Le syndicat des journalistes en Egypte a dénoncé mardi un recul de la liberté de la presse dans le pays, accusant le pouvoir d’être en guerre contre le journalisme, deux jours après l’arrestation de deux reporters au siège de l’organisation. Le président Abdel Fattah al-Sissi est régulièrement accusé par les défenseurs des droits de l’Homme d’avoir instauré un régime ultra-autoritaire qui réprime violemment toute opposition depuis qu’il a destitué en 2013 son prédécesseur islamiste Mohamed Morsi. Dimanche, la police a provoqué un tollé au sein des médias et de l’opposition en arrêtant deux journalistes lors d’un raid sans précédent dans les locaux de leur syndicat.
Les reporters Amro Badr et Mahmoud Saqqa, qui travaillent pour le site d’information yanair.net, critique du président Sissi, ont été placés lundi en détention provisoire pour 15 jours. Ils sont accusés d’avoir incité à manifester et appelé au rassemblement et à la chute du régime.
Nous marquons cette année (en ce 3 mai) la journée mondiale de la liberté de la presse alors que l’Egypte est en recul dans tous les classements internationaux, a déploré mardi le chef du syndicat Yehya Kallache lors d’une conférence de presse. Une assemblée générale du syndicat doit avoir lieu mercredi.
Au lieu de voir le gouvernement prendre des mesures concrètes pour sortir de cette situation, nous avons été surpris de constater une escalade de la guerre contre le journalisme et les journalistes, a-t-il asséné, faisant référence à l’arrestation des deux reporters. M. Kallache a notamment dénoncé les perquisitions sans précédent dans les locaux des sites d’information, ainsi qu’une pratique de la censure avant la publication. Il a affirmé que 29 journalistes étaient actuellement derrière les barreaux, certains en détention provisoire depuis près de trois ans.
«Des voyous»
S’exprimant devant quelque 200 journalistes au siège du syndicat, il a été interrompu à plusieurs reprises par des slogans hostiles à la police, qui filtrait l’accès du bâtiment: le ministère de l’Intérieur, c’est des voyous.
Amro Badr avait affirmé vendredi que la police avait mené un raid à son domicile et chez Mahmoud Saqqa, et le lendemain, les deux journalistes avaient annoncé qu’ils entamaient un sit-in au siège du syndicat pour protester notamment contre les descentes de la police. Dans un communiqué publié mardi soir, le bureau du procureur général a indiqué avoir décidé d’imposer un black-out sur cette affaire car elle contient des accusations relatives à la sécurité du pays. L’enquête montre qu’ils s’étaient mis d’accord avec le président de leur syndicat pour se réfugier au siège du syndicat et que le président leur avait promis de mener une médiation avec les autorités pour faire annuler la décision de leur arrestation, précise le texte. Si ces informations s’avèrent vraies, cela constituerait un crime sanctionné par le code pénal, ajoute-t-on. L’accord du président du syndicat concernant le sit-in (…) constitue également un crime passible de sanctions pénales, ajoute le communiqué.
Le bureau du procureur général a par ailleurs démenti les accusations portées contre lui par le syndicat qui affirme que la perquisition au syndicat ne s’est pas faite dans les règles. Les abus policiers avaient été l’un des facteurs ayant déclenché la révolte populaire de 2011 qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir, mais ces pratiques sont redevenues monnaie courante.