramener à terre dans l’après-midi dix corps, dont celui d’un enfant. Une mère égyptienne, vêtue de noir, s’est mise à hurler lorsqu’elle a découvert le cadavre de son fils, un jeune homme. «Le bilan va s’alourdir», avait averti dans la matinée une source médicale jointe au téléphone par l’AFP. «Dans le bateau, il y a une soute où était entreposé le poisson (…) Il doit y avoir plein de monde à l’intérieur», a précisé le responsable. Selon les témoignages concordants d’une dizaine de rescapés, une centaine de personnes s’y trouvaient au moment du naufrage. Le bateau s’est renversé à cause de la surcharge, ont raconté les rescapés, selon lesquels les secours ont mis six heures pour arriver.
«Apocalypse»
«On était 200, le bateau était déjà bondé. Deux cents autres sont arrivés. Le bateau a penché sur le côté et a commencé à couler», a raconté Ahmed Mohamed, un peintre en bâtiment égyptien de 27 ans, menotté à son lit d’hôpital. «C’était l’apocalypse. Chacun essayait de s’en sortir vivant. J’ai nagé 10 kilomètres», a-t-il confié. Sur la plage au nord de Rosette, à l’embouchure du Nil, des dizaines de personnes s’étaient rassemblées, jeudi, dans l’attente d’informations concernant leurs proches disparus.
Des responsables ont, par ailleurs, annoncé que quatre Egyptiens, passeurs présumés, avaient été arrêtés sur des soupçons de «trafic d’être humains» et «homicide involontaire». Un mandat d’arrêt a été émis contre neuf autres personnes pour les mêmes chefs d’accusation, a précisé une de ces sources. Dans un communiqué, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a appelé le Parlement égyptien à adopter un projet de loi préparé par le gouvernement pour lutter contre le trafic d’êtres humains, un texte qui prévoit «des peines de prison et des amendes conséquentes pour les passeurs et leurs complices». Depuis le début du printemps, des centaines de personnes à bord d’embarcations de fortune ont été secourues ou interceptés par les gardes-côtes égyptiens. Mais il n’y a pas d’exemple récent de naufrage de cette ampleur.
Vers l’Italie
Sur les 163 rescapés, 157 ont été placés en rétention au commissariat de police de Rosette: en majorité des Egyptiens, mais aussi des Soudanais, des Somaliens et des Syriens. Un responsable du parquet a indiqué à l’AFP qu’ils seraient relâchés.
Selon le Haut Commissariat de l’ONU aux réfugiés, les départs d’Egypte en bateau comptent pour environ 10% des arrivées en Europe. Ce voyage comporte souvent plusieurs transferts périlleux en pleine mer sur des bateaux en mauvais état. Mardi, l’armée égyptienne avait annoncé avoir intercepté un premier bateau transportant 68 migrants, et un second mercredi avec 294 personnes à bord. L’agence européenne de contrôle des frontières Frontex s’était inquiétée en juin du nombre grandissant de migrants qui tentaient de rejoindre l’Europe à partir de l’Egypte. «Cette année, le nombre est d’environ 1.000 traversées sur des bateaux de passeurs d’Egypte vers l’Italie», avait affirmé son directeur Fabrice Leggeri. Plus de 300.000 migrants et réfugiés ont traversé en 2016 la Méditerranée pour se rendre en Europe, principalement en Italie, selon le HCR. Plus de 10.000 migrants ont perdu la vie en Méditerranée depuis 2014, dont plus de 3.200 depuis le début de 2016, selon le HCR.
Presque tous les migrants et réfugiés traversant la Méditerranée tentent de rejoindre la Grèce et l’Italie. La Libye, pays voisin de l’Egypte, qui est plongé dans le chaos depuis 2011, est devenue avec ses 1.770 km de côtes une plaque tournante de l’immigration clandestine.